Quand il a atterri sur la piste enneigée, que sa planche a touché le sol dans un bruit sec et que la foule a rugi, Maxence Parrot s'est senti « sur un nuage ».

À ce moment de la finale de la compétition de planche à neige slopestyle, son ami, le Québécois Sébastien Toutant, n'avait plus de chances de médaille. Les trois premiers au classement étaient un Américain, un Norvégien et un compatriote de Parrot, Mark McMorris.

Parrot était le dernier à s'élancer. Les trois premiers attendaient anxieusement sa descente. Le jeune Québécois de 19 ans avait pulvérisé la ronde des qualifications avec un score de 97,5 points. Tout pouvait arriver.

Quand il a vu Parrot atterrir, McMorris a bien cru qu'il venait de passer du podium à l'anonymat de la quatrième position. « Max a atterri avec tellement d'autorité. La foule a tellement réagi. Je pensais que c'était fini pour moi. »

Max Parrot, lui, attendait le verdict des juges. L'Américain Sage Kotsenburg menait avec 93,5 points, devant le Norvégien Staale Sandbech (91,75) et McMorris (88,75). Des scores largement battables pour celui qui a envoyé tout un message au petit monde de la planche à neige en remportant l'or aux X Games deux semaines avant les Jeux.

« J'étais super content. J'étais sur un nuage. Je me voyais sur le podium à 110 %. J'étais content d'avoir réussi mon backside triple cork 1620 », a expliqué Parrot en référence à ce saut qui consiste à avoir « trois fois la tête en bas avec trois tours et demi de côté ».

C'était la première fois qu'il réalisait la manoeuvre en slopestyle. Il l'avait réussie et pensait avoir ébloui les juges.

Le verdict est tombé sans appel : 87,25, à moins de deux points du podium. Il finissait cinquième. « J'étais très déçu de mon pointage. Mais c'est les Jeux olympiques, je suis content d'être ici. Je ne vais pas partir en pleurant. »

Mark McMorris, de la Saskatchewan, remportait le bronze, la première médaille canadienne à ces Jeux. Il montait sur le premier podium olympique de l'histoire du slopestyle, présenté pour la première fois aux Jeux. Le tout avec une côte brisée.

« Quand je me suis blessé aux X Games il y a 13 jours, je pensais que les Jeux étaient finis pour moi. C'est un miracle que je sois ici, encore plus que je sois médaillé. »

Un podium, une controverse

Mais la poudreuse de la dernière descente n'était pas encore retombée que surgissait une controverse sur les pointages des juges. Le slopestyle a beau être nouveau aux Jeux, il s'est rapidement intégré à la longue et prospère tradition des disciplines jugées, toujours prêtes à nourrir l'olympisme en débats et scandales.

Cette fois-ci, les juges sont allés « dans tous les sens », selon l'Américain Chas Guldemond, qui n'a pas réussi à se tailler une place en finale.

Les deux Québécois abondent dans le même sens. « On est juste un peu confus. Tous les riders, pas juste moi. On n'est pas sûrs de comprendre ce que les juges cherchaient aujourd'hui », a expliqué Maxence Parrot.

Avant la finale, tous s'entendaient pour dire que le triple saut désaxé - triple cork - allait être la clé de la victoire. La figure extrêmement technique et difficile est prisée par les juges lors des X Games. Mais ceux qui officiaient hier provenaient de la Fédération internationale de ski (FIS).

« Je pense que les riders n'étaient pas au courant de ce que cherchaient les juges aujourd'hui. Je pense qu'ils cherchaient le style plus que la technique, explique Parrot. Sage [Kotsenburg] est un de ceux qui ont le plus beau style en snowboard. Il mérite cette médaille-là. Sa descente était vraiment belle. »

McMorris et Parrot sont renommés pour leurs triples sauts désaxés. À sa seconde descente, le médaillé de bronze en a intégré deux à sa routine. « Aux X Games, avec deux triple corks, tu as pas mal de points », explique Toutant.

Changement de stratégie

Mais McMorris n'a pas passé la barre des 90. En voyant ça, Parrot, tout en haut de la piste, a choisi de modifier sa descente. Il n'a fait qu'un seul triple au lieu de deux. Mais la stratégie n'a pas payé. Le médaillé d'or, lui, n'avait aucun triple dans sa descente gagnante.

« Je ne fais presque pas de compétitions avec la FIS, c'est surtout avec le World Snowboard Tour. Ces juges-là sont plus proches des riders. À chaque compétition, ils nous disent ce qu'ils veulent voir sur le parcours », raconte Parrot, de Bromont.

« Ici, je ne connais même pas le nom des juges. Ils ne nous ont jamais dit ce qu'ils voulaient voir. En qualifications, j'ai fait une descente technique et j'ai ramassé 97 points, rappelle-t-il. Donc, je me disais qu'ils voulaient aussi de la technique en finale. Ça a complètement changé pour le style. S'ils changent d'idée, qu'ils viennent nous le dire, qu'on s'ajuste. »

L'or de l'Américain Kotsenburg obtenu sans triple saut désaxé pourrait « représenter un changement majeur dans la planche à neige compétitive » et la manière de la juger, analyse le très sérieux Snowboarding Transworld.

Sébastien Toutant et Maxence Parrot auront quatre ans pour comprendre les juges de la FIS. Les deux rêvent d'un podium en Corée en 2018. « Je suis encore jeune, je vais peut-être pouvoir me réessayer dans quatre ans », lance Toutant, 21 ans.

Maxence Parrot, lui, est tranchant. « Les quatre prochaines années, je vais avoir le temps de progresser en avant de tout le monde. L'année passée, j'étais toujours un peu en bas des autres. Aux X Games, la semaine passée, j'ai montré qui j'étais vraiment. La médaille d'or, c'est sûr, c'est l'objectif. »

Celui qui prononce ces paroles n'a que 19 ans.

« C'est sûr que dans les prochaines années, je vais devoir me méfier de Maxence, a avoué McMorris. Ce jeune a un talent fou. »