Une semaine, c'est vite passé. On quitte la ville le temps de se secouer les méninges et de renouer avec de vieux amours et, au retour, ce qui frappe le plus, c'est que rien n'a vraiment changé. Tout semble au beau fixe.

Commission Charbonneau à la télé, neige abondante dans les rues du quartier et l'Impact de Montréal qui affiche toujours un dossier immaculé. Un peu comme son entraîneur lors des entrevues d'après-match, la troupe de Schällibaum ne dérougit pas.

L'efficacité du onze montréalais fait même des jaloux en terrain déjà conquis par le Bleu-blanc-noir, comme à Portland, où j'étais de passage dans le cadre d'un camp avec l'équipe féminine canadienne U20. Occupé par les tâches techniques qui m'incombaient en tant qu'adjoint à l'entraîneur Andrew Olivieri, j'ai toutefois eu très peu de temps pour sonder les états d'âme de la Timbers Army.

Jadis gardien de but de l'Impact de Montréal, Olivieri travaille au sein du personnel technique de l'Association canadienne de soccer (ACS) depuis quelques années. Adjoint à John Herdman avec l'équipe nationale féminine depuis janvier 2012, il dirige aussi lui-même l'équipe espoir (U20). Après le succès des Canadiennes aux Jeux de Londres, les architectes de cette réussite travaillent maintenant à établir les fondations d'un système qui assurera la pérennité du soccer unifolié parmi l'élite féminine mondiale.

L'effet Herdman

L'histoire est bien connue. Après une performance catastrophique à la Coupe du monde 2011 où elle se considérait elle-même comme une aspirante au podium, une équipe canadienne complètement revitalisée a démontré qu'elle avait l'étoffe pour gravir une marche du podium en terminant troisième aux Jeux olympiques à peine un an plus tard.

Inspirée par son nouvel entraîneur John Herdman, l'équipe nationale a surtout connu une transformation sur le plan moral, puisant dans ses ressources après avoir atteint le fond du baril en 2011. Un revirement inespéré, compte tenu de sa rapidité. Or, malgré ce succès soudain, Herdman refuse de se laisser aveugler par le reflet d'une médaille que les filles ont littéralement arrachée des mains des Françaises.

Un groupe qui ne rajeunit pas, une dépendance à Christine Sinclair, des attentes rehaussées... Bref, les problèmes ne manquent pas et Herdman sait qu'il ne pourra répéter son fait d'armes sans le développement de nouvelles générations capables de prendre la relève de son équipe Cendrillon. Et minuit s'apprête à sonner car le reste de la planète progresse en soccer féminin.

Nouvel ADN

Pour Olivieri, la mission consiste donc à changer l'ADN de la joueuse canadienne. «C'est une chose de changer le modèle de jeu, c'en est une autre de changer la mentalité des joueuses. On essaie de faire les deux», me confiait-il pendant le camp de Portland qui réunissait une vingtaine d'espoirs.

«Nos joueuses sont programmées pour jouer vers l'avant, constate Olivieri. Ça vient probablement de notre culture. Au hockey, on envoie la rondelle au fond de la zone adverse avant de se lancer à sa poursuite... Mais pour jouer contre l'élite mondiale, on a besoin de joueuses qui sont moins pressées de se départir du ballon.»

Ainsi, conscientes de l'écart qui les sépare des autres puissances, les Canadiennes savent que le changement s'avère nécessaire pour qu'elles arrivent à se battre à armes égales avec les Américaines, les Japonaises ou les Allemandes. «Si on se contente de faire ce qu'on a toujours fait, on ne fera que continuer à obtenir les mêmes résultats.» Et le bronze de Londres constituerait éventuellement un accident de parcours.

Une semaine de camp, c'est vite passé quand dans le développement à long terme d'une jeune joueuse. On y effectue des changements infimes tout en espérant le plus grand effet possible. Mais ce n'est qu'à la Coupe du monde de 2015 ou aux Jeux de Rio en 2016, que l'on mesurera le progrès réalisé. En attendant: PowerPoint, tests physiques, analyse vidéo et plusieurs heures sur le terrain pour rendre l'expérience la plus stimulante possible pour la relève canadienne et son nouvel ADN.