Lucian Bute s'entraîne en Floride depuis près d'un mois en vue de son combat du 25 mai contre Jean Pascal. Pourquoi le Sud? Pour mieux faire passer la pilule de la souffrance. Pour vivre un camp d'entraînement «en famille». En primeur, La Presse lui a rendu visite hier.

Il faut franchir une guérite pour se rendre chez Lucian Bute. Le jeune garde à l'entrée de ce quartier privé demande à voir une pièce d'identité. Il appelle le boxeur, puis tente de prononcer tant bien que mal le nom du journaliste dans le combiné. Quelques secondes s'écoulent, puis le garde opine du chef: «C'est beau, vous pouvez passer».

La barrière se soulève et apparaît devant nous une enfilade de maisons en stucco pastel. Les gazons sont immaculés. Le soleil tape sur West Palm Beach. Il fait 30 degrés à l'ombre.

«Bienvenue chez nous», lance Lucian Bute après nous avoir serré la main. L'homme est comme toujours tiré à quatre épingles. Son polo est assorti à sa casquette. Il aime s'habiller et semble aussi aimer conduire, puisqu'une Mercedes décapotable trône dans l'entrée.

Bute a acheté sa maison de Floride en 2010, en pleine crise immobilière. Il a fait une bonne affaire. L'athlète voulait un pied-à-terre dans le Sud, où il a pris l'habitude de venir préparer ses combats avec son entraîneur Stéphan Larouche.

La maison de cinq chambres est assez grande pour loger une bonne partie de «l'équipe Bute». Elle est devenue, au fil des ans, le quartier général du clan avant les combats. L'endroit où ils se rassemblent tous quand ils débarquent du Québec. Le point d'ancrage de cette petite bande «tissée serré».

«Ici, c'est la chambre de Mélanie Olivier, la nutritionniste», lance Bute en poussant une porte. «Là, c'est la chambre d'Alain Delorme, mon préparateur physique, et celle-là, c'est celle de Kevin, son adjoint», ajoute-t-il en ouvrant la porte sur le désordre du plus jeune membre de l'équipe.

La chambre du maître des lieux est spacieuse et éclairée. La photo d'une plage de sable blanc trône en haut du lit. Sur le mur opposé est accrochée une icône orthodoxe. Dans deux semaines, ce sera d'ailleurs Pâques pour des millions de chrétiens. Bute ira la célébrer dans une église de la communauté roumaine de Floride. Il est pratiquant, camp d'entraînement ou pas.

La «misère» au soleil

Lucian Bute répond à nos questions sur le bord de la piscine. C'est dimanche, sa journée de congé. Le quartier est calme. Des enfants jouent près d'un étang derrière la maison. La vie de l'athlète semble parfaite, mais ce n'est qu'une pause dans une semaine de souffrance. «Un camp d'entraînement est un endroit spécial. Il faut une certaine diversité pour que ça ne soit pas routinier, explique Stéphan Larouche. Mais en même temps, on a besoin d'un peu de routine à l'entraînement, pour souffrir, pour développer une force mentale. Lucian carbure à ça. Il adore ça quand c'est difficile.»

L'horaire du boxeur de 33 ans est réglé au quart de tour. Lever à 7h puis entraînement une demi-heure plus tard. Déjeuner en équipe, puis sieste d'une heure. En après-midi, Bute fait deux heures de boxe dans un gymnase de West Palm Beach, sous les yeux de Larouche. «Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil», chantait Charles Aznavour. Lucian Bute, qui a l'habitude de s'entraîner dans le très gris Complexe Claude-Robillard, est bien d'accord.

«Je ne vais pas cacher que c'est agréable de se lever le matin avec une température comme ça et avec le soleil. Ça donne de la vie.»

En famille

Lucian Bute se prépare pour son combat du 25 mai contre Jean Pascal comme il s'est préparé pour tous ses derniers combats. En «famille».

Si Pascal a misé sur la nouveauté - avec notamment l'embauche d'un nouveau préparateur physique, Angel Heredia -, Bute n'a rien changé. Mélanie Olivier est encore responsable de ses suppléments alimentaires. Alors que Jean Pascal s'entraîne trois fois par jour - cardio le matin, boxe l'après-midi et musculation en soirée -, Lucian Bute a gardé une routine de deux séances quotidiennes. «Je crois que la routine qui lui a permis de devenir champion est encore bonne. Il n'a pas besoin de tout changer», soutient Stéphan Larouche. L'équipe autour de l'ancien champion IBF est aussi la même depuis des années. «Le soir, on se fait de gros soupers. C'est vraiment un beau moment», note le boxeur.

Une chose a toutefois changé. Pour la première fois de sa vie, Lucian Bute se prépare à disputer un combat dont il est le négligé. «Je pense que c'est un avantage pour moi. Ça m'enlève un peu de pression. Ça me donne aussi la motivation de montrer aux gens qu'ils se sont trompés, que je suis encore là, lance Bute avec défi. Ce n'est pas parce que j'ai perdu contre Carl Froch que je suis tombé tout en bas. Je suis resté le même.»

«En Angleterre, c'était moi le favori. Qu'est-ce qui est arrivé?», poursuit l'athlète.

Lucian Bute croit que Carl Froch a vécu le 26 mai 2012 la «nuit de sa vie». Il espère maintenant vivre la sienne le 25 mai contre Jean Pascal. «C'est sûr que j'y crois. C'est à cause de ça que j'ai accepté le combat. C'est à cause de ça que je suis en camp d'entraînement, que je travaille fort. C'est à cause de ça que je souffre.»

Hier, c'était dimanche. La souffrance va recommencer aujourd'hui. Elle durera jusqu'au 25 mai. La même chose est vraie pour Jean Pascal. Ce soir-là, un seul des deux boxeurs pourra lever les bras au ciel. C'est la loi de la boxe. En Floride comme au Québec.