Les parieurs le voyaient perdant à six contre un. Les «connaisseurs» de boxe ne donnaient pas cher de sa peau. À ceux qui osaient rappeler que Joachim Alcine est un ancien champion du monde, ils répondaient: «c'est un has been un peu fou et David Lemieux n'en fera qu'une bouchée.»

Il y avait 3000 personnes au Centre Bell samedi soir pour regarder ce «has been un peu fou» livrer le combat de sa vie. Pendant douze rounds, le champion déchu et le jeune promu se sont échangé coup pour coup, se sont livré une guerre à l'issue de laquelle les spectateurs étaient sur le bout de leur siège, le souffle coupé.

Quand l'annonceur a pris le micro pour dévoiler la décision des juges, personne ne pouvait la deviner. Le combat a été si chaudement disputé, Lemieux dominant les premiers rounds avant de perdre la dernière moitié de combat, un cas de figure qui se répète pour lui.

Puis le nom du gagnant a résonné dans l'aréna : Joachim Alcine. Celui qui a été placide toute la semaine et qui le sera plus tard en conférence de presse, a laissé pendant un instant éclater sa joie, sautant de bonheur sur l'arène.

Après une traversée du désert qui l'a vu perdre son titre de champion du monde en 2008, rompre ses liens avec le promoteur Yvon Michel, s'exiler aux États-Unis puis se faire passer le K.-O. l'année dernière, Alcine était sur un nuage.

«Ç'a été le combat le plus difficile de ma carrière, plus dur que les combats de championnat du monde, a expliqué Alcine (33-2-1, 19 K.-O.) après sa victoire. Mais de gagner ce soir m'a redonné confiance et je sais que je pourrai redevenir champion du monde.»

Alcine a répondu aux questions des journalistes le visage tuméfié, la lèvre enflée, vestiges de la guerre qu'il venait de gagner. À côté de lui, un Yvon Michel livide mais bon prince a rendu hommage à celui qui avait passé la semaine à le conspuer dans les médias.

«Joachim Alcine a fait un super combat. Je suis convaincu que s'il s'était battu comme ça en 2008 contre Daniel Santos, il serait resté champion du monde», a lancé le promoteur du Groupe Yvon Michel (GYM).

Puis il a admis très honnêtement qu'il n'aurait «pas souhaité être dans cette situation-là en début de semaine». La situation en question est bien simple: le poulain de son organisation se retrouve avec une deuxième défaite à sa fiche, alors que le boxeur que GYM a laissé partir aux États-Unis dans des circonstances troubles vient de relancer sa carrière. À 35 ans.

Ni le promoteur, ni le vainqueur, ni le perdant ne se sont avancés sur un possible combat revanche. Alcine, qui s'est battu samedi à 160 livres, aimerait descendre à 154 ou 147 livres, mais n'exclut pas un autre affrontement contre Lemieux «s'il y a beaucoup d'argent sur la table».

Grâce à une clause du contrat pour l'affrontement de samedi, GYM détient maintenant des droits sur les trois prochains combats d'Alcine. Alors, même si un combat revanche n'avait pas lieu, on pourrait revoir Alcine à Montréal contre d'autres adversaires.

Yvon Michel a d'ailleurs clos la conférence par ces mots: «Merci Joachim, et on va se revoir sûrement».

Le clan Lemieux reste confiant

David Lemieux (25-2, 24 K.-O.) espérait rebondir contre Joachim Alcine après une défaite au mois d'avril dernier. S'il n'a pas à rougir de sa performance, il ne pouvait cacher sa déception après le combat.

«J'ai appris ce soir ce que c'est que d'être dans le ring avec un ancien champion du monde, c'est difficile, surtout dans la tête, il faut être fort», a lancé le boxeur, qui aura 23 ans dans quelques jours.

Son agent, Camille Estephan, a tenté de minimiser l'importance de la défaite. «La carrière de David, c'est un marathon, pas un sprint, a-t-il dit. On va y arriver et je vous garantis un champion du monde.»

Le combat de samedi était d'autant plus important pour Lemieux qu'il représentait son premier avec son nouvel entraîneur, Marc Ramsay. Celui-ci n'avait cessé de répéter dans les jours suivant l'affrontement qu'ils s'étaient préparés pour le meilleur Joachim Alcine possible.

Mais samedi, après la défaite, il fallait l'admettre: personne dans le clan Lemieux ne s'était attendu à ce qu'Alcine soit si fort. «Je dois dire qu'on a sous-estimé Joachim Alcine, a admis Yvon Michel. Un Joachim Alcine aussi assoiffé, aussi bon, on n'avait jamais vu ça.»