S'il fallait mettre à jour la collection des Belles histoires vraies, qui a marqué mon enfance, je propose que l'on attribue le volume du bon exemple de persévérance à Patrice Bernier.

Même si plusieurs observateurs le voyaient comme une victime des rotations Marschiennes, Bernier n'a jamais arrêté de s'investir à l'entraînement comme si de rien n'était. Véritable professionnel, son ardeur au travail est demeurée la même en dépit des déceptions qu'il devait refouler en s'apercevant qu'il n'était toujours pas titulaire.

Bernier n'est pas du genre à s'apitoyer sur son sort, et c'est tout à son honneur. Plutôt que de se laisser influencer par les commentaires de partisans mécontents, ce qui l'aurait sans doute distrait, il s'est attelé à la tâche en attendant d'obtenir l'occasion promise par son entraîneur.

La semaine dernière, lors d'une longue discussion à la fin d'un entraînement, Jesse Marsch avait d'ailleurs réitéré à Bernier qu'il comptait toujours sur lui et que le Québécois devait se considérer comme un élément important du club. Bien que la communication entre les deux hommes ait déjà connu des ratés depuis le début de l'aventure MLS, Marsch a tenu parole en alignant le numéro 8 d'entrée de jeu à Kansas City dans le cadre d'un match sur lequel l'état-major de l'Impact ne fondait pas de grands espoirs.

Victoire qui mêle les cartes

Contraint à jongler avec son alignement en raison des nombreux matchs en ce début du mois de mai, Marsch semblait avoir donné priorité au Championnat canadien, vu le onze titulaire contre Toronto en milieu de semaine. Même si l'entraîneur montréalais déclare que tous ses hommes ont un rôle important à jouer, en réalité, les attentes à l'égard de la formation expérimentale mise en place à Kansas City ne pouvaient pas être aussi élevées que lors des matchs précédents. C'était un match où l'entraîneur se dit qu'il n'a rien à perdre en faisant une rotation qui permet du même coup aux cadres de souffler un peu.

La victoire dans le Midwest américain, face à la meilleure équipe de la ligue, constitue donc une agréable surprise pour Marsch. Elle l'oblige aussi à réévaluer la hiérarchie dans sa formation. Nelson Rivas et Hassoun Camara ont certainement gravi des échelons.

Or, il ne faut pas négliger le fait que la plupart des titulaires au match de samedi avaient reçu carte blanche pour marquer des points auprès de Marsch. Quant à Patrice Bernier, à qui l'on avait confié le brassard de capitaine, il devait pour sa part gérer la pression supplémentaire que la controverse entourant son inutilisation avait engendrée. Une situation à laquelle il ne peut rien, contrairement à ses performances sur le terrain.

Sans être aussi brillant qu'il ne l'avait été à New York, lors de son dernier départ, Bernier a néanmoins fait bonne figure sur la pelouse du Livestrong Sporting Park. Faisant encore une fois preuve de sang-froid, il s'est lui-même chargé de confirmer la victoire de l'Impact en transformant le penalty obtenu de façon inespérée en deuxième demie. Pression? Quelle pression?

Je n'ai jamais caché mon admiration pour ce qu'a accompli Bernier dans sa carrière, mais je dois admettre que je continue d'être impressionné par sa force de caractère. Personne n'aime être laissé de côté, surtout pas devant les siens, mais pas question pour lui de tout laisser tomber et de retourner faire carrière en Europe.

Étant à la fois patient, orgueilleux et professionnel, Bernier fait le pari de laisser parler ses pieds pour convaincre son entraîneur qu'il mérite mieux. D'ailleurs, dès l'annonce de son embauche, Bernier ne se faisait pas d'illusions à propos du défi qui l'attendait malgré toute l'attention que sa mise sous contrat suscitait. Jamais il n'a tenu sa place pour acquise.

Chose certaine, avec un rendement semblable à celui de samedi, Bernier met les chances de son côté. Et pour les superstitieux - peut-être en reste-t-il à l'Impact! -, retenez que la dernière fois où Bernier était capitaine, c'était en pré-saison, il avait marqué aussi.

> Pascal Milano: Jesse Marsch en français