Il a marché sur le tapis rouge avec Dwayne The Rock Johnson. Il a fait la fête avec Liberace au Rockefeller Center. Il a rempli le Madison Square Garden. Il a calmé un Chuck Norris un peu nerveux avant de sortir du rideau.

Dans les années 80, Pat Patterson s'autoproclamait «Le rêve du Québec». À bien des égards, ce surnom lui allait à merveille. Mais celui qui a passé les 50 dernières années dans l'univers fantaisiste de la lutte a également dû jouer entre fiction et réalité dans sa vie personnelle.



Patterson est homosexuel, un aspect de sa vie sur lequel il se faisait discret, bien que ce fût devenu un secret de Polichinelle pour les initiés. Après l'avoir annoncé publiquement lors d'une émission diffusée en 2014, l'homme de 75 ans lève le voile sur cet aspect de sa vie dans Accepted: How the First Gay Superstar Changed WWE, une autobiographie écrite par le Québécois Bertrand Hébert.

Aucun lancement officiel n'est prévu, mais Patterson sera à la librairie Paragraphe, jeudi soir, pour une séance de dédicaces.

«Avant, il ne fallait pas trop que j'en parle... Il y en a qui le savaient, mais je n'en parlais pas trop. Chacun avait sa vie, mais la mienne était différente, explique Patterson, en entrevue lundi avec La Presse depuis Anaheim, où il travaillait à un gala de la WWE. Mais à mon âge, it's time to be free

«L'histoire du livre, ce n'est pas tellement l'histoire de la lutte. Oui, j'étais lutteur et j'ai eu une belle carrière. Mais c'est tout ce que j'ai vécu pour me rendre là, pour travailler avec les plus grands lutteurs.»

Bertrand Hébert, lui, a été préféré à des auteurs américains, notamment grâce à sa profonde connaissance de l'histoire de la lutte québécoise. Il a en effet coécrit avec Patric Laprade À la semaine prochaine, si Dieu le veut. «Je pouvais lui jaser de Sylvio Samson, tout comme de l'émission RAW de lundi dernier. Et quand il passait du français à l'anglais, je pouvais le suivre!», a rappelé Hébert.

De Pierre Clermont à Pat Patterson

Né Pierre Clermont, il devient Pat Patterson, un nom qu'il choisit de façon aléatoire en 1958. Il luttera ensuite toujours sous ce nom, qui deviendra même son nom légal en 2009. «Pierre Clermont est le genre de gars qui aurait travaillé toute sa vie à l'usine. Pat Patterson est un go-getter, qui faisait ce qu'il aimait», dit Patterson dans le livre.

C'est à Boston qu'il rencontre Louie Dondero, celui qui devient son partenaire de vie, «mon ami», comme il l'appelait avec pudeur. Dondero est mort en 1998 après avoir partagé la vie de Patterson pendant près de 40 ans.

Pendant cette période, Patterson reste vague sur sa vie privée, mais baisse sa garde avec ses proches alliés, comme Vince McMahon, père et fils, tour à tour propriétaires de la World Wrestling Federation (WWF, devenue ensuite WWE). Louie est relativement connu des lutteurs, travaillant même officieusement comme leur coiffeur lors des tournées. Mais il est toujours présenté comme «l'ami» de Patterson.

Les moeurs ont grandement évolué depuis les années 80, et le milieu de la lutte n'y échappe pas. La WWE compte aujourd'hui dans ses rangs son premier lutteur ouvertement gai, Darren Young.

«Maintenant, les gens ne pensent plus comme ça, se réjouit Patterson, en entrevue. Que tu sois artiste, chanteur, acteur, tant que t'es bon, c'est ce qui compte. Aucun lutteur ne pense à ça dans le dressing room. Tu fais ton combat, tu prends ta douche, tu t'en vas sur la route et tu penses déjà à ton prochain combat parce que tu travailles le lendemain. Personne n'a de temps à perdre avec ces histoires-là de vie privée!»

Photo fournie par la WWE

Un parcours hallucinant

Si la vie personnelle de Pat Patterson prend beaucoup de place dans le récit, sa vie professionnelle mérite à elle seule un livre.

Élevé dans un quartier ouvrier de Montréal, Patterson s'exile avec «une valise trouvée dans les vidanges», empruntant de l'argent à sa soeur pour payer son billet d'autobus vers Boston. C'est en 1960.

Son parcours de lutteur le mène aux quatre coins de l'Amérique et finit par lui ouvrir les portes de la WWF, qui amorce au tournant des années 80 une phase d'expansion nationale. C'est là qu'il livre une série de combats à Sgt. Slaughter, dont un au Madison Square Garden, qu'il cite comme le plus grand moment de sa carrière dans l'arène.

Mais c'est en coulisses que Patterson établit sa place dans l'histoire de la lutte. Il devient en effet l'homme de confiance de la famille McMahon, qui contrôle l'empire que deviendra la WWE. Il en est même nommé vice-président, un titre qui dépasse cet homme aux origines modestes. «Je ne sais toujours pas ce que fait un vice-président sénior, mais je connais la lutte», admet candidement Patterson dans le livre.

La relation entre Patterson et Vince McMahon est d'ailleurs si serrée que c'est ce dernier qui signe la préface du livre. «Mon meilleur ami», écrit McMahon.

Il finira par être l'homme à tout faire de la compagnie. Il crée par exemple le concept du «Royal Rumble», des combats à 30 où les lutteurs arrivent à intervalles réguliers, ou lance l'idée d'un «Ironman Match», entre Bret Hart et Shawn Michaels à WrestleMania XII, en 1996. Un des meilleurs exemples de lutte pure, un combat sans coups de chaise ni table qui éclate ou tout autre artifice qui en irrite certains. Le combat préféré de Patterson.

Mais son rôle l'amène aussi à gérer des situations folkloriques typiques du monde de la lutte, comme la fois où la compagnie aérienne a «égaré» Matilda, le célèbre chien qui accompagnait les British Bulldogs lors de leurs combats.

Lutteur ou vice-président: de quelle partie de sa carrière Patterson est-il le plus fier?

«M'as te le dire ben franchement: de toute! lance Patterson. Parce que j'aime tellement la business. J'ai eu du succès avec ma carrière sur le ring et derrière la scène. Tu travailles pour les McMahon, c'est une grosse compagnie. J'étais le bras droit de Vince McMahon père, ensuite de Vince fils. C'est gros!»

Photo fournie par la WWE

Le lutteur Pat Patterson