L'heure est grave. Le chauffeur de taxi jette un regard dans le rétroviseur et lance une prédiction lourde de sens. «Le Brésil ne gagnera pas la Coupe. Trop de pays jouent bien, comme l'Allemagne, la France, les Pays-Bas et le Chili.»

Dans ce compliment à l'égard de ce quatuor se cache surtout une critique à peine voilée sur l'état de la Seleção. En dépit de sa première place dans le groupe A, le Brésil est très loin d'avoir convaincu en rééditant ses performances de la dernière Coupe des confédérations. Et malgré l'ampleur de sa victoire contre de faibles camerounais, quelques doutes subsistent encore sur la solidité défensive des arrières latéraux, la créativité du milieu de terrain ou la constance de Fred en attaque. Or, voilà qu'un test autrement plus difficile s'annonce face au pétillant Chili, l'adversaire que voulait éviter Luiz Felipe Scolari, cet après-midi, à Belo Horizonte.

Les deux pays s'étaient déjà croisés, il y a quatre ans, avec une issue qui avait souri aux Brésiliens. Mais le contexte est différent aujourd'hui. De Coupe du monde en Coupe du monde, le Brésil est rarement exclu du groupe des favoris. Aujourd'hui, il doit aussi gérer la pression d'un peuple qui n'exige rien d'autre que la victoire. Cela peut galvaniser autant que tétaniser dans ce contexte à élimination directe. «C'est normal d'être mal à l'aise et d'avoir cette anxiété, surtout pour les matchs à élimination directe, a indiqué Scolari en conférence de presse. On ne peut pas commettre d'erreurs. On est un peu plus impliqué, on a un peu plus peur et on est un peu plus nerveux.»

En phase de groupe, le Brésil s'est largement appuyé sur les frêles épaules de Neymar. Auteur de doublés contre la Croatie et le Cameroun, le joueur de 22 ans a parfois compensé les performances plus timides de ses coéquipiers offensifs. S'il connaissait un mauvais jour, qui pourrait prendre le relais?

Oscar y est déjà parvenu, à quelques reprises, alors que Hulk peine à trouver le bon rythme. Il y a également Fred dont la simple évocation entraîne une moue dubitative chez les partisans de la Seleção rencontrés à Recife. Il est très loin d'être assuré que son but contre le Cameroun le réveillera, après une année difficile. En milieu de terrain, finalement, Scolari devrait remplacer Paulinho par Fernandinho qui avait effectué une bonne entrée contre le Cameroun.

«La meilleure génération»

Le Chili a de quoi inspirer une certaine crainte même si Nadini, vendeuse dans un magasin de sport, rappelle que le Brésil «bat toujours» le Chili. Comme elle, les férus d'histoire rappelleront, en effet, que les Auriverde ont éliminé le Chili en 1962, en 1998 puis en 2010. Sauf que la qualité et l'audace du jeu actuel des Chiliens ont de nouveau régalé la planète entière et mis l'Espagne à genoux. Sous Jorge Sampaoli, la Roja a également ajouté une dose de pragmatisme à sa tactique offensive et à son pressing tout-terrain.

Elle compte sur une génération en or qui avait annonçait sa venue lors du Mondial des moins de 20 ans, en 2007. Aujourd'hui, les Arturo Vidal et Alexis Sanchez, notamment, ont pris une autre dimension au sein des plus grands clubs européens. «C'est la meilleure génération chilienne de l'histoire, a d'ailleurs assuré Vidal. C'est notre rêve de battre le Brésil. On peut créer la surprise.»

Et créer un autre drame national...