Rien n'y paraît, ou presque, quand on la voit s'affairer à la tâche comme entraîneuse de l'équipe féminine de lutte du Québec aux Jeux du Canada, ou encore donner un coup de main aux responsables du site de compétition.

Mais Martine Dugrenier est amochée physiquement, un an après avoir vécu une autre amère déception aux Jeux olympiques, à Londres.

« Je dis à mes amis pour niaiser que je suis une personne handicapée, affirme-t-elle en entrevue à La Presse Canadienne. Mais c'est ce que je suis devenue. Quand tu ne peux pas prendre un enfant dans tes bras, que tu as de la difficulté à poser des gestes simples au quotidien, ça fait réfléchir. Tu te dis que c'est pour la vie. »

L'ancienne championne de lutte olympique, âgée de 34 ans, garde des séquelles importantes de l'opération à l'épaule gauche qu'elle a subie en décembre dernier. Elle regagne peu à peu de la mobilité, mais elle se demande si elle va se rétablir complètement un jour.

« On m'a dit que j'ai une épaule d'une personne de 70 ans, mais je garde espoir. On ne sait jamais. On a quand même fait de bons progrès au cours des derniers mois. »

La Montréalaise ne cache pas qu'elle a passé un printemps très difficile, que son moral en a pris pour son rhume.

« Ce n'est pas l'après-Londres que j'avais imaginé. Je me voyais être opérée plus tôt et tenter un retour à la compétition. Je ne pensais pas rester hypothéquée de la sorte. Je ne peux pas lever le bras, et j'ai lutté comme ça à Londres. Les mois précédant les Jeux ont été l'enfer parce que j'avais mal. Les gens de mon entourage me disent que j'aurais quand même pris part aux Jeux, même si j'avais su ce qui m'attendait. Oui, probablement que j'aurais essayé quand même. Mais je ne le savais pas. »

Message pour Guay

Elle s'inquiète pour le skieur Erik Guay qui est engagé dans une course contre la montre en vue des Jeux de Sotchi, dans moins de 200 jours.

Blessé au genou gauche, Guay a dû renoncer à son entraînement estival sur neige et il devra prendre les bouchées doubles à l'automne.

« Il ne pense pas aux répercussions. Nous les athlètes, on ne réfléchit pas à ça. Je lui souhaite de pouvoir vivre les Jeux, mais j'espère que ça ne l'hypothéquera pas pour la vie. Lui, c'est un genou. Moi, les gens ne savent pas en me voyant. Ce n'est pas apparent. »

Au moins, à Sherbrooke, Dugrenier a retrouvé le sourire et elle éprouve du plaisir à s'acquitter de ses tâches d'entraîneuse et de soutien aux organisateurs.

«On apprend à la dure, souligne-t-elle, en parlant de ses athlètes. À notre premier affrontement du tournoi par équipes, nous n'avons gagné aucun match face à la Colombie-Britannique. Après, j'ai dit aux filles: «ça ne peut pas être pire, essayons d'en gagner au moins un contre l'Ontario'. Et nous en avons gagné deux! Les filles étaient contentes.»

Avec un groupe de débutantes sous la main, Dugrenier ne s'attendait pas à des miracles. Elle veut principalement leur transmettre sa passion du sport, gagner leur confiance et leur inculquer des valeurs comme l'effort, la discipline et la persévérance.

«Gagne ou perd, il y a un chemin qui mène vers le succès, dit-elle. Il n'est pas toujours facile à emprunter. C'est comme dans la vie. Je veux prendre le temps de leur montrer le bon chemin.»

Une pause

Parce qu'elle n'a pas pu décanter après Londres, Dugrenier va s'imposer une pause après les Jeux du Canada.

«En raison de mon implication, je n'ai pas pu prendre de recul. Je vais m'accorder un temps de repos. J'en ai besoin.»

Dugrenier mentionne qu'elle reviendra au «coaching» en raison de l'attachement qu'elle a pour ses athlètes, et vice-versa. Mais le statut de la lutte comme discipline olympique pourrait la faire changer d'idée. Le Comité international olympique (CIO) tranchera en septembre, à savoir si la sport demeure une discipline olympique en 2020.

«C'est une grosse décision, résume-t-elle. Personnellement, je suis confiante en raison des changements qu'on a apportés au sport et de la vive réaction que les gens ont eue à l'annonce du retrait de la lutte au programme olympique. Mais j'ai encore un peu peur. Il ne faut pas baisser la garde, ne rien tenir pour acquis.»