Battue 2 à 0 par le Chili, mercredi à Rio de Janeiro, l'Espagne a hérité du titre peu enviable de première équipe à être éliminée de la compétition. Elle est également devenue le troisième tenant du titre en quatre épreuves à disparaître dès la phase de groupe. Encore davantage que les sorties de route - plus prévisibles - de la France, en 2002, et de l'Italie, en 2010, celle de l'Espagne s'accompagne d'un puissant retentissement.

En remportant deux couronnes européennes (2008 et 2012) et une mondiale (2010), cette Espagne-là avait déjà gagné sa place au panthéon des meilleures équipes nationales, avec le Brésil de 1970. Durant ce cycle, elle a également su imposer un style bien particulier, le tiki-taka, qui a été élevé au rang de religion dans les bureaux de la Fédération espagnole.

Depuis le début du Mondial par contre, bon nombre d'observateurs ont rejoint les rangs des mécréants en le remettant en cause et en dénonçant l'absence de plan B. Interrogé à la veille du match contre les Pays-Bas, Vicente Del Bosque avait calmement réfuté l'idée d'une fin de cycle et, avec lui, du tiki-taka.

«On n'a pas su maintenir la conviction, la faim, sans doute en raison des nombreuses victoires, a plutôt indiqué Xabi Alonso. On a fait beaucoup d'erreurs, on n'a pas su maintenir la solidité qui nous avait fait gagner beaucoup de matchs. Mentalement, on n'était pas prêts et physiquement, on était un peu justes. Donc, tout ça, ensemble, fait qu'on n'était pas dans les meilleures conditions.»

Les signes précurseurs étaient pourtant bien là et ils n'ont jamais été aussi bien illustrés que lors de la défaite face au Brésil (3-0), en finale de la Coupe des confédérations. Collectivement, la Roja ne suscitait plus les mêmes craintes dans les têtes adverses alors, qu'individuellement, l'aura de plusieurs étoiles a pâli depuis deux ans.

Les dépositaires tiki-taka au FC Barcelone, Xavi et Andres Iniesta, ont, par exemple, connu une lente glissade en club et en sélection nationale. C'est surtout vrai pour le premier, âgé de 35 ans, qui pourrait maintenant poursuivre sa carrière dans le Golfe Persique.

Le quotidien catalan Sport a écrit, mercredi: «L'image espagnole à ce Mondial est la même que celle offerte par le Barça tout au long de la dernière année et demie: pathétique avec des joueurs sans motivation, déconnectés de la partie et dépassés face à n'importe quel rival. C'est l'image de l'impuissance totale et absolue.»

S'il n'a pu compter sur Thiago Alcántara, blessé, Del Bosque a également commis l'erreur de ne pas suffisamment faire confiance à une nouvelle garde. En plus d'une défense dépassée, l'illustration de ce Mondial espagnol sera Iker Casillas, encore une fois fautif sur le deuxième but du Chili. Le gardien du Real Madrid, qui avait perdu sa place de titulaire en championnat, avait déjà connu de telles défaillances en finale de la Ligue des champions et, vendredi dernier, contre les Pays-Bas.

Et maintenant?

Lors du regroupement suivant le Mondial, ce sont plusieurs visages familiers qui devraient manquer à l'appel. Car si l'on se place dans l'optique de la prochaine grande compétition, l'Euro 2016, l'âge aura eu raison des Casillas, Xavi, David Villa, Xabi Alonso ou Fernando Torres.

D'autres piliers, plus jeunes, seront-ils emportés par un passage de témoin? Car s'il semble difficile d'imiter la belle génération des Xavi ou Iniesta, l'Espagne peut au moins s'appuyer sur l'équipe des moins de 21 ans, vainqueur du championnat européen, en 2013.

«Petit à petit, on va prendre des décisions nécessaires pour la suite, a indiqué Del Bosque. Nous avons le temps de réfléchir. Mais cette génération a un avenir.»

- Avec l'Agence France-Presse

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Photo Reuters

Le but d'Eduardo Vargas

«Victoire historique» pour le Chili

Si l'élimination de l'Espagne a été le sujet à la mode, mercredi soir, il ne faut pas pour autant passer sous silence l'excellente prestation chilienne. Fidèle à son habitude, l'équipe de Jorge Sampaoli a énormément gêné son adversaire par sa mobilité offensive et son pressing. Avec ses arrêts et sa sérénité, le gardien Claudio Bravo a mis la touche finale à une performance que Jorge Sampaoli a qualifiée «d'historique».

«Nous avons effectué une prestation de haut niveau et je suis fier de mes hommes. L'équipe est unie, tout le monde tire dans le même sens», a-t-il ajouté. Déjà qualifié pour les huitièmes de finale, le Chili affrontera maintenant les Pays-Bas. L'enjeu? La première place de cet inattendu groupe B.