On aura donc compris que Lucian Bute ne se bat pas au Québec demain soir. Pour lui, ça, c'est assez rare. En fait, en 28 combats chez les pros, le boxeur de 31 ans n'en a disputé que 4 à l'extérieur du Québec. Celui-ci à Bucarest, contre le Français Jean-Paul Mendy, sera son cinquième.

Mais tout indique qu'il faudra s'y faire.

Chez InterBox, on ne s'en cache pas: on veut que Bute, le visage de l'entreprise, soit plus connu aux États-Unis. On veut en faire une immense vedette du ring là-bas.

Pour y arriver, forcément, le principal intéressé aura à bosser plus souvent au pays d'Obama.

«C'est notre plan, reconnaît sans hésiter Jean Bédard, président d'InterBox. On est rendus à l'étape de faire connaître Lucian au public américain. Ce combat en Roumanie, c'était prévu depuis longtemps, c'était un rêve de Lucian. Mais ensuite, notre plan, c'est de le montrer de plus en plus au public américain.»

Ce qui explique ces sérieuses discussions en vue d'un combat contre Kelly Pavlik, prévu (mais pas confirmé) pour le 5 novembre, à Atlantic City. Vaincu en 2008 par un certain Bernard Hopkins, Pavlik n'a pas été le même depuis. Il a dû, entre autres, composer avec un problème d'alcool, au point d'être admis dans une clinique spécialisée.

Mais l'Américain de 29 ans demeure un boxeur reconnu. Et c'est en plein ce qui attire InterBox. D'ailleurs, le clan Bute se dit prêt à quitter le confort du Centre Bell pour aller aux États-Unis. Même si ça veut dire des foules plus modestes.

«On a un bon bassin de fans au Québec, note Jean Bédard, et en allant aux États-Unis, c'est sûr qu'on ne touchera pas les mêmes revenus. On va laisser de l'argent sur la table. Une carte au Centre Bell avec une moyenne de 100$ le billet, si on attire 15 000 personnes, faites le calcul...»

Si je calcule bien, en effet, ça donne une merveilleuse soirée de 1,5 million de dollars, seulement avec les revenus aux guichets.

Pas pire, pas pire.

«On est allés voir le combat entre Glen Johnson et Carl Froch l'autre soir à Atlantic City, et il y avait quoi, environ 2000 personnes? C'est ça que je veux dire. Là, on parle de revenus d'environ 200 000$ ou 300 000$ aux guichets... Ce n'est pas la même chose», poursuit Jean Bédard.

Mais le clan Bute insiste. Même s'il faut, comme le dit Jean Bédard, laisser de l'argent sur la table. Et l'audition américaine de Lucian Bute passe par Kelly Pavlik.

«Ce n'est pas pour rien que le réseau Showtime a prévu un combat pour Pavlik le 6 août, estime Jean Bédard. Ils veulent le préparer à affronter Lucian au mois de novembre. C'est le combat qu'ils veulent voir. Ça nous montre que Showtime est prêt à payer pour ça. Et pour nous, le marché américain, ça passe par une bonne présence à la télévision.»

Lucian Bute s'est battu chez les Américains à seulement trois reprises, et les trois fois, c'était en début de carrière. Pas contre des immortels non plus. Vous souvenez-vous des noms prestigieux que sont Tyler Hughes (amicalement surnommé le «working man»), Rico Cason et Norman Johnson, qui s'est retiré avec une fiche de 4-24-1? Moi non plus.

Et c'est bien ça, le défi. Ici, en Roumanie, Lucian Bute est un héros. On le constate dès qu'il met le nez dehors. Mais chez les Américains, son nom est à faire. Sa réputation aussi, en excluant les cercles de fans intenses qui ne ratent jamais un combat.

Aussi, il y a ce petit problème, selon Jean Bédard: il n'est pas si facile de lui trouver un adversaire. On raconte d'ailleurs que plusieurs préfèrent passer leur tour quand on leur offre d'affronter le héros roumain...

«C'est sûr que le monde y pense à deux fois avant d'affronter Lucian, ajoute Bédard. Mais pour nous, le plan n'a pas changé. Avec lui, on est exactement là où on le voulait. Il est concentré cette semaine sur son combat contre Mendy, alors moi, je ne lui parle jamais de Kelly Pavlik et de la suite des choses... mais c'est ça qui s'en vient.»

Les Québécois qui ont fait le voyage à Bucarest feraient mieux de bien admirer Lucian Bute demain soir. Parce que s'ils veulent le revoir dans un ring, ils vont peut-être devoir voyager les prochaines fois aussi.