Imaginez Georges St-Pierre et Lucian Bute qui se livrent une petite guerre dans le ring. Le rêve fou d'un amateur de sport? Non, plutôt une scène qui se reproduit chaque semaine depuis un mois. En primeur, La Presse a assisté hier au sparring entre Bute et GSP, qui se prépare pour son combat du 16 mars contre Nick Diaz.

Lucian Bute lance un gros crochet de gauche à Georges St-Pierre. Le même crochet meurtrier qui avait plié en deux Librado Andrade. Le champion de l'UFC accuse le coup et réplique d'un crochet au corps.

Sur le ring, le rythme est rapide, effréné même. Si ces deux-là étaient un orchestre, leur registre serait loin de la valse et plus proche du death metal, disons... À côté du ring, l'entraîneur Stéphan Larouche crie ses consignes : «Les mains hautes, Georges», «reste pas coincé dans les câbles!» «finis ton crochet de gauche».

Georges St-Pierre s'entraîne à la boxe auprès de Stéphan Larouche depuis l'automne dernier. Le combattant a sollicité les services de l'entraîneur de Lucian Bute pour préparer son retour contre Carlos Condit. La chimie s'est vite installée. «Stéphan est un grand stratège de la boxe», dit St-Pierre.

Leur association n'a jamais été plus importante qu'aujourd'hui. Nick Diaz, que va affronter St-Pierre dans le cadre de UFC 158, le 16 mars au Centre Bell, est reconnu comme un gros cogneur. Sa spécialité est la boxe et St-Pierre le sait.

«Diaz est un bon boxeur, un bon gaucher, explique l'entraîneur de GSP, Firas Zahabi. Ce n'est pas un gars qui lance beaucoup de genoux, de coudes, mais il a une très bonne boxe. Georges affronte vraiment un boxeur pur.»

Afin de se préparer pour ce combattant d'arts martiaux mixtes spécialisé en boxe et gaucher, St-Pierre a trouvé à Montréal un partenaire d'entraînement tout indiqué: Lucian Bute, gaucher et considéré comme l'un des boxeurs à la technique la plus raffinée sur la planète.

«Lucian est plus précis, plus rapide, plus puissant que Diaz. Alors si Georges peut s'entraîner à ce rythme-là, il va être prêt pour le combat», lance avec confiance Zahabi.

La modestie du combattant

Hier, dans un gymnase du nord de la ville, les deux hommes se sont disputé trois rounds de trois minutes suivis de deux rounds de boxe simulée (shadow) puis d'un round de mitaines. Le Québécois d'origine roumaine n'a pas laissé un centimètre à St-Pierre. Il l'a tour à tour piégé dans les câbles, tenu à distance, a lancé des combinaisons puis esquivé ses coups. Lorsqu'est venu le temps de faire des mitaines, les coups du boxeur ont résonné plus fort dans le gymnase que ceux du champion mi-moyen (170 livres) de l'UFC.

«C'est dur pour l'égo de venir ici. Je me sens tellement loin de Lucian, on dirait qu'il ne force pas, lance St-Pierre, couvert de sueur et reprenant son souffle. Pour moi, c'est un honneur de travailler avec lui.»

L'ancien champion du monde IBF a tenté de le rassurer. «Y'a beaucoup de boxeurs qui ont moins de boxe que toi. Et je ne dis pas ça pour te flatter», a répondu Bute. Larouche a renchéri: «La force de Georges, c'est son jab. Il a un très beau jab, meilleur que celui de bien des boxeurs.»

St-Pierre, comme tous les combattants de l'UFC, doit s'exercer à une multitude de sports. Il s'entraîne à la boxe, mais aussi à la lutte, au jiu-jitsu brésilien, à l'athlétisme, à la gymnastique, au muay thaï, etc. Dans toutes ces disciplines, il s'adjoint les services des meilleurs, a fait venir à Montréal des champions brésiliens, français ou thaïs.

«Georges prétend tout le temps être le moins bon de la gang, alors qu'il est souvent parmi les meilleurs, même si ce n'est pas sa discipline de prédilection, raconte Stéphan Larouche. Il est modeste et c'est probablement pour ça qu'il est bon de même. Il ne tourne aucun coin rond, il en fait tout le temps un peu plus, il est minutieux, il veut tout comprendre.»

L'entraînement dure près de deux heures. Plus tard en journée, St-Pierre va faire une session d'athlétisme. C'était hier son dernier entraînement de boxe en vue de son combat du 16 mars.

À moins d'un imprévu, Lucian Bute sera au Centre Bell pour voir son partenaire d'entraînement se mesurer à Nick Diaz. Quand St-Pierre a quitté le gym, Bute a résumé ce qu'il pensait de l'athlète : «Georges est un gars qui est tout le temps à l'heure, qui écoute ce que dit Stéphan, qui n'a pas une tête enflée, qui ne se prend pas pour un autre. C'est un vrai bon gars, un vrai champion.»