À ses débuts, ses opposants le qualifiaient de «spectacle barbare». Il était interdit dans tous les États américains, sauf un. Les arts martiaux mixtes sont aujourd'hui le sport en plus forte croissance aux États-Unis. Sa plus prestigieuse organisation, l'UFC, a célébré cette semaine ses 20 ans. Portrait en cinq temps.

Les débuts

L'idée était simple. Il s'agissait de mettre dans une cage deux spécialistes d'arts martiaux différents pour voir qui l'emporterait. Un expert en karaté pourrait-il vaincre un lutteur? Un sumo défaire un boxeur?

L'expérience n'avait jamais été tentée auparavant. C'est pour résoudre ces questions pressantes qu'est né l'Ultimate Fighting Champonship (UFC). Le premier événement a eu lieu le 12 novembre 1993, à Denver, au Colorado.

Huit hommes se sont portés volontaires sans trop savoir à quoi s'attendre. «Ils étaient comme des pilotes d'avion partant dans la stratosphère pour la première fois. Mais sans parachute», dit l'un des fondateurs, Art Davie.

Le livre des règlements était bref: pas de morsures ni de doigts dans l'oeil.

Le vainqueur de la soirée, Royce Gracie, 175 lb, a surpris tous les observateurs en battant des adversaires beaucoup plus lourds. «Moi, je n'étais pas surpris. Je savais que le jiu-jitsu brésilien était l'art martial le plus fort», dit-il, 20 ans plus tard.

Les organisateurs de UFC 1 ne croyaient pas fonder un sport. Ils ne pensaient même pas organiser un deuxième événement. Mais ils ont vendu plus de 80 000 abonnements à la télé à la carte, bien au-delà des attentes. Ils ont donc poursuivi l'aventure.

Les opposants

«Le spectacle le plus sanglant et barbare de l'histoire», a titré le TV Guide après le premier événement. Loin d'en prendre ombrage, l'UFC a repris la phrase dans sa promotion. Oui, le spectacle était sanglant. Oui, il était barbare. Mais les Américains en étaient fascinés.

La réaction ne s'est pas fait attendre. Le sénateur républicain John McCain est devenu le plus farouche opposant. «Ce sont des combats de coqs humains», a-t-il lancé. Une quarantaine d'États américains ont banni l'UFC.

Vers la fin des années 90, l'organisation a voulu apaiser la grogne. Des règles ont été introduites et des catégories de poids sont apparues. Les combats entre un homme de 170 lb et un autre de 400 lb ne seraient plus permis.

Au même moment ont fait leur entrée des combattants qui allaient devenir des icônes du sport quelques années plus tard, comme Randy Couture, Chuck Liddell et Tito Ortiz.

Le rachat

Les efforts pour convaincre les politiciens de légaliser le sport avaient coûté cher. Les fondateurs de l'UFC étaient à sec. Les frères Lorenzo et Frank Fertitta ont racheté l'organisation pour 2 millions en janvier 2001.

«On avait une idée très claire de là où on voulait aller. On voulait changer le marketing pour en faire un sport encadré, perçu comme sûr, explique en entrevue Lorenzo Fertitta. On voulait montrer que nos athlètes étaient aussi bons, sinon meilleurs que les autres athlètes professionnels.»

«C'était notre vision. On a mis un peu plus de temps qu'on l'espérait à faire passer le message, pour en finir avec notre image négative, dit-il. Mais on l'a fait.»

Les règles unifiées des arts martiaux mixtes ont été adoptées. Il n'était plus question de coups à l'entrejambe, de coups de tête, de tirage de cheveux... Il n'était plus question non plus d'opposer des spécialistes de différents arts martiaux. Depuis quelques années, des athlètes s'entraînaient à maîtriser toutes les disciplines - la lutte, le jiu-jitsu, le muay tai, la boxe - pour devenir des combattants complets. Un nouveau sport était né.

L'explosion

Pour faire connaître l'UFC à un plus large public, les Fertitta avaient besoin de la télé câblée. Ils ont eu l'idée d'une téléréalité dans laquelle les participants seraient éliminés au fil des combats. The Ultimate Fighter a été diffusé pour la première fois en 2005 sur les ondes de Spike. «On a financé nous-mêmes la première saison», explique Lorenzo Fertitta.

Les résultats se sont tout de suite fait sentir. Au UFC 60, en 2006, 620 000 abonnements ont été vendus à la télé à la carte.

Au même moment arrivaient à l'UFC Anderson Silva et Georges St-Pierre (GSP). «L'impact de GSP sur l'UFC a été énorme», tranche le propriétaire de l'organisation.

Le sport se taillait une audience de plus en plus grande. Ses opposants, eux, étaient de plus en plus rares. «La meilleure illustration du changement, c'est que notre plus féroce opposant, le sénateur John McCain, nous a récemment donné sa bénédiction en disant que le sport avait changé du tout au tout», explique Lorenzo Fertitta.

L'internationalisation

«On a encore beaucoup de travail à faire. On n'est pas encore grand public, on n'est pas encore rendus là où on veut se rendre, lance Fertitta. On a eu 20 belles premières années. Mais dans les 20 prochaines, on va étendre notre sport au reste du monde.»

L'UFC organise maintenant plus d'une trentaine d'événements par année, surtout aux États-Unis, au Canada et au Brésil.

«On va organiser plus d'événements en Europe, plus d'événements en Asie, explique Fertitta. On va continuer de croître au Brésil, où l'on est le deuxième sport pour la popularité. En 2014, on va organiser un premier événement au Mexique. L'Amérique du Sud est aussi dans notre ligne de mire. L'UFC entend se mondialiser.»