Pas de «Strip». Pas de bars. Pas de distractions. Jean Pascal est à Las Vegas dans le seul but de s'affûter en vue de son combat du 25 mai contre Lucian Bute. Sous la férule d'Angel Heredia, il a complètement chamboulé son horaire d'entraînement. L'objectif est simple: augmenter son endurance pour être fort du premier au dernier round.

À 5h du matin, hier. Las Vegas se prépare à aller dormir. Quelques fêtards arpentent encore les rues. Les casinos sont presque vides. Le désert est toujours plongé dans la nuit.

Jean Pascal, lui, se réveille. Les premières lumières s'allument dans la maison de prestige qu'il loue non loin de l'aéroport. Le boxeur envoie son premier tweet puis déjeune. Dans la maison, son équipe s'active.

Pour entamer la journée, Pascal s'en va courir dans les montagnes à l'ouest de Las Vegas. Sur les flancs du mont Charleston, qui culmine à 3633 mètres, des traces de neige sont encore visibles. C'est ici que les plus grands boxeurs viennent courir. Mike Tyson a sué sur ces pentes, Ali aussi. Ça monte dru. Le «Strip» semble à des années-lumière...

Quand on lui demande si la ville du vice n'offre pas trop de distractions, le boxeur s'insurge: «Je ne suis pas à Las Vegas pour niaiser, tranche Jean Pascal. Maintenant, j'ai 30 ans. Je suis un vétéran, j'ai boxé contre des légendes, alors je connais mon métier et je sais quoi faire.»

Il a beau fréquenter des vedettes comme le chanteur 50 Cent, Pascal assure qu'il se tient loin des tentations. Il est ici pour souffrir. Comme des milliers de parieurs, il est à Las Vegas pour gagner gros. Mais contrairement à eux, sa paie viendra le 25 mai et Pascal ne veut rien laisser au hasard.

«Ma routine depuis des semaines est identique. Je me lève et je vais m'entraîner. Ensuite, je fais une sieste, puis je retourne m'entraîner en début d'après-midi. Je fais une autre sieste et je retourne m'entraîner en soirée. Après ça je vais me coucher et je recommence.»

«Je m'entraîne, je mange, je dors et je fais de la boxe», résume-t-il. Beau programme.

La méthode Heredia

Pour les 12 rounds passés dans l'arène un soir de combat, il y a des mois de souffrance en amont. Ça a toujours été vrai, mais ce l'est encore plus aujourd'hui. Les camps d'entraînement des boxeurs se sont perfectionnés. Les équipes se sont agrandies. Les jours où un entraîneur de boxe, un chapeau sur le crâne, un cigare à la bouche, s'occupait de tout sont bel et bien révolus.

Tout comme Lucian Bute, Jean Pascal est entouré d'une équipe nombreuse. Il est suivi par un thérapeute sportif, un nutritionniste, un préparateur physique... La boxe est devenue une guerre des camps d'entraînement. C'est à qui se préparera le mieux, armé de science et des dernières techniques.

«Nous, on est old-school, on n'a pas besoin de préparateur physique», disait récemment à l'auteur de ces lignes l'entraîneur d'Adonis Stevenson, Javan Hill. Hill porte fièrement l'héritage d'Emanuel Steward et du Kronk Gym. Il s'oppose par exemple aux poids et haltères pour un boxeur (à noter que Pascal et Bute les utilisent). Mais, inexorablement, l'ancienne école perd du terrain.

«Je n'ai rien contre l'ancienne façon de faire. Je n'ai rien contre les entraîneurs old-school, dit Angel Heredia, le controversé nouveau préparateur physique de Jean Pascal. Entre deux boxeurs entraînés à l'ancienne, le meilleur gagnera. Mais entre un boxeur entraîné à l'ancienne et un boxeur entraîné scientifiquement, le deuxième va gagner. C'est aussi simple que ça.»

«Par exemple les anciens disaient que la musculation réduisait la souplesse des boxeurs, rappelle Heredia. Mais quand c'est bien fait, ça peut beaucoup apporter.»

Angel Heredia représente le plus important changement dans l'entourage de Pascal, qui travaille encore avec son entraîneur de toujours, Marc Ramsay. Heredia a changé du tout au tout le plan d'entraînement du boxeur de Laval.

Durant toute sa carrière, Pascal s'est entraîné deux fois par jour en camp d'entraînement, comme le fait depuis toujours Lucian Bute. Mais Heredia a convaincu Pascal de passer à trois entraînements. Chacun d'entre eux est plus court, mais Heredia est convaincu que cette formule permet au boxeur d'augmenter son gain musculaire, son explosivité, sa rapidité.

Trois entraînements plutôt que deux: est-ce que Jean Pascal s'entraîne mieux que Lucian Bute? Heredia est convaincu que oui. Le préparateur physique de Bute pense quant à lui que deux entraînements par jour conviennent parfaitement à son boxeur. «Pour Lucian, deux entraînements permettent des sessions optimales et une récupération adéquate, a expliqué Alain Delorme à La Presse la semaine dernière. Pascal en fait trois, tant mieux pour lui. Chaque boxeur est différent.»

Faire taire Lucian Bute

Pascal a couru 7 km en montagne hier. À un moment, son rythme cardiaque a atteint 173 pulsations par minute. Cela équivaut à 91% de sa fréquence cardiaque maximale. Il s'agissait d'un entraînement de haute intensité. Le boxeur avait le visage crispé de douleur.

Marc Ramsay attendait son poulain à l'arrivée. «Continue comme ça, ça devrait te permettre de boxer pendant un bon quatre rounds!», a lancé l'entraîneur avec malice. Ramsay faisait allusion aux critiques du camp Bute, selon qui Jean Pascal est «un boxeur de quatre rounds».

Ces remarques n'ont pas surpris Angel Heredia. Le préparateur physique le plus en vue en ce moment sur la planète boxe croit en effet que son client pourrait gagner en endurance. C'est d'ailleurs sa principale mission en vue du 25 mai. «Jean sera prêt à livrer 15 rounds s'il le faut. Il pourra même en faire 60!»

Il faudra voir si Angel Heredia et sa science y parviendront. Imaginez quelle machine de boxe deviendrait Jean Pascal s'il finissait ses combats comme il les commence? «Vous allez voir le 25 mai, prévient le préparateur physique. Jean Pascal sera encore meilleur. Je ne vois vraiment pas comment Lucian Bute aura la moindre chance de l'emporter!»