Marie-Michèle Gagnon a beau participer à ses deuxièmes Jeux olympiques à Sotchi, elle tempérait les attentes à la veille de la cérémonie d'ouverture, jeudi. Celles du public, mais surtout les siennes.

«Oui, je veux avoir une médaille un jour, mais je ne suis pas ici pour ça, avait-elle affirmé après son premier entraînement. Je suis ici pour faire de mon mieux et voir ce que ça va donner. Je ne suis pas au sommet de ma carrière et j'ai toujours l'impression de progresser.»

Cette attitude lui a bien servi sur le circuit de la Coupe du monde cette saison. Elle occupe le quatrième rang du classement du slalom et a décroché sa toute première victoire, au super combiné d'Altenmarkt, en Autriche, le mois dernier.

À 24 ans, la polyvalente skieuse de Lac-Etchemin semble prête à prendre son envol. Le super combiné féminin était justement la première épreuve à l'horaire du ski alpin féminin à Sotchi, lundi. Gagnon n'était pas la favorite pour autant, loin de là. Le super combiné olympique comprend une manche de descente, plutôt qu'un super-G comme à Altenmarkt. La Québécoise n'est pas encore tout à fait à l'aise dans la plus rapide des disciplines de vitesse.

Elle s'est néanmoins bien tirée d'affaire en matinée à Rosa Khutor, enregistrant le 21e temps de cette première manche de descente. Mais avec un écart de presque deux secondes avec la troisième, elle pouvait difficilement envisager le podium, à moins de multiples sorties de piste de la part de ses rivales et d'une détérioration sérieuse du parcours de slalom. Un top 10 était amplement dans la ligne de mire, peut-être même un top 5.

Gagnon est partie avec un bel aplomb entre les piquets, mais les choses ont capoté après le premier temps de passage intermédiaire. La Québécoise a enfourché une double porte, fait le grand écart et plongé vers l'avant. Elle a tenté d'amortir le violent choc avec sa main gauche. Sur l'écran géant, on l'a vue se relever en se tenant l'avant-bras. Tout le monde craignait que ses Jeux soient finis, elle incluse.

«Mon épaule est sortie», a-t-elle lancé en se dirigeant vers son entraîneur Jim Pollock, posté sur le côté. Elle a attendu 10 longues minutes avant que le médecin puisse les rejoindre en coupant à travers les bois. Il lui a replacé l'épaule, qui était disloquée.

«Personne n'y croyait», racontera plus tard Hugues Ansermoz, entraîneur-chef de l'équipe canadienne, qui attendait plus bas. «N'importe quelle autre athlète aurait pleuré, serait restée là. C'est tellement une fille solide pour ça. Il n'y a pas eu de pleurs, hop, elle s'est relevée.»

«Mes skis sont passés du mauvais côté de la porte et je suis tombée. En essayant de me relever, j'ai immédiatement su que mon épaule était disloquée. Mark, le médecin de l'équipe canadienne, et le médecin russe l'ont remise en place. Ça ne m'a pas fait mal. Ils ont fait du beau boulot», racontait Gagnon.

Aucune fracture

Elle a été conduite en ambulance à la polyclinique du village des athlètes, accompagnée du médecin de l'équipe, de la physiothérapeute et de son copain, le skieur américain Travis Ganong, cinquième de la descente la veille. Les résultats des examens ont soulagé tout le monde.

«Il n'y a aucune fracture, aucun dommage aux nerfs, rien du tout, a assuré Ansermoz en soirée. Il semble que son épaule ne la fasse pas souffrir. Il y a aussi pas mal de mouvements. Notre médecin est très optimiste pour la suite des Jeux.»

Une heure plus tôt, Gagnon avait exprimé le même optimisme sur Twitter.

«Je veux montrer qu'on peut surmonter des obstacles et accomplir de grandes choses. Je suis revenue sur les pentes rapidement après une blessure dans le passé, et j'espère être capable de le refaire», a-t-elle précisé. Gagnon doit prendre le départ du super-G, du slalom géant et du slalom. «Il nous faudra attendre de voir ce qui va se passer, mais j'espère être capable de participer aux autres courses ici à Sotchi», a déclaré la skieuse dans un communiqué.

«Les 24 prochaines heures vont plus nous en dire sur le plan à suivre, s'il se développe de la douleur ou pas, a précisé l'entraîneur-chef. C'est certain que notre priorité est de se préparer pour le géant. Si ça va mieux que prévu et qu'elle peut faire tout l'entraînement avant le super-G, pourquoi pas. Mais on ne prendra aucun risque.»

Gagnon sera au repos pour les deux prochains jours, comme le plan original le prévoyait. Mais plutôt que d'assister à des épreuves sportives, elle fera de la physiothérapie. Seuls les mouvements de bras vers l'arrière pourraient lui causer des ennuis, ce qui ne devrait pas arriver dans les épreuves techniques.

«Ce n'est pas la préparation idéale pour le slalom géant (18 février) et le slalom (21 février), a reconnu Ansermoz, mais son but est d'être là et d'être compétitive. Son moral est bon et elle est prête à travailler dur, comme elle a toujours su le faire.»

Comme des athlètes le lui avaient conseillé avant les JO, Gagnon s'était préparée au pire, racontait-elle jeudi: «Comme ça, si les choses tournent mal, tu es relaxe, tu ne stresses pas trop.» Ce sera le temps de mettre cette philosophie à l'épreuve.