La médaille de bronze d'Antoine Valois-Fortier aux Jeux olympiques de Londres a été considérée comme une grande surprise. Une partie de la «faute» incombe aux journalistes, prétend Nicolas Gill, une pointe d'amusement dans la voix. Ce n'était qu'une question de temps avant que le judoka de Québec ne fasse éclore son talent sur la plus grande scène, prédisait le célèbre entraîneur avant le début de la quinzaine olympique.

Voilà que deux ans plus tard, Valois-Fortier clôt la discussion: son podium londonien n'était pas du toc ou un accident de parcours. Jeudi, à Tcheliabinsk, aux confins de l'Oural russe, l'athlète de 24 ans est devenu vice-champion du monde chez les moins de 81 kilogrammes, égalant ainsi le meilleur résultat canadien de l'histoire.

Gill avait lui aussi arraché l'argent aux Mondiaux de Hamilton, en 1993, un an après son bronze (surprise!) aux JO de Barcelone. L'entraîneur national sait la difficulté de gérer les attentes après une consécration olympique. L'an dernier, son protégé avait d'ailleurs trébuché aux Championnats du monde de Rio de Janeiro, s'inclinant dès son deuxième combat.

«Je n'étais vraiment pas très content de ma performance de l'année dernière, a acquiescé Valois-Fortier, joint à son hôtel en fin de soirée. Je voulais effacer ça de ma mémoire. Ces Championnats du monde étaient mes troisièmes. Les deux premiers n'avaient pas été comme je le voulais. Je voulais donc prouver que j'étais capable de monter sur un podium aux Championnats du monde. Et que Londres, ça n'avait pas été qu'un coup de chance.»

Contrairement aux JO, où son parcours s'était conclu par une victoire spectaculaire et émotive, Valois-Fortier s'est incliné à son combat final face au Géorgien Avtandili Tchrikishvili, numéro un mondial. Ce dernier l'a surpris avec une projection dans la première minute, inscrivant un waza-ari qui s'est avéré suffisant. À la cérémonie des médailles, la déception se lisait sur le visage du Québécois.

«À froid, immédiatement après ma défaite, j'avais un peu l'impression que je venais plus de perdre l'or que de gagner l'argent», a commenté le médaillé d'argent, touché par les messages de félicitations qui défilaient sur les réseaux sociaux. «Mais je suis très satisfait de ma journée. Avec un peu de recul, j'ai battu des gars que je n'avais jamais battus avant, des tops mondiaux. J'étais surtout heureux d'atteindre mon objectif de l'année. Ça me donne beaucoup de confiance pour le futur.»

Une victoire serrée en demi-finale

Sa joie, il a pu l'exprimer de manière très intense après sa victoire serrée en demi-finale face au Français Loïc Pietri, tenant du titre. Dans un duel tactique et défensif, ce dernier a été pénalisé pour manque de combativité à deux minutes de la fin, ce qui a fait la différence. Devant son entraîneur qui brandissait les poings dans les airs, Valois-Fortier a poussé un cri rageur en pointant la feuille d'érable brodée sur son judogi.

Cette victoire est probablement la plus significative de sa jeune carrière. «Dans ma tête, je n'étais pas certain de pouvoir me permettre d'y croire, a expliqué le sixième mondial avant le début du tournoi. Réussir à surmonter le fait qu'il avait un statut très élevé, ça ajoute une fleur à ma victoire.»

En quarts, le longiligne judoka s'est aussi débarrassé d'un adversaire de taille, le Brésilien Victor Penalber, son tombeur aux deux derniers Championnats panaméricains et au Grand Chelem de Tioumen, le mois dernier. Il a maté le troisième mondial grâce à une projection à mi-combat qui lui a valu un waza-ari.

Valois-Fortier devient le troisième judoka canadien seulement à gagner une médaille aux Jeux olympiques et aux Championnats du monde. Ce n'est qu'un début, croit Nicolas Gill, dont l'impressionnant palmarès compte deux podiums aux JO (bronze et argent) et trois aux Mondiaux (argent et deux bronze).

«Il faut rester en santé, mais s'il continue à travailler comme il le fait, avec un peu de chance, je serais très surpris qu'il prenne sa retraite sans faire d'autres médailles aux Championnats du monde et aux Jeux olympiques», a avancé l'entraîneur.

Le nouveau vice-champion du monde rentrera au pays dimanche. Après une saison couronnée de succès, il s'accordera une pause de quelques semaines pour soigner de «petits bobos». Valois-Fortier compte reprendre la compétition quelque part en novembre. S'amorcera alors la longue préparation en vue des Jeux de Rio. Où personne ne doutera de ses chances.