Stéphan Larouche n'aime pas parler de l'après-Lucian Bute. Peut-être parce qu'il pense que le boxeur de 33 ans a encore plusieurs combats en lui. Peut-être aussi pour ne pas tomber dans la nostalgie. Morceau par morceau, Stéphan Larouche est toutefois en train de donner forme à ce que seront les prochaines années de sa vie d'entraîneur. Celle d'après Bute.

Larouche vient de prendre sous son aile un boxeur qui fera ses débuts professionnels le 26 octobre. Montasar Mechri, un Belge d'origine tunisienne de 18 ans, est arrivé à Montréal le 18 août dernier. Il est le premier de quatre espoirs qu'envisage d'encadrer Larouche. Deux d'entre eux sont Québécois.

«Je ne lui mets aucune pression, commence Stéphan Larouche en parlant de son nouveau protégé. Je pense qu'il va faire une grande carrière, mais ça va être difficile. On reconnaît les grands athlètes aux misères qu'ils traversent, à leur façon de se relever.»

Mechri a livré une cinquantaine de combats chez les amateurs et subi six défaites. Il a été sacré champion de Belgique à trois reprises, mais n'a jamais fait ses preuves à un calibre continental, encore moins international.

Ce n'est donc pas en raison d'un bagage amateur exceptionnel que Larouche a accepté d'encadrer le boxeur, auprès de qui il fait pour l'instant office d'entraîneur et de gérant. Il explique qu'il a plutôt vu chez lui les aptitudes - coordination, vitesse et explosion - et l'attitude nécessaires pour réussir chez les professionnels.

«Des fois, en sparring, Montasar me donne des flashs de Stéphane Ouellet. Ça me replonge dans le passé, raconte Larouche. Je me mets à me dire: "est-ce que je commence une autre galère?"»

Cette galère, Larouche ne s'y est pas précipité. Il a d'abord été mis en contact avec le Belge par une tierce personne qui en disait du bien. Il lui a parlé au téléphone. Puis, sans faire de promesses, il a accepté que Mechri le rencontre à son gymnase du complexe Claude-Robillard.

«Je voulais voir son comportement avant tout. Parce qu'il y en a plein, dans le monde, des boxeurs comme lui avec du potentiel. Mais il est arrivé ici, a posé ses valises sur le ring et a dit: "M. Larouche, est-ce que ça dérange si je dors dans le parc à côté du gymnase, parce que je n'ai nulle part où dormir?" On lui a trouvé une chambre. Mais ça démontrait du coeur et du courage. J'ai aimé ce que j'ai vu.»

À 18 ans, seul au Québec

Montasar Mechri a donc laissé sa banlieue de Forest, près de Bruxelles, et ses parents derrière lui. Il est arrivé au Québec les mains vides. «Tu sais, on n'est pas très riches. De toute manière, quand c'est ton rêve, ça va tout seul, même si c'est difficile», lâche-t-il, dans un français où on discerne à peine l'accent belge.

Les comparaisons sont toujours boiteuses. Mais l'arrivée de Montasar Mechri à Montréal ne peut que rappeler celle de Lucian Bute, il y a maintenant dix ans. Bien sûr, le Roumain débarquait, à 23 ans, avec un bagage amateur autrement étoffé. Mais le Belge met les pieds au Québec âgé de cinq ans de moins.

«C'est sûr que c'est un avantage de commencer à travailler avec un jeune boxeur. Il va tout de suite prendre des plis qu'on aime. Il va se développer à notre façon, faire attention à son alimentation, adopter un style de vie, des valeurs, explique Larouche. Parce qu'à travers ça, on fait un enseignement.»

Le nouveau protégé va faire ses débuts professionnels le 26 octobre, à Chicoutimi. Il évolue dans la catégorie des super-mi-moyens (154 livres). À 5 pi 11 et des poussières, Larouche le voit toutefois monter chez les moyens (160 livres) à terme.

Un projet personnel

Stéphan Larouche envisage aussi de recruter le compatriote de Lucian Bute, Bogdan Dinu (9-0, 6 K.-O.). Ce poids lourd s'est battu au Centre Bell il y a un an. «Les négociations vont bien pour le faire venir ici», dit-il.

Deux autres espoirs québécois sont dans sa ligne de mire, dont l'amateur montréalais Yves Ulysse. Celui-ci est présentement au Kazakhstan pour les championnats du monde. Larouche préfère taire le nom de l'autre boxeur qu'il convoite, mais précise «qu'il a les mains les plus rapides au Québec».

InterBox n'est pas impliquée dans les nouveaux projets de Stéphan Larouche. Le groupe a délaissé le développement de boxeurs pour se concentrer sur l'organisation d'événements. Larouche croit néanmoins que ses protégés pourraient très bien se retrouver à l'affiche d'un événement d'InterBox un jour.

«Si on y met les efforts comme on les a déjà mis, avec toute l'expertise qu'on a acquise au fil des années avec des boxeurs comme Lucian, je pense qu'on a des chances d'atteindre les sommets», dit-il.