Le champion du monde 1998 Marcel Desailly se dit convaincu, dans un entretien à l'AFP à Londres, que la France peut surprendre au Mondial-2010, comme elle l'a fait en 2006, à condition que ses joueurs rebâtissent eux-mêmes une «cohésion collective».

Q: La France est-elle capable de se remettre sur de bons rails avant le Mondial ?

R: «On a douté des Bleus avant le Mondial-2006 et on n'aurait pas dû. Qui aurait cru qu'après avoir joué sa survie lors du dernier match de poules, la France se retrouverait en finale ?"

Q: Raymond Domenech est-il l'homme de la situation ?

R: «Le problème n'est plus Domenech. Il est là. Les polémiques ne servent à rien. Faisons avec. Quelque part il a la compétence. C'est maintenant aux joueurs de résoudre le manque de cohésion collective, de prendre leurs responsabilités. Ils ont du talent, ils sont peut-être meilleurs que notre génération mais ils doivent prendre conscience de leurs possibilités collectives.»

Q: Patrick Vieira, qui pourrait être un cadre, a-t-il encore le niveau pour être sélectionné ?

R: «Les prochaines semaines donneront la réponse. Il le sait. Il doit jouer régulièrement. Il lui faut au moins dix matches consécutifs sans se blesser. Si c'est le cas, on sera heureux de le retrouver. Mais cette dynamique collective passe aussi par des jeunes, qui, par leur talent, doivent devenir des moteurs: Ribéry, Benzema, Nasri, Gourcuff...»

Q: Né au Ghana, y vivant, vous êtes attaché à l'Afrique. Un sacre d'une équipe du continent n'est-il pas un mythe ?

R: «On est conditionné par le fait que le Mondial est en Afrique. Mais c'est encore un peu tôt. Seule la Côte d'Ivoire pourrait y prétendre: ses joueurs sont des premiers choix en Europe, préparés physiquement, capables d'assumer la pression. L'Afrique du Sud va bénéficier d'un enthousiasme populaire, mais individuellement... Le Cameroun a un petit potentiel. Le Ghana a un collectif mais il lui manquera les individualités qui font la différence.»

Q: L'Angleterre figure-t-elle parmi vos favoris ?

R: «Tout à fait. Regardez leurs joueurs ! Les faiblesses ont été balayées par Capello. L'encadrement n'était pas au niveau des joueurs. Pour l'Euro-2008, ils se sont fait sortir par la Croatie, là, les mêmes joueurs l'ont tordue. S'ils arrivent avec le même état d'esprit, attention ! Leur faiblesse c'est l'attaquant de pointe. Pour l'heure, il n'y a personne d'indiscutable à côté de Rooney. Agbonlahor, Bent, Defoe... Mais pas un qui s'impose.»

Q: Qui est votre favori pour le titre de champion d'Angleterre ?

R: «Chelsea, pour ce qu'il a montré contre Arsenal, tactiquement, techniquement, physiquement, collectivement. Ce n'est pas forcément l'équipe qui a le plus de talent, mais c'est celle qui a le plus envie. Quand on voit comment Anelka et Malouda se sacrifient, quand on voit Ballack, un créatif, accepter de faire le porteur d'eau ! A Manchester, à part Rooney, je ne vois personne faire ça.»

Q: Comment expliquer qu'Arsenal semble hors-course ?

R: «Je ne sais pas (silence). Devant, Wenger a laissé partir Adebayor parce que Bendtner émergeait. Il a fait venir Arshavin pour l'aligner avec Van Persie et Bendtner qui rentre pour apporter sa puissance. Malheureusement, Van Persie se blesse. Dans le même temps, le petit Walcott a du mal à passer le stade du haut niveau. Et Wenger est restreint sur le plan budgétaire. Il faut rembourser l'Emirates...»

Propos recueillis par Nicolas Gaudichet