On ne donne pas cher de la peau de Glen Johnson. Des preneurs de paris qui le donnent perdant à sept contre un, jusqu'aux analystes qui y vont de leur prédiction... Lucian Bute est le grand favori du combat de samedi soir à Québec.

Mais le boxeur de Miami en a vu d'autres. Il est habitué de se battre loin de chez lui, dans les souliers du négligé, contre des adversaires adorés de leur public. Il est habitué et ne s'en formalise pas.

«Je suis très fier de ma carrière, parce que quand j'ai commencé dans la boxe, personne ne croyait que j'avais le talent pour en faire un métier», raconte Glen Johnson, rencontré jeudi après l'un de ses derniers entraînements.

«J'ai dû prouver ma valeur. J'ai dû me battre. J'ai dû accepter des combats difficiles, dans des circonstances difficiles, dans des villes étrangères, dit l'athlète de 42 ans. J'ai accepté des combats que la plupart des boxeurs refuseraient. Ç'a été la seule façon de me faire un nom.»

Glen Johnson raconte tout ça d'une voix calme. «Je suis relax, la préparation va bien», lance-t-il du sofa où il est assis. Avec une tuque Nike vissée sur la tête, un blouson de cuir sur les épaules, des jeans et des bottes western, il a un drôle de look; sorte de croisement entre un boxeur de Harlem et un cow-boy.   

La fiche de Glen Johnson (51-15-2, 35 K.-O.) est aussi bigarrée que son look. Johnson est ce boxeur capable de perdre trois combats d'affilée et d'arriver devant Omar Sheika - on ne perd pas contre Omar Sheika - et de perdre encore. Quatre défaites en ligne.

Johnson est capable de tomber si bas. On commence à murmurer qu'il est fini, qu'il est devenu un simple faire-valoir. Puis un beau jour de septembre 2004, il met Roy Jones Jr. K.-O. d'un crochet de la droite.

Cette victoire a représenté un tournant dans sa carrière, le jour où le nom de Glen Johnson a pris la dimension qu'on lui connaît aujourd'hui. Lui qui travaillait encore à temps partiel comme charpentier a pu quitter son boulot. «J'a fait assez d'argent pour devenir un boxeur à temps plein ce jour-là, se rappelle-t-il. Ç'a changé ma vie.»

Le combat suivant, il remporte une décision contre Antonio Tarver. Roy Jones Jr. ne devait pas perdre, Antonio Tarver non plus.

Les murmures se taisent

Les cyniques diront que ces exploits sont vieux de sept ans et que Johnson n'est depuis qu'un second violon: 9 victoires et 6 défaites dans ses 15 derniers combats. C'est vrai. Il est aussi vrai que Johnson se fait «vieux». Mais les boxeurs ne s'y trompent pas et craignent toujours l'athlète d'origine jamaïcaine.

Une anecdote illustre bien l'aura de Glen Johnson. La veille de son dernier combat, contre Carl Froch, une conférence de presse réunissait les boxeurs et leur entourage. Antonio Tarver y assistait. Une fois le point de presse terminé, Carl Froch s'est approché de Tarver: «Comment faire pour battre Glen Johnson?» lui a-t-il demandé, à 24h du combat.

En racontant plus tard l'anecdote, Tarver ne semblait pas surpris: «Glen Johnson ne connaît pas le mot 'stop'. Il ne connaît qu'une direction, devant. On ne peut pas le prendre à la légère parce qu'il n'est plus très jeune. Bernard Hopkins nous a démontré qu'avoir 40 ans, c'est maintenant comme avoir 20 ans!»

Glen Johnson est tout à fait d'accord. «Ma carrière va commencer samedi soir, quand je vais remporter le titre» de champion du monde que détient Lucian Bute (29-0, 24 K.-O.), prédit-il.

Il nous annonce par ailleurs qu'il entend quitter Miami et venir vivre à Toronto dans les prochains mois. Sa copine habite là-bas et plusieurs amis d'enfance aussi. «De cette façon, on est certains que la ceinture restera au pays!»

L'entretien tire à sa fin. On demande au boxeur de résumer sa carrière et Johnson n'hésite pas une seconde. «J'ai eu des hauts et des bas. Je pense que j'ai perdu certains combats parce que j'étais le gars qui venait de loin, parce que je n'étais pas la star», lance-t-il.

«Mais je ne peux pas me plaindre. J'ai fait mon nom contre toute attente, malgré les critiques. Je suis fier de ça. Personne ne peut me l'enlever.»