Le combat est retransmis à la télé payante. Le moment est donc venu mes amis de ratisser les fonds de tiroirs, de casser le cochon, de vous mettre à quatre ou à cinq s'il le faut, mais de grâce ne manquez pas ça.

Il y a longtemps qu'un combat de boxe n'a suscité autant d'intérêt et soulevé autant de points d'interrogation.Ça se passe demain soir, à Québec, la ville des villes. Il oppose Lucian Bute, le champion du monde IBF des super moyens au Mexicain Librado Andrade, 31 ans, un taureau à la tête en acier trempé dont la principale caractéristique, malmené ou pas, est de toujours foncer sur son adversaire.

Même sous une pluie de coups, Andrade ne recule pas. Du rarement vu. Le retrait stratégique, Andrade ne connaît pas ça. Le petit pas de côté pour laisser passer la tempête, le foutu de Mexicain ne connaît pas ça non plus. Andrade est un boxeur unidimensionnel, programmé pour n'aller que dans une direction: vers l'avant.

Que ce soit à la suite d'un uppercut bien appliqué au menton ou à la suite d'une série de crochets solidement envoyés au visage, Andrade, qu'à cela ne tienne, secoue la tête et s'avance encore. Une solide combinaison servie au corps comme seul Bute en possède la recette le fait à peine grimacer. En aucun moment la marche funèbre entreprise dès le premier son de cloche vers son adversaire ne peut être ralentie.

Fatigant, vous dites? Fatigant, mettez-en.

À leur premier combat, disputé au Centre Bell le 24 octobre 2008, je n'ai jamais vu un boxeur comme Andrade se faire cogner aussi souvent et aussi solidement sans qu'il n'en paraisse jamais rien.

Écoutez, ce soir-là, Bute a remporté les 11 premiers rounds. Puis au douzième, à bout de force, sans aucune once d'énergie à puiser dans son grand corps dégingandé, les jambes en guenille, les bras pendants, Andrade encore dans sa face, Bute a été incapable de suivre la cadence et le taureau en a profité. Une droite, une gauche, Bute, adossé au câble, a été cisaillé, haché menu.

La première fois qu'il est allé au tapis, une première en carrière, Bute était tellement épuisé qu'il a semblé soulagé de s'y retrouver.

L'hécatombe a suivi. Bute faisait pitié tellement Andrade l'a frappé solidement. Les bras entremêlés dans les câbles, sans aucune défense, les yeux révulsés, à un souffle près d'aller visiter pour de bon le pays des rêves, dans une fin de combat rocambolesque et tumultueuse, alors que les milliers d'amateurs avaient le souffle coupé, Bute a finalement été sauvé par le son de la cloche, lui qui pourtant ne savait plus du tout sur quelle planète il se trouvait.

Jamais vainqueur n'aura été aussi amoché. Scène purement surréaliste, à l'issue du combat Bute avait peine à soulever sa ceinture de champion.

Bon, demain, la revanche.

Le scénario du premier feuilleton ayant déjà été écrit, que nous réserve le deuxième?

Bute saura-t-il effacer de sa mémoire ce fameux douzième round?

Est-il possible qu'un boxeur aussi solide que Bute, aussi puissant, aussi mobile, aussi rapide, aussi complet, puisse cette fois mieux doser ses énergies sans pour autant hypothéquer ses chances de victoire?

Bute, saura-t-il tenir Andrade au bout de ses poings pendant 12 rounds?

Dans un Colisée survolté, rempli à craquer, devant une foule de plus de 15 000 spectateurs déjà vendus à sa cause, des millions de téléspectateurs aussi puisque le combat est retransmis sur HBO, Bute résistera-t-il cette fois à la tentation de tenter l'impossible pour venir à bout de celui qui, il y a un peu plus d'un an, l'a tellement fait mal paraître qu'il en est ressorti l'âme et l'ego meurtris.

Bref, Bute saura-t-il cette fois boxer intelligemment jusqu'à la toute fin?

Je me suis souvent demandé pourquoi Bute, au 12e round, avait tant ouvert la machine lui qui n'avait qu'à tenir Andrade à distance pour remporter une victoire facile.

Pour en donner encore plus aux amateurs, a expliqué Bute. Ce fut une erreur. Que je ne répéterai plus, a-t-il promis.

Yvon Michel: «Il serait facile de blâmer son entraîneur Stéphan Larouche. Mais Bute ayant facilement remporté les 11 premiers rounds, il n'était donc aucunement question au douzième de changer de stratégie puisque jusque là la tactique employée par Bute avait tellement bien fonctionné.»

Vrai. Jusqu'au début du 12e round, même avec un Andrade qui lui montait sans cesse au visage, Bute semblait fin seul. Mais le Roumain avait tellement porté de coups et dépenser tellement d'énergie, que ses hommes n'ont jamais cru à la possibilité qu'Andrade puisse revenir en force au douzième. Comme ils n'ont jamais pensé que Lucian, après le onzième, pouvait être à ce point physiquement vidé.

Larouche, mercredi, en conférence de presse, tel que rapporté: «Andrade n'a pas couché Lucian. Lucian s'est épuisé lui-même. À la fin, même une petite fille l'aurait couché. Ceux qui connaissent la boxe savent fort bien que Lucian avait dominé 11 rounds et demi sur 12.»

Michel: «Bute est trop bien encadré. Même si psychologiquement Andrade est un boxeur très difficile à affronter, Bute saura cette fois j'en suis certain mieux doser ses énergies.»

Howard Grant, l'entraîneur d'Andrade, a dit que son boxeur avait commis l'erreur de trop respecter Lucian. Il lui reproche de ne pas s'être suffisamment porté à l'attaque.

Une chose est certaine, à l'heure qu'il est Andrade sait fort bien qu'il peut faire mal au champion s'il parvient à le frapper. Là-dessus, aucun doute ne subsiste dans son esprit.

On verra donc Andrade porter plus de coups qu'il ne l'a fait à son premier combat.

Lucian est mieux d'être prêt.

Et comme il le sera, on devrait assister mes amis à un méga combat.

Cela dit, Bute, par K.O. au huitième, telle est ma prédiction.

Bonne soirée.