Sans doute serait-il exagéré de parler de calme avant la tempête, mais toujours est-il que Lucian Bute et Carl Froch ont eu droit à une dernière journée de relative tranquillité, jeudi, à deux jours de leur rendez-vous au sommet en sol anglais.

Les têtes d'affiche du gala de boxe de samedi ont alors eu congé d'obligations promotionnelles en attendant la pesée de vendredi, qui se fera devant public sur la grande place qui se trouve devant le Capital FM Arena... et aussi sous les regards curieux des automobilistes pressés d'aller rejoindre Lower Parliament Street, qui mène aux principales artères du centre-ville de Nottingham.

Bute prévoyait se livrer à un dernier entraînement en privé après s'être exercé la veille devant quelques invités dans le gymnase de boxe d'un modeste quartier résidentiel situé à environ 10 minutes du centre-ville. Un gymnase qui sentait légèrement le vestiaire de hockey, comme l'a fait remarquer à la blague Jean Bédard, le président d'InterBox et promoteur de Bute.

«Jeudi, ça va être notre dernière journée à nous», a lancé l'entraîneur Stéphan Larouche au retour des siens à l'hôtel après l'entraînement de mercredi, en ajoutant que tout le monde dans l'entourage du champion IBF des super-moyens avait hâte que le grand jour arrive afin de pouvoir passer à l'action.

Même s'il est du genre à laisser ses gens de boxe travailler à leur aise, Bédard était fébrile lui aussi. Car il sait que dès que le combat sera terminé, il recevra certainement des appels d'autres promoteurs qui voudront compléter le travail de défrichage qui a déjà été amorcé. Ce qui donnera peut-être, en cas de victoire, un combat contre Mikkel Kessler, qui assistera justement au combat Bute-Froch.

«Ward va affronter Chad Dawson (en septembre), alors Kessler pourrait être une option intéressante», a indiqué Bédard au cours d'une entrevue accordée à La Presse Canadienne dans le grand salon de l'hôtel où loge le personnel d'InterBox.

Bute ne pense qu'à Froch pour l'instant, mais Bédard, à titre de promoteur, doit déjà penser à l'étape suivante. Car le boxeur vedette d'InterBox voudra savoir à quoi s'en tenir dans les heures qui suivront la fin du combat.

«Dès lundi, Lucian va vouloir savoir, avant d'aller en vacances, quand il aura à recommencer, a noté l'homme d'affaires qui est également à la tête des resto-bars La Cage aux Sports. Il continue sa quête.»

Et cette quête, c'est celle d'être reconnu comme l'un des meilleurs boxeurs au monde à l'heure actuelle. Et, éventuellement, comme l'un des meilleurs boxeurs de l'histoire. Ce sont là de grandes ambitions, mais pas des ambitions mal placées dans son cas, affirme Bédard. Des ambitions qui ont amené le Montréalais d'origine roumaine à accepter ce combat à l'étranger contre Froch, pour une bourse moins alléchante que d'habitude.

«Ce qui le motive en ce moment, c'est beaucoup plus ça que l'argent et la célébrité», a souligné Bédard qui, à titre de promoteur, est parfaitement en accord avec cette approche. Même si cela l'oblige à accepter un certain manque à gagner à l'occasion.

«Il y a deux façons de gérer les choses. Soit que tu fasses toujours le combat le plus rentable possible, ou bien tu établis un plan à moyen et long terme. Parfois, le simple fait de prendre un peu de recul ou de faire un sacrifice au niveau des revenus va t'amener ailleurs.»

Un «ailleurs» qui permettra éventuellement de passer à la caisse.

«Lucian est rendu à un niveau où ce n'est plus une question d'argent, a noté Bédard. Il veut être reconnu comme le meilleur 168 livres. Pour se rendre là, il faut passer par des combats comme celui de samedi. Il faut avoir montré que tu es capable d'aller à l'extérieur, que tu acceptes de te battre contre le meilleur disponible. On n'avait pas nécessairement tant d'options que ça, à part retourner en arrière avec des gars qui veulent se faire un nom aux dépens de Lucian. Mais Lucian n'en est plus là, il regarde devant.

«Pour arriver à ça, donc, il a fallu faire un sacrifice (financier). Mais c'est un sacrifice qui est calculé, avec lequel tout le monde est extrêmement à l'aise, autant Lucian que Stéphan (Larouche).»

Est venu un moment, il y a quelques années, où Bute aurait pu emprunter une autre voie et se joindre à un promoteur américain. Il aurait alors pris le risque, toutefois, de se retrouver avec un patron plus ou moins scrupuleux qui n'aurait pas nécessairement eux ses meilleurs intérêts à coeur.

L'élément humain reste important chez InterBox, qui a respecté le voeu de Bute d'accorder une revanche rapide à Librado Andrande aux dépens des autres options qui s'offraient à lui, et aussi d'aller défendre son titre à Roumanie, son pays natal, comme il l'a fait l'an dernier.

«C'est vraiment une association entre nous, on prend les décisions ensemble, a indiqué Bédard. On est sur la même longueur d'ondes. Je connais les objectifs de Lucian, et Lucian sait pourquoi on est dans la boxe. Et on s'entend bien avec Stéphan. Alors il n'y a pas de discussions très longues à savoir quelle sera la prochaine étape.»

Bédard croit par ailleurs que le fait qu'InterBox fasse partie du Groupe Sportscene, une entreprise diversifiée, est un avantage quand vient le temps de négocier. L'argent sonnant n'est pas toujours un aspect primordial.

«On n'est pas une compagnie de boxe à temps plein qui investit beaucoup d'argent dans beaucoup de boxeurs. Je pense c'est avantageux pour nos boxeurs parce que lorsqu'on négocie, ce n'est pas une question de vie ou de mort. On regarde l'ensemble de la situation, comment ça peut nous aider à faire la promotion du sport en général, et aussi alimenter nos autres plateformes.»