Il faut davantage qu'un changement de nom ou que l'inauguration d'un nouveau stade pour insuffler un second souffle à une organisation. Et pourquoi pas un repêchage réussi qui débouche, quelques années plus tard, sur le développement de l'un des nouveaux visages du soccer nord-américain? C'est ce qui s'est produit en 2009, à St. Louis, lorsque le Sporting Kansas City, alors les Wizards, a jeté son dévolu sur Graham Zusi au 23e rang.

Choisir un joueur en deuxième ronde s'apparente souvent à une loterie. Pour un ou deux joueurs qui vont connaître de grandes carrières, la majorité va se perdre dans les méandres du soccer professionnel et aboutir dans des championnats mineurs.

La trajectoire de Zusi, elle, a d'abord démarré par une longue phase d'apprentissage à Kansas City. Après un brillant passage par l'Université du Maryland, le Floridien n'a été titularisé qu'à neuf reprises lors de ses deux premières saisons. «Je pense que c'est naturel pour un jeune joueur de devoir batailler afin d'intégrer le onze partant, a-t-il indiqué à La Presse. La situation n'a pas été différente pour moi. Il s'agissait surtout de ne pas tomber dans la frustration et de continuer à travailler fort.»

Le déclic s'est en fait produit à partir de juin 2011 lorsque, en l'espace d'un mois, il a inscrit trois buts et délivré autant de passes décisives. Dans l'ombre des Davy Arnaud ou Jack Jewsbury pendant deux ans, Zusi s'est alors mis à voler de ses propres ailes. «Cela a fait partie d'un processus, mais la confiance est également un aspect important, croit-il. J'ai pu obtenir quelques titularisations d'affilée et je suis parvenu à en tirer avantage. Plus je me suis retrouvé sur le terrain et plus mon niveau de confiance s'est mis à augmenter.»

Depuis, Zusi est devenu l'un des passeurs les plus prolifiques de la MLS. Après avoir terminé en tête de ce palmarès, en 2012 (15), il est celui qui a offert le plus de passes ayant mené à des buts gagnants l'année suivante (5). Pas étonnant alors qu'il ait été choisi joueur par excellence du Sporting, mais également au sein des équipes d'étoiles et du meilleur onze, en 2012 et en 2013.

L'appel de l'Europe

Avec de telles statistiques, le numéro 8 a gagné quelques adeptes parmi les plus grandes vedettes de la MLS. Quand La Gazzetta dello Sport a demandé à Marco Di Vaio de nommer un joueur à surveiller dans la MLS, l'attaquant de l'Impact s'est tourné vers Kansas City. «Je garderais un oeil sur Graham Zusi. C'est un très bon milieu de terrain qui est prêt à jouer en Italie ou en Europe.»

Le débat n'est donc pas de savoir s'il est prêt pour tenter l'aventure européenne, mais quand il le voudra. Après tout, Zusi, qui avait effectué un essai à West Ham en janvier 2013, n'a plus rien à prouver à Kansas City. Dans l'axe ou sur un côté, il y a démontré sa polyvalence, son efficacité et s'est avéré l'un des grands artisans du titre, la saison dernière. Avec Matt Besler, natif de Kansas City, celui que l'on surnomme «Zeus» est également l'un des joueurs emblématiques de la région.

Mais ne serait-il pas trop confortable dans ses souliers pour quitter le Midwest et traverser l'Atlantique? Lors de la signature d'un contrat de quatre ans, l'été dernier, plusieurs voix s'étaient d'ailleurs élevées contre ce qu'il percevait comme un manque d'ambition. Sa personnalité est peut-être entrée en compte dans le jugement populaire. En dehors du terrain, Zusi est un homme introverti, également peu à l'aise avec les médias, qui réfléchit de longues secondes avant d'ouvrir la bouche. Ses plaisirs sont également simples: la nature, les randonnées, le surf des neiges et la lecture, avait-il confié au blogue mlsreserves.com. Quoi qu'il en soit, le joueur de 27 ans ne ferme pas totalement la porte à un futur départ. «C'est toujours possible (que j'aille en Europe), mais cela ne préoccupe pas, car ce n'est pas à l'ordre du jour. Si quelque chose se présentait, j'y réfléchirais possiblement.»

Une première expérience mondiale

À Kansas City, Zusi a principalement occupé le côté gauche du trident offensif, cette saison, même s'il possède la liberté de se promener sur toute la largeur du terrain. Avec la sélection américaine, c'est cependant à droite qu'il est utilisé par Jürgen Klinsmann. En vue de la Coupe du monde brésilienne, il sera notamment en lutte avec Landon Donovan, même si la possibilité de déplacer l'un des deux joueurs existe. «Donovan n'est peut-être pas le meilleur joueur américain actuellement, mais historiquement, personne n'a été aussi décisif que lui à la Coupe du monde, a rappelé le journaliste d'ESPN Doug McIntyre. Mais je pense que Zusi va beaucoup jouer lors de cette Coupe du monde. Il va commencer un match, peut-être plus.»

Au moment de déterminer son objectif personnel pour la première grande compétition internationale, Zusi a quant à lui fait honneur à sa réputation d'homme modeste. «Je n'ai aucun but à atteindre sur le plan individuel, car le plus important est l'objectif collectif. Nous voulons aller le plus loin possible et avant tout sortir de notre groupe (Allemagne, Portugal, Ghana). À partir de là, tout peut arriver.»

Tout peut donc arriver - même d'attirer, de nouveau, l'attention de clubs européens...