C'était censé être le premier d'une série d'affrontements. Le combat qui allait placer Jean Pascal et Lucian Bute sur le même chemin, celui des combats revanche, des millions et d'une ville qui vibre pendant des années au rythme de leur rivalité.

Il n'en a rien été. Il a fallu 12 rounds et une domination de Pascal pour séparer leurs routes. Pascal est sorti du ring les bras levés, a relancé sa carrière et peut maintenant rêver aux plus grands combats. Bute en est sorti la mine basse et des questions plein la tête.

Et la revanche dans tout ça? Elle a perdu samedi soir autant de plumes que Lucian Bute.

Celui-ci est resté loin des micros et des caméras hier. Son entraîneur a toutefois répondu à nos questions. Son analyse de la défaite est froide et lucide.

«Lucian a l'impression d'avoir laissé tomber tout le monde. Il s'en veut. Il s'est donné 5 ou 6 sur 10. Franchement, c'est généreux, note Stéphan Larouche. J'ai connu un Lucian Bute qui dégainait à toutes les ouvertures. Il n'a pas été l'ombre de lui-même.»

Selon Larouche, Bute (31-2, 24 K.-O.) ne semble pas remis de sa lourde défaite en cinq rounds contre Carl Froch. C'était en mai 2012. Encore aujourd'hui, le boxeur en garde «un traumatisme».

«Contre Pascal, il a réagi un peu comme contre Carl Froch et Denis Grachev. Ça fait trois combats en ligne qu'il est hésitant, dit-il. Un boxeur qui pense trop, ce n'est pas bon. C'est un boxeur qui n'est pas efficace.»

«Il était off samedi. Un paquet de boxeurs aurait battu le Lucian Bute qui s'est présenté. Il a comme un traumatisme qui ressort quand il arrive en compétition. Ça l'empêche de lancer des coups, ça le gèle. Pourquoi? Je ne le sais vraiment pas», a expliqué Stéphan Larouche en entrevue avec La Presse.

«C'est comme s'il n'était pas capable de frapper avant de se faire frapper. Ça me fait penser à un policier qui a eu un accident et qui tue quelqu'un en service. La prochaine fois que ça va brasser, il ne sera plus jamais le même qu'avant», illustre-t-il.

Samedi soir, Lucian Bute n'a pas bien paru. Son entraîneur est amer, mais ne cherche pas d'excuse. «Jean Pascal a bien boxé. On s'attendait à ça. Il a été égal à lui-même: ni mieux ni pire, concède-t-il. Mais l'histoire de ce combat est simple. Lucian Bute s'est battu lui-même. À partir du moment où un boxeur ne lance pas de coups de poing, il ne peut pas gagner le combat.»

Lucian Bute se retrouve donc à 33 ans sur la pente descendante, aux prises avec un «traumatisme» qu'il ne semble pas capable de vaincre. Est-ce que l'heure de la retraite a sonné? Larouche estime qu'il est trop tôt pour se prononcer. «Il a besoin d'un bon break. Il a besoin de réfléchir et de comprendre pourquoi ça se produit», dit-il.

Jean Pascal «est revenu»

Pour Larouche, l'histoire du combat tient dans le fait que son boxeur «n'a pas été l'ombre de lui-même.» Dans le camp adverse, sans surprise, l'histoire est bien différente: Pascal a livré selon son entourage un combat parfait.

«Lucian ne doit pas être gêné de sa défaite. Il n'a pas perdu contre un nobody. Il a bien fait selon ses capacités», a lancé Pascal hier lors d'une rencontre avec les médias.

Le boxeur semblait en pleine forme. En fait, il paraissait plus abîmé par sa soirée de célébrations que par le combat. «C'est toute une satisfaction. Ça faisait sept ans que je demandais, que j'attendais ce combat», a lancé le vainqueur.

La carrière de Jean Pascal (29-2-1, 17 K.-O.) avait pris une drôle de tournure dans les dernières années. Depuis sa défaite contre Bernard Hopkins en mai 2011 et avant samedi, Pascal n'avait battu que deux adversaires de seconde classe. Sa victoire sur Bute vient de redorer son blason.

«À 31 ans, il est au sommet de sa forme et de sa carrière présentement, croit Yvon Michel. Jean est bel et bien revenu.»

Une revanche?

Le promoteur a maintenant de grands plans pour son poulain. Il ne semble pas pressé de voir une revanche contre Bute. «Éventuellement, si Lucian rebâtit sa confiance, s'il réussit à aller chercher quelques victoires, alors un combat revanche pourrait être extraordinaire, a-t-il précisé. Il faudrait qu'il y ait une demande populaire pour le faire. Et par demande populaire, je veux dire de l'argent.»Par ailleurs, Michel n'est pas du tout pressé d'organiser un combat de titans montréalais entre Jean Pascal et Adonis Stevenson. Avec sa victoire de samedi, Pascal est devenu l'aspirant obligatoire du champion WBC des mi-lourds (175 livres).

Mais les deux athlètes font partie de l'écurie d'Yvon Michel. Celui-ci préfère envoyer Pascal détrôner un autre champion, plutôt que d'organiser une guerre fratricide. «Peut-être que ce combat aura lieu en 2015, a dit Michel sans grande conviction. Mais dans l'immédiat, ce ne serait pas judicieux d'aller dans ce sens. On a la chance d'avoir deux grandes vedettes. Profitons-en.»

Jean Pascal préférerait quant à lui venger ses défaites contre Bernard Hopkins et Carl Froch.

Pour lui, les portes viennent de s'ouvrir. L'horizon s'est dégagé. Tous les rêves sont possibles. Pendant qu'il sera à étudier ses options dans les prochaines semaines, Lucian Bute devra se poser de difficiles questions.

Ils sont montés égaux sur le ring samedi soir. Mais Pascal et Bute en sont ressortis dans deux classes différentes. C'est la dure loi de la boxe.