Sur les hauteurs de Sotchi, le soleil plombait. Les spectateurs se promenaient le manteau ouvert, les lunettes fumées vissées au visage. Pas un nuage à l'horizon hérissé de montagnes. Un peintre sans grande inspiration aurait intitulé la scène: Ciel bleu sur fond de Caucase.

C'était une journée parfaite pour la première épreuve de slopestyle de l'histoire olympique. Mais la météo ne trompait personne; une ombre planait jeudi sur les qualifications, celle de l'Américain Shaun White.

La veille, la légende de la planche à neige s'était désistée de cette épreuve historique citant le danger de la piste et son désir de se concentrer sur la demi-lune. Le même jour, Sébastien Toutant et Maxence Parrot l'avaient varlopé sur Twitter avant d'effacer leurs micromessages. Repentants, les Québécois? Pas vraiment.

Pour avoir suggéré que White s'était désisté parce qu'il avait «peur» de perdre, Maxence Parrot s'est fait traiter d'arrogant. Le planchiste de 19 ans, originaire de Bromont, a répondu à sa manière en réalisant le meilleur score de la journée de qualification avec une performance frôlant la perfection.

«Je pense que je n'ai jamais eu un aussi bon score dans ma carrière. Je suis super content, j'ai réussi mon parcours de haut en bas», a commenté Parrot, à qui les juges ont accordé 97,50 points sur 100 pour sa deuxième descente.

La star montante du snowboard slopestyle s'est vu accoler l'étiquette de grand favori pour la finale de samedi. S'il l'emporte, il deviendra le premier médaillé d'or de sa discipline et des Jeux de Sotchi.

Des explications

Mais avant, Parrot a dû s'expliquer sur Shaun White. Ses propos et ceux de son coéquipier Sébastien Toutant - troisième de sa vague avec 87,25 points et qualifié pour la finale - ont créé une petite tempête médiatique.

«J'ai écrit sur cette histoire toute la journée de jeudi», racontait, amusée, une journaliste du USA Today, où White est une célébrité depuis qu'il a gagné sa première médaille aux X Games à l'âge de 16 ans. Trois ans plus tard, il remportait l'or à la demi-lune à Turin, un exploit répété à Vancouver.

«Le tweet que j'ai écrit sur Shaun White, ce n'était pas pour être arrogant. Je pense que les gens ont mal compris, c'est pour ça que je l'ai supprimé et me suis excusé après», précise Parrot.

Le Québécois en avait simplement assez de voir White abandonner in extremis une épreuve de slopestyle pour la énième fois. «Ça fait quatre ou cinq fois qu'il fait ça», dit-il. Quand, mercredi, il a vu que la superstar de la planche était absente des pratiques, il a dit à Sébastien Toutant qu'il était persuadé qu'il allait encore déclarer forfait. Toutant n'y croyait pas. C'est ce que White a finalement annoncé dans la journée.

«J'ai trouvé ça vraiment plate, ajoute-t-il. C'est plate pour l'équipe américaine, celui qui était quatrième sur la liste ne peut même pas être ici et moi, à sa place, je ne serais pas super content.»

Sébastien Toutant a aussi effacé son tweet. Il fait partie de l'équipe professionnelle Oakley, la même que White. «On doit garder de bonnes relations», a-t-il dit, avant d'ajouter que, selon lui, le désistement de l'athlète était «irrespectueux» envers les planchistes américains. «Un autre aurait pu venir à sa place et avoir la chance de vivre cette expérience-là», lance-t-il.

Les deux Québécois affirment que les autres athlètes du slopestyle partagent leurs réserves sur White, un personnage «renfermé, qui ne parle pas beaucoup», selon Toutant.

Peu d'athlètes se sont portés à la défense de White jeudi. La Presse a demandé au planchiste américain Chas Guldemond ce qu'il avait pensé des critiques des deux Québécois. «J'ai été dans l'ombre de Shaun toute ma carrière, alors je suis pas mal écoeuré d'en parler», a-t-il répondu sèchement avant de tourner les talons.

On a déjà vu coéquipier plus solidaire.

McMorris s'enfarge

Mais derrière les récriminations de Parrot et Toutant, on sent le désir de se mesurer à White. Car s'il est pratiquement intouchable sur la demi-lune, il est largement battable en slopestyle. Et les deux Québécois auraient bien aimé le battre à Sotchi...

«Le monde entier pense que Shaun White est le meilleur, mais les gens ne connaissent pas vraiment les nouvelles de notre sport, explique Max Parrot. C'est pour ça que j'aurais aimé qu'il soit en finale.»

L'an dernier, lui et son coéquipier Mark McMorris l'ont battu lors des X Games, terminant respectivement deuxième et premier alors que l'Américain, cinquième, n'a pas atteint le podium.

La lutte se fera plutôt samedi contre d'excellents Suédois, Finlandais... et entre les Canadiens eux-mêmes. Le favori de l'épreuve avant les qualifs de jeudi était Mark McMorris, de la Saskatchewan. Mais il s'est fracturé une côte juste avant les Jeux. Jeudi, il ne s'est pas qualifié et devra passer par les demis s'il veut disputer la finale. Il a quitté la piste l'air déconfit, presque sonné; un contraste évident avec le sourire de Parrot.

Mercredi soir, en s'en prenant à une légende, Maxence Parrot a pu paraître comme un jeune présomptueux de 19 ans. Jeudi, il a répliqué en devenant favori pour remporter la première médaille d'or olympique de l'histoire du slopestyle.

«Je serais super fier d'être le meilleur ambassadeur de mon sport, dit-il. Pour moi, les Jeux sont la plus importante compétition en slopestyle et je serais honoré de gagner l'or.»

Jamie Anderson en finale

Favorite pour l'épreuve de slopestyle en planche à neige, l'Américaine Jamie Anderson s'est qualifiée sans embûche jeudi pour la finale de dimanche. Elle a réussi la deuxième meilleure descente de la journée aux yeux des juges (93,5 sur 100), juste derrière l'Autrichienne Anna Gasser (95,5).

Deux Canadiennes étaient aussi de la compétition. L'Albertaine Spencer O'Brien s'est qualifiée directement pour la finale en terminant troisième de sa vague avec un score de 82,75. Quant à l'Ontarienne Jenna Blasman (60,25), elle devra disputer la demi-finale, aussi dimanche, pour espérer se tailler une place en finale.