Ils sont joueurs de football, coureurs, nageurs... Mais ils sont aussi étudiants. Et la grève, qui en est à sa 12e semaine, pourrait avoir sur eux des conséquences désastreuses. À tel point que les autorités du sport étudiant pensent à intervenir pour éviter la catastrophe.

L'année scolaire de Carl Jobin-Shaw avait pourtant bien commencé. Le secondeur des Spartiates du cégep du Vieux-Montréal jouait le meilleur football de sa vie et avait des notes bien au-dessus de la moyenne. «J'ai eu une très bonne saison de football cette année, vraiment au-dessus de mes attentes», explique le cégépien de 20 ans.

Ses résultats sur le terrain et en classe ont attiré l'attention de plusieurs universités. Jobin-Shaw a fini par choisir l'Université McGill, qui lui offrait une bourse. Un scénario de rêve.

Puis, la grève a commencé. Les élèves de son cégep, l'un des plus militants au Québec, ont pris part au mouvement. Depuis ce jour, Jobin-Shaw ne sait plus s'il touchera sa bourse. Il ne sait même plus s'il pourra entrer à l'université.

«Je prends les choses au jour le jour. J'étais inscrit à six cours à l'hiver. Plus les semaines passent, plus je me dis que ça va être impossible de les terminer à temps, explique-t-il. J'ai besoin des six pour recevoir ma bourse et pour aller à l'université. Ça n'est aps de bon augure...»

Jobin-Shaw craint de devoir faire une croix sur la bourse et sur l'université. Le secondeur s'imagine déjà de retour au cégep en septembre, encore une fois dans l'uniforme des Spartiates. «Ce ne serait vraiment pas l'idéal!», dit-il.

Son cas n'est pas unique. Ils sont des centaines parmi les 13 500 athlètes collégiaux et universitaires que compte le Québec à se demander ce qui les attend.

Pour plusieurs d'entre eux, le droit même de participer à une discipline sportive est en jeu. Car ces jeunes doivent absolument obtenir un minimum de crédits. Selon les règles du Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ), un athlète collégial doit avoir réussi huit cours en une année scolaire, alors qu'un athlète universitaire doit avoir obtenu 18 crédits sur la même période.

Plusieurs d'entre eux ont prévu obtenir ce nombre minimal de cours durant le trimestre d'été. Or, déjà sept cégeps ont annulé les cours d'été et d'autres vont suivre. Dans certaines facultés universitaires, les trimestres d'hiver et d'été vont se chevaucher, ce qui rendra la tâche impossible à certains étudiants.

«Il y aura aussi sûrement un impact sur les cégépiens recrutés à l'université, acceptés à la condition qu'ils obtiennent leur DEC, lance le directeur des sports au cégep du Vieux-Montréal, Michel Arsenault. Mais si les résultats ne sont pas connus et officiels au début de septembre, que se passera-t-il?»

Des règles assouplies?

Les secteurs sportifs des universités et des cégeps observent donc cette grève d'un oeil attentif. Pour eux, c'est leur capacité même de mettre sur pied leurs équipes qui est en jeu.

«Si jamais on applique la règle à la lettre, on pourrait vivre une situation catastrophique», prévient Jean-Pierre Chancy, responsable des affaires académiques pour les Carabins.

Devant la menace, le RSEQ a déjà mis de l'avant une proposition d'urgence au cégep. Au lieu de devoir réussir huit cours, les élèves devraient plutôt avoir réussi la moitié de ceux auxquels ils ont été inscrits cette année. Une manière d'amoindrir les effets de la grève et de permettre aux athlètes de continuer avec leur équipe.

La proposition sera soumise au vote à une rencontre du RSEQ en juin. «La démarche vise à être juste et équitable, explique le directeur des programmes collégiaux du RSEQ, Guy Lassonde. On comprend qu'il s'agit d'une situation exceptionnelle.»

L'entraîneur-chef de l'équipe de football des Spartiates, Cherif Nicolas, espère que les règles seront assouplies. Il rappelle que plusieurs jeunes privés de sport pourraient tout simplement décider de lâcher l'école.

«Les règles d'admissibilité ne sont pas faites pour écarter des gens. Elles sont faites pour accrocher les gars à l'école, croit-il. Si on écarte des jeunes du sport parce qu'ils n'ont pas rempli les critères à cause de la grève, ces jeunes-là décrocheront, ils prendront une session off pour travailler, voyager... Je pense que la RSEQ a intérêt à garder ça en tête au moment de prendre sa décision.»