Parfois, il suffit d'une seule petite phrase pour comprendre bien des choses. Par exemple: pourquoi Adonis Stevenson n'affronte pas Sergey Kovalev, le champion WBO des mi-lourds, pourquoi ce combat que réclament bien des amateurs de boxe ne verra probablement pas le jour dans un avenir rapproché.

«Les affaires sont les affaires», a répondu jeudi Stevenson lors d'une rencontre avec les journalistes.

Les affaires sont les affaires: il est difficile de ne pas en convenir. Bien sûr, un esprit critique pourrait faire valoir que le sport n'est pas uniquement une histoire «d'affaires». Mais parfois, les frontières se brouillent. Elles se brouillent souvent dans la boxe, un sport tellement collé à l'argent qu'on se demande parfois si le rembourrage des gants n'est pas fait de billets verts.

Adonis Stevenson (23-1, 20 K.-O.) n'affrontera pas Sergey Kovalev (23-0, 21 K.-O.), car il a signé cette semaine une entente lucrative avec le réseau Showtime. Kovalev, lui, se bat sur les ondes de HBO.

«Les choses sont très polarisées, en ce moment, en boxe. Tu es avec Showtime ou tu es avec HBO», rappelle le promoteur Yvon Michel.

Stevenson aurait pu s'entendre avec HBO. Le boxeur a de très bonnes relations avec le réseau, qui a télédiffusé ses trois derniers combats.

Les deux parties semblaient près d'un accord. Mais Stevenson a décidé de s'associer à un nouvel agent. Il a appelé Yvon Michel il y a quelques semaines pour annoncer à son promoteur qu'il avait retenu les services d'Al Haymon. «J'étais dans l'auto avec mes enfants, raconte Michel. J'aurais peut-être préféré qu'Adonis me parle de son projet avant...»

Haymon est un poids lourd dans le monde de la boxe. Il est l'homme de Floyd Mayweather et a de très bonnes relations avec Showtime. Résultat, le réseau a déposé une offre pour retenir les services de Stevenson. HBO a préféré ne pas l'égaler. Les chemins du champion du monde WBC des mi-lourds et de Kovalev se sont séparés.

L'offre de Showtime était de beaucoup supérieure, chuchote-t-on. L'argent a tranché.

«On a une entente de quelques combats avec Showtime. Kovalev a une entente de quelques combats avec HBO. Peut-être que ce combat sera retardé d'un an, même pas, note Yvon Michel. Peut-être que ce sera en 2015.» Ou peut-être que ça n'arrivera jamais, comme un certain duel Mayweather-Pacquiao.

Fonfara, Hopkins puis Pascal?

Certains ont suggéré sur les médias sociaux que Stevenson craignait Kovalev. Lorsque cette hypothèse lui est soumise, le principal intéressé manque de s'étouffer.

«Comment? J'ai affronté Chad Dawson, j'ai affronté Tavoris Cloud et je voudrais éviter Kovalev? Ce n'est pas ça pantoute, a lâché Stevenson. C'est une question d'affaires. Du point de vue des affaires, ça n'avait pas de sens. L'argent n'était pas au rendez-vous. Ça n'a rien à voir avec la peur.»

Pour l'instant, Stevenson va se contenter de défendre son titre contre le plus modeste Andrezj Fonfara (25-2-0, 15 K.-O.). Le combat, qui va voir lieu au Centre Bell le 24 mai, sera diffusé par Showtime.

S'il l'emporte, Stevenson vise un combat contre Bernard Hopkins (54-6-2, 32 K.-O.). L'increvable boxeur de 49 ans fait aussi «des affaires» avec Showtime.

Puis peut-être qu'il y aura Kovalev, ou un certain Jean Pascal. L'ancien champion du monde est devenu l'aspirant obligatoire au titre WBC de Stevenson en défaisant Lucian Bute. Yvon Michel ne dit pas non.

«Jean veut affronter Adonis éventuellement. Je pense que c'est un combat qui pourrait se matérialiser, dit-il. Adonis ne recule devant personne. L'objectif est d'unifier les titres. Ensuite, une défense contre Jean Pascal serait un combat de rêve.»

Adonis Stevenson ne dit pas non, lui non plus. Mais à certaines conditions. «C'est moi qui serai le mieux payé des deux», lance-t-il.

L'argent, toujours l'argent...