Le légendaire entraîneur Emanuel Steward est mort jeudi dans un hôpital de Chicago à l'âge de 68 ans. La disparition de cette figure emblématique de la boxe, membre du Temple de la renommée ayant formé plus de 40 champions du monde, laisse un vide immense dans le monde de la boxe.

«Emanuel était comme un mentor, comme un père pour moi. C'est une grosse perte», s'est désolé jeudi soir le Montréalais Adonis Stevenson, qui s'entraînait auprès de Steward depuis près d'un an. La nouvelle est d'autant plus difficile à prendre pour le boxeur qu'il a perdu sa grand-mère il y a deux jours. «C'est un moment difficile pour moi», lâche-t-il.

Admis à l'hôpital il y a environ six semaines, Steward est décédé des suites d'une infection du côlon. Sa famille a tenté de garder secrète l'ampleur de sa maladie, et a même nié les rumeurs de sa mort qui ont commencé à circuler hier sur les réseaux sociaux. Sa soeur a finalement annoncé qu'il était mort à 14h46 dans sa chambre d'hôpital.

«Je lui ai parlé une semaine avant son opération et je n'avais pas du tout l'impression que c'était si sérieux», a expliqué l'Américian Al Bernstein, proche ami de Steward et aussi membre du Temple de la renommée de la boxe.

Bernstein a appris la mort de Steward aujourd'hui alors qu'il se trouvait à Montréal pour préparer la télédiffusion du combat de Dierry Jean. «Emanuel était l'un de mes meilleurs amis dans la boxe. Un grand homme. C'est très triste, a soupiré Bernstein. Le sport n'a jamais eu de meilleur ambassadeur. Il était tellement impliqué dans le sport, il a été boxeur, entraîneur, promoteur, commentateur... J'arrive mal à m'imaginer la boxe sans lui; il est ce genre de personne.»

Emanuel Stewart a d'abord été un bon boxeur amateur. Il a compilé une fiche de 94 victoires et 3 défaites sur les rings de Detroit, la ville de son enfance qu'il n'a jamais quittée. Doué comme entraîneur, il a bâti dans le Kronk Gym une solide étable. Le champion Thomas Hearns a permis à Steward de se faire un nom : il a ensuite dirigé plusieurs athlètes de renom, dont Lennox Lewis et Wladimir Klitschko. Depuis plusieurs années, il oeuvrait aussi à titre d'analyste sur le réseau HBO.

Mais c'est surtout son travail au Kronk Gym auprès des jeunes qui est remarquable. «Il n'a pas seulement contribué à la boxe. Il a fait beaucoup au-delà de la boxe. C'est lui qui a porté sur ses épaules le Kronk Gym, dans un quartier difficile de Detroit, rappelle l'éminence grise de la boxe québécoise, Guy Jutras. Beaucoup de jeunes ne sont pas allés en prison à cause de lui. Certains sont devenus champions du monde. Il ne sera jamais oublié cet homme-là.»

Il voulait aider les jeunes

Adonis Stevenson connaît bien le côté hospitalier d'Emanuel Steward. L'hiver dernier, le boxeur montréalais s'est acheté un billet d'avion pour aller rencontrer l'homme. Il voulait convaincre cet entraîneur légendaire de le prendre sous son aile. Emanuel Steward a dit oui.

Steward a même hébergé Stevenson chez lui lors que le Montréalais se rendait à Detroit pour s'entraîner. «J'habitais chez Emanuel et le soir, on écoutait des vieilles cassettes de boxe, genre Thomas Hearns à l'entraînement, raconte le Québécois. On regardait ça et il m'expliquait 20 000 affaires. C'était un vrai savant de la boxe.»

Dans une longue entrevue accordée à La Presse cet hiver, Emanuel Steward avait parlé en long et en large de ses rêves pour le Kronk Gym. Il devait injecter 500 000 $ de sa poche pour relocaliser le gymnase. Pour lui, c'était tout à fait normal: «le Kronk doit continuer de faire des champions. Le Kronk, c'est Detroit», expliquait-il dans la voix douce qui était la sienne.

Aujourd'hui, c'est le Kronk Gym et Detroit qui sont orphelins. Comme bien des boxeurs et bien des amateurs de boxe.