Hermann Ngoudjo a prouvé qu'il avait du coeur. Et un courage extraordinaire. Mais, hier au Centre Bell, il n'a pas réussi à s'imposer devant le terrifiant Juan Urango, lui laissant la ceinture de champion dont il rêvait tant.

Le Québécois d'origine camerounaise a perdu par décision unanime un véritable combat de ruelle. Pas de controverse ici. Pas de juge à vilipender. Le meilleur boxeur des deux, le plus puissant, le plus spectaculaire a remporté la mise.

 

Plus tôt cette semaine, Ngoudjo expliquait qu'il ne s'était jamais autant entraîné pour un combat. Il se sentait plus fort que jamais entre les deux oreilles. De toute évidence, son mois dans les hauteurs colombiennes ne l'avaient pas préparé à affronter pareil raz-de-marée.

Dès le premier round, les spectateurs du Centre Bell - et Ngoudjo lui-même - ont compris l'ampleur de la force d'Urango. Le Colombien s'est jeté sur son adversaire comme un train à pleine vapeur. On le disait agressif, aussi physique qu'un taureau dans l'arène. La métaphore est encore trop faible.

«Le gars est exceptionnel, a reconnu Yvon Michel après le combat. Chapeau. Il a battu Hermann fair and square. Il était le plus fort.»

Un guerrier

Au troisième round, un seul coup de poing a suffi pour envoyer Ngoudjo au plancher. Un crochet de la gauche. Brutal. Du genre qui vous tombe dessus plus vite qu'un battement de cils. Le Québécois est tombé comme un sac de sable au plancher. Le bruit sourd faisant taire la foule. Ngoudjo a souri (il ne peut pas s'empêcher, même dans les pires moments) et s'est relevé... pour se faire réexpédier au sol quelques instants plus tard par un uppercut. Deux chutes en un seul round. Le combat, croyait-on, n'allait pas durer jusqu'à la fin.

«C'est un guerrier. Il frappe vraiment fort, dit Ngoudjo. Au troisième round, il m'a broyé la mâchoire. J'ai une fracture, mais j'ai résisté jusqu'au 12e round. J'ai démontré beaucoup de talent et de coeur. J'ai toujours rêvé d'être champion du monde, mais ce soir, il me manquait quelque chose.»

«Le troisième round a été le point tournant du combat, a admis Yvon Michel. La stratégie d'Hermann était de se déplacer beaucoup pendant les trois ou quatre premiers rounds puis d'attaquer. Mais après le troisième round, il n'avait plus la force pour s'imposer.»

Courageux, Ngoudjo a tout de même continué à se battre. Mais il lui a fallu du temps avant d'arriver à toucher Urango. Et il a dépensé beaucoup d'énergie pour se tenir loin des poings du très justement surnommé Iron Twin. Le ring semblait bien petit pour le Québécois, surtout avec pareille bête à ses trousses

Pas de doute

On le sentait bien: une épée de Damoclès pendait au-dessus de la tête du favori de la foule. D'un moment à l'autre, le coup fatal allait venir. Il n'est finalement pas venu, et ce n'est pas parce qu'Urango n'a pas essayé! Reste que le Québécois n'a jamais pu reprendre les rounds perdus, même quand le Colombien a baissé un peu de régime.

Résultat: les trois juges ont remis une carte en faveur du Colombien. Un juge a même donné tout les 12 rounds à Urango. Sévère? À peine. Ngoudjo n'a pas vraiment fait mal au Colombien. Il a réussi à placer quelques combinaisons au corps. Quelques crochets à la tête. Au dixième round, l'oeil d'Urango s'est même mis à saigner un peu. Mais rien de comparable à l'averse que Ngoudjo essuyait depuis le premier coup de gong.

Pas de doute, la ceinture IBF des super légers est entre bonnes mains. Celui qui voudra la prendre à son nouveau propriétaire devra se préparer à la guerre. Ngoudjo, lui, devra reprendre la longue route vers un possible autre combat de championnat.

Décarie à l'école

Comment se battre contre un boxeur qui préfère pratiquer ses prises de l'ours plutôt que ses uppercuts?

Antonin Décarie s'est posé la question plusieurs fois, hier, dans son combat contre l'Américain Dorin Spivey (35-5-0, 28 K.-O.). Ce dernier a passé les 12 rounds du combat pendu au cou de Décarie. Le Québécois a tout de même réussi à conserver sa ceinture NABO des mi-moyens, par décision unanime. «C'était frustrant, mais c'est mon erreur, a expliqué Décarie. Ça faisait partie de son plan de match et je n'aurais pas dû me laisser fatiguer par ça. Il connaît tous les trucs du métier. Avec ce combat, j'ai été à l'école.»

«J'avais de la misère à placer mes coups en explosion, a admis Décarie. Je n'arrivais pas à conter sa défensive. Je savais qu'il n'était pratiquement jamais tombé par K.-O., mais j'ai été surpris. Il y a quelques coups de la droite qui l'ont fait vaciller sur ses jambes. Je n'ai pas été capable de poursuivre et de l'achever.»

Pour la première fois de sa carrière, Décarie se retrouvait sur un grand réseau américain, son combat étant diffusé par ESPN. Il aurait sans doute préféré mieux paraître. Au lieu de cela, il a «appris son métier.»

Qui sait, la leçon pourrait servir un jour au cinquième aspirant WBC des mi-moyens...