Si Lucian Bute a échoué à un test antidopage à la suite de son combat contre Badou Jack, le 30 avril à Washington, c'est parce qu'un supplément qu'il a consommé avant l'affrontement a été contaminé par le laboratoire qui l'a fabriqué.

C'est ce qu'ont expliqué le boxeur et son promoteur Yvon Michel en conférence de presse, vendredi matin, au lendemain de l'annonce du contrôle positif à l'ostarine de l'échantillon B de Bute. 

Le supplément en question, appelé Dynamite P.M. Night Fuel, devait aider Bute à dormir, lui qui disait éprouver des problèmes d'insomnie durant son camp d'entraînement. La formule du produit a été élaborée par son préparateur physique, Angel Heredia, un chimiste de formation. Elle ne fait aucune mention d'ostarine.

Heredia a commandé les produits nécessaires à la conception du supplément au laboratoire Pharmagenic, basé à Oceanside en Californie. Toutefois, le clan Bute a appris lundi que les substances utilisées auraient été contaminées à l'ostarine alors qu'elles étaient chez Pharmagenic, ce qui expliquerait le résultat positif de ses tests antidopage. 

«Je suis très content de ce résultat, parce que ça prouve que je suis honnête. Je n'ai jamais pris quelque chose d'illégal, et ça prouve que [le supplément] a été contaminé», a affirmé Bute.

«Je ne me sens pas coupable du tout, a-t-il maintes fois répété. Je n'ai jamais pris quelque chose d'illégal. Je suis déçu que ça me soit arrivé.»

Bute devra néanmoins comparaître devant la D.C. Boxing and Wrestling Commission, qui supervisait le combat contre Jack. Il aura l'occasion de plaider sa cause, mais s'expose tout de même à des sanctions. S'il est probable que le verdict nul majoritaire du duel deviendra sans décision, on ignore si Bute pourrait écoper d'une amende, d'une suspension ou des deux.

Son camp entend par ailleurs intenter des poursuites contre Pharmagenic «qui, à cause de [son] erreur, a causé des torts irréparables à l'intégrité, l'image et la réputation de Lucian Bute», a martelé Yvon Michel.

Blâmé en 2014

Ce n'est pas la première fois qu'Angel Heredia est mêlé à une histoire de dopage. Rappelons qu'il avait été visé dans le scandale du laboratoire BALCO, qui a éclaboussé le baseball majeur, au début des années 2000.

Pour fabriquer ses suppléments, Heredia commande les substances nécessaires à Pharmagenic, avec qui il est lié par contrat. L'empaquetage des suppléments est ensuite confié à Ameuro Elite Nutrition, entreprise dont le propriétaire est nul autre qu'Heredia lui-même.

D'autre part, en fouillant un peu, on constate que Pharmagenic se fait aussi appeler Human Tech Sports Nutrition et ne possède aucun site web. Son propriétaire, Guillermo «Willy» Ramos, est aussi culturiste et a été élu «Monsieur Mexique» en 2004. On peut d'ailleurs apercevoir quelques photos de lui en action sur le compte Twitter de Pharmagenic, inactif depuis février 2012.

Joint par La Presse, Ramos a expliqué avoir commandé les produits utilisés pour fabriquer le supplément de Bute en Chine. Il y a «environ trois semaines», il a appris que l'un d'eux avait été contaminé. Il a ensuite appris la nouvelle à Heredia.

«Il y a eu beaucoup de problèmes avec la commande. Des fois, ça fait peur, car on ne sait pas ce qu'ils vont nous envoyer», a-t-il souligné, précisant ne plus faire affaire avec la Chine.

Ramos affirme que c'est la première fois qu'il est impliqué dans un incident semblable. Pourtant, le 5 août 2014, la Food and Drug Administration (FDA) a envoyé un avertissement à Engineering Nutrition, entreprise dont Ramos est identifié comme étant le propriétaire et qui possède la même adresse que Pharmagenic. La FDA lui reprochait de «sérieuses violations» de ses règlements en matière d'étiquetage, d'identification des produits et de prévention de la contamination.

Ramos a assuré à La Presse qu'il ne s'agissait que d'un malentendu «de paperasse». Il a indiqué ne pas être au courant d'éventuelles poursuites contre lui de la part du clan Bute. Yvon Michel a toutefois mentionné avoir reçu des excuses de la part de Pharmagenic.

Par l'entremise de son compte Twitter, Heredia a quant à lui ait savoir que les produits d'Ameuro Elite Nutrition ne seront plus vendus au public jusqu'à nouvel ordre. Selon Yvon Michel, il était «atterré et consterné» d'apprendre que son supplément avait été contaminé.

Pas question d'arrêter 

De son côté, Bute a continué de défendre Heredia, imputant tout le blâme à Pharmagenic. Il n'a cependant pas voulu dire s'il avait encore l'intention de travailler avec lui à l'avenir.

«Tout ce que je souhaite, c'est de régler cette situation et de me concentrer sur mon entraînement pour remonter sur le ring, a-t-il dit. À savoir si je vais travailler avec lui, je ne le sais pas en ce moment. J'attends que cette chose-là se règle pour que je puisse marcher sur la rue avec la tête très haute.»

Chose certaine, Bute n'a pas l'intention de raccrocher ses gants, malgré ses 36 ans et toute cette histoire de dopage. Il continue de s'entraîner sous les ordres des frères Howard et Otis Grant. Il compte également se battre d'ici la fin de l'année ou l'année prochaine.

Bute est bien conscient que cette affaire a nui à sa réputation, et pourrait lui compliquer la vie quand viendra le temps d'organiser son combat. Mais au moins, dit-il, sa conscience sera tranquille.

«Peu importe la sanction que j'aurai, je vais avoir la tête très haute et je vais regarder tout le monde dans les yeux, car je n'ai jamais pris quoi que ce soit», a-t-il martelé.