Le combat de vendredi soir est crucial pour la carrière d'Adonis Stevenson. Mais il l'est tout autant pour la boxe à Montréal et pour le promoteur Yvon Michel, qui fonde tous ses espoirs sur le gaucher de Longueuil depuis les déboires de David Lemieux.

«Montréal est l'une des plus grandes villes de boxe sur la planète. Tout le monde est d'accord avec ça, a expliqué cette semaine Emanuel Steward. Mais avec Pascal et Bute qui vieillissent, il est important qu'un nouveau boxeur se lève pour Montréal, pour représenter la ville.»

La citation lancée cette semaine par l'entraîneur d'Adonis Stevenson en a fait sourire plusieurs. Après tout, Stevenson a 34 ans, alors que Jean Pascal n'en a que 29 et Lucian Bute 32.

Mais le fond de son propos ne pouvait être plus clair: Montréal a besoin d'un nouveau champion du monde. Pour garder sa réputation de ville de boxe. Mais aussi et peut-être surtout pour financer la relève. Car, ce sont les combats livrés par les champions qui font sonner les tiroirs-caisses.

Le plus important promoteur québécois, le Groupe Yvon Michel (GYM), n'engrange les profits qu'avec les combats de championnat du monde. «Avec les autres on arrive kif-kif», précise Yvon Michel. Dans la catégorie «les autres», il y a donc le combat de vendredi présenté au Centre Bell dans la série Rapides et dangereux.

De tous les boxeurs montréalais - à part Jean Pascal qui pourrait livrer un combat pour regagner une ceinture dès cet été - Adonis Stevenson est le mieux placé pour devenir champion du monde. «Celui qui l'emportera vendredi soir livrera son prochain combat en championnat du monde, ou en combat éliminatoire pour devenir aspirant obligatoire», explique Yvon Michel.

En d'autres mots, si Adonis Stevenson (17-1, 14 K.-O.) gagne contre Noe Gonzalez (28-1, 20 K.-O.) au Centre Bell, il sera à un combat tout au plus d'un championnat. GYM a donc beaucoup à gagner et à perdre dans ce rendez-vous.

Le promoteur en a fait l'expérience avec David Lemieux (25-2, 24 K.-O.). Le jeune Montréalais était présenté jusqu'à tout récemment comme l'avenir de l'entreprise. C'était avant ses défaites successives contre Marco Antonio Rubio et Joachim Alcine.

«Pour David, on avait une entente en poche avec le réseau HBO. Si David l'emportait contre Rubio, ils allaient diffuser ses prochains combats. C'était gros pour notre organisation, rappelle Yvon Michel. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais Alexandra (Croft, vice-présidente de GYM) pleurait sur le ring après la défaite. Ça ne mettait pas notre entreprise en danger, mais ça nous empêchait de progresser.»

Convaincre HBO

Les mêmes enjeux sont à l'oeuvre vendredi. L'entraîneur Emanuel Steward travaille fort pour convaincre HBO de s'intéresser à Stevenson. «On estime que dans les deux, trois prochaines années, il va être l'un des boxeurs les plus excitants de la division des 168 livres», note Steward, qui oeuvre justement à titre de commentateur sur les ondes de HBO.

Et Steward a raison de dire que «les K.-O. sont vendeurs». Sur ce plan, son poulain est privilégié: il est tout un cogneur. Il a arrêté son dernier adversaire, Jesus Gonzales, en 99 secondes au mois de février. «Adonis est un artiste du K.-O.», lance Steward.

Il lui faudra bien sûr gagner contre Noe Gonzalez. Une tâche que l'Uruguayen se promet de rendre difficile. Mais une victoire serait pleine de promesses pour Stevenson, pour GYM et pour la boxe à Montréal.

Le promoteur Yvon Michel le sait, mais se garde une petite gêne. «On a eu des combats qui ne se sont pas passés comme on l'espérait dans les deux dernières années. Alors, on ne veut pas mettre la charrue avant les boeufs», dit-il prudemment.