Même les cerveaux de Hollywood n'auraient pas pu imaginer une telle conclusion.

Au final, ce qui s'annonçait comme un des grands combats de l'année aura été exactement ça: un des grands combats de l'année. Pendant presque 11 rounds samedi soir au Centre Bell, Jean Pascal et Chad Dawson ont écrit quelques-uns des plus beaux chapitres de l'histoire de la boxe au pays, en offrant un spectacle d'une rare intensité, en enchaînant une suite de rounds aussi poétiques que violents.

En offrant une bagarre dont on se souviendra pendant très longtemps.

C'est un coup de tête lors d'un corps à corps qui a mis fin à ce combat de championnat chez les mi-lourds (175 livres) du WBC, à la fin du 11e round. Dawson en est ressorti l'oeil droit amoché, profondément coupé. Du bord de l'arène, le filet de sang qui giclait du visage de l'Américain était impossible à rater. L'arbitre Michael Griffin lui a ordonné d'aller voir le médecin du ring, qui a mis fin à la bagarre à cause de la gravité de la blessure.

Il a donc fallu aller aux cartes de pointage, tel que le stipule le règlement. Résultat? Victoire par décision unanime de Jean Pascal.

Le boxeur québécois a ensuite grimpé dans les câbles pour lever les bras devant son public, 8122 fans qui étaient debout au moment de la décision. Pendant ce temps, Chad Dawson était assis dans son coin. Les membres de son entourage secouaient la tête, ne pouvant croire au verdict.

Les juges ont rendu des cartes de 106-103, 106-103 et 108-101. C'est précisément ce dernier pointage qui a fait sursauter le clan Dawson, particulièrement son promoteur Gary Shaw, qui a crié au vol au terme du combat.

La conférence de presse entre les deux boxeurs s'est d'ailleurs transformée en cirque de bas étage, alors que des membres du clan Dawson-et surtout madame Dawson-se sont permis de hurler leur mécontentement à voix haute, en plus de narguer Jean Pascal devant les caméras.

«C'est difficile de venir boxer ici, c'est comme si on arrivait déjà avec deux prises contre nous, a commencé par dire Gary Shaw. Un score de 106-103, ça me va, mais 108-101? C'est scandaleux, un manque de respect. Ce juge-là n'a pas vu le combat.»

Shaw s'est ensuite lancé dans un long monologue plutôt dur à suivre, où il s'est permis de critiquer tour à tour le travail de l'arbitre, les tactiques «douteuses» de Jean Pascal, et l'utilisation du français dans la salle des médias.

«Pascal a accroché notre boxeur toute la soirée, il a donné des coups de tête toute la soirée, et l'arbitre n'a jamais rien fait, a ajouté Shaw. Le docteur n'aurait pas dû arrêter le combat.  Vers la fin, c'était clair que Pascal était dans le trouble.»

Au 11e round, Chad Dawson a en effet porté ses meilleurs coups, au point de coincer le Québécois dans les câbles. Mais le fameux coup de tête a ensuite mis fin à la soirée.

Jean Pascal a juré qu'il n'a jamais été en danger.

«Il ne m'a pas fait mal, a expliqué le champion. Pas une seule fois. Je n'étais pas en danger et si les gens de Dawson avaient fait leurs devoirs, ils auraient su que ça fait partie de ma stratégie. Ils auraient su que je garde le meilleur pour la fin.

«Il n'y a aucune controverse. Je menais haut la main. J'ai montré au reste du monde que je suis meilleur que Chad Dawson, que je suis pour vrai. Je suis le roi. Je suis prêt à affronter n'importe qui.»

Dawson, qui subissait sa première défaite (29-1-0, 17 K.-O.), a commencé le combat plutôt timidement. D'emblée, c'est Jean Pascal qui imposait le rythme avec un jab efficace, en étant le plus actif des deux. «D'un point de vue technique, il est le meilleur que j'ai affronté, a reconnu l'Américain. J'ai eu du mal au début.»

Pascal (26-1-0, 16 K.-O.) a porté les meilleurs coups pour la majeure partie de la bagarre, et a même sonné son rival au huitième round. Mais Dawson s'est accroché et s'est mis à toucher de plus en plus le Québécois dans les derniers rounds, surtout au 11e, alors que Pascal paraissait ébranlé. Puis, le coup de tête...

«Il m'a accroché, m'a donné des coups de tête, mais on savait que l'arbitre n'allait pas réagir, il nous l'avait dit avant le début du combat, a dit Dawson. Je pensais que c'était pas mal plus serré que le pointage remis par les juges...»

Jean Pascal a juré qu'il s'était battu dans les limites de la légalité. «Je ne suis pas un boxeur salaud. Ce coup de tête à la fin, ce n'était pas intentionnel. La boxe, c'est comme à la guerre: on ne sait jamais ce qui peut arriver.»

Un combat revanche entre ces deux guerriers est déjà prévu, fort probablement à Montréal. Doit-on vraiment ajouter que ça promet?