La fête nocturne bat son plein à Copacabana, avec bars bondés et samba à plein volume. Des centaines de supporteurs venus au Brésil pour le Mondial font la queue pour se faire mordre par l'attaquant uruguayen Luis Suarez.

Au moins en photo... devant une immense affiche publicitaire d'Adidas à la gloire de Suarez, toutes dents dehors, poussant son cri de guerre sous le slogan «Tout ou rien»...

La brise humide et chaude enveloppe Colombiens, Anglais, Allemands qui rient aux éclats en posant l'épaule nue sous les dents du héros national d'Uruguay.

Ces photos et «selfies» des supporteurs «mordus» inondent en quelques secondes les réseaux sociaux.

Mais des milliers d'Uruguayens avec leur maillot bleu ciel arrivent aussi à Rio pour le duel contre la Colombie samedi au Maracana pour les huitièmes de finale.

Ils se promènent sur le bord de mer et quand ils voient la scène, ils accélèrent le pas sans s'arrêter: «Allez Uruguay! Merde! Tiens bon Suarez!».

Suarez, dont l'équipe s'est qualifiée pour les huitièmes de finale grâce à un gain de 1-0 contre l'Italie, a été suspendu jeudi par la FIFA pour neuf matchs et quatre mois de toutes activités liées au soccer pour avoir mordu à une épaule le défenseur italien Giorgio Chiellini.

C'est la plus lourde sanction du genre prise dans le cadre d'une Coupe du monde pour un incident entre joueurs.

L'Anglais Godfrey Branch, supporteur depuis qu'il est tout jeune de Liverpool, le club de Suarez, meilleur buteur de la Ligue anglaise (31 buts), fait la queue pour se prendre en photo.

«Suarez est mon joueur préféré, je l'aime. La photo m'amuse mais je ne suis pas d'accord avec ce qu'il a fait, il n'a pas d'excuse», déclare cet informaticien de 44 ans pour qui la FIFA n'a pas été assez sévère dans sa sanction.

Reynel Ramirez, 29 ans, s'est enroulé dans le drapeau colombien pour se prendre en photo : «C'est très drôle; j'admire Suarez mais c'est irresponsable de la part d'un joueur comme lui de faire ça», dit cet ingénieur qui aurait pourtant aimé que la star uruguayenne joue contre la Colombie.

Facundo Nahuel, un Argentin de 23 ans plein de tatouages, se fraye un chemin dans la foule et propose des caïpirinhas à moins de deux euros sur un plateau.

«Suarez me plaît beaucoup parce que c'est un guerrier, parce qu'il donne tout pour sa sélection, pour son pays. La punition infligée est injuste», estime cet Argentin installé à Rio.

Un jeune Uruguayen passe avec deux amies et voit les étrangers se prendre en photo. Sans s'arrêter, il les insulte rageusement.

«On va gagner sans Suarez et on va tous leur clouer le bec; que la FIFA aille se faire... Suarez était l'un des joueurs de l'équipe mais il reste 22 prédateurs», déclare à l'AFP Martin de Leon, 25 ans et depuis cinq ans à Rio comme guide touristique.

Quelques minutes plus tard, d'autres Uruguayens tombent sur la scène et passent dégoûtés. Dans leur pays, même le président José Mujica a pris la défense du joueur.

«Ca m'énerve et m'attriste de voir les gens faire cette photo. Il n'y a rien de drôle. Malheureusement Suarez l'a cherché, je ne comprends pas pourquoi il a fait ça. Mais la FIFA a exagéré et en a profité pour qu'il ne joue pas contre le Brésil», estime Marcelo Garcia, 37 ans, qui gère une entreprise de construction à Atlanta.

De retour sans son pays vendredi à l'aube, Suarez a été accueilli en héros à l'aéroport de Montevideo par des centaines de supporteurs.

Adidas a suspendu toute activité de marketing pendant le Mondial avec Suarez et indiqué qu'il reverrait son contrat de parrainage officiel après la compétition.

Vendredi matin, la photo de Suarez sur l'affiche Adidas a été remplacée par celle de Daniel Alves, défenseur du Brésil.