Un vieux compte à régler et, surtout, un avenir à écrire: les meilleurs ennemis du football européen, l'Allemagne championne du monde et la France pays organisateur, s'affrontent jeudi en demi-finales de l'Euro à Marseille.

Trente-quatre ans après, la dramatique demi-finale du Mondial 82 à Séville hante encore le football français et le poids de l'Histoire se fera sentir.

L'agression de Harald Schumacher sur Patrick Battiston, la sortie sur civière du défenseur tenu par la main par Michel Platini, les buts de Marius Trésor et d'Alain Giresse en prolongation avant la déroute aux tirs au but (3-3 a.p., 5 t.a.b. à 4): autant d'épisodes d'un match légendaire entré dans l'imaginaire collectif côté français.

Côté allemand au contraire, ce match n'évoque rien de plus qu'une énième demi-finale victorieuse. Car la France n'est toujours pas parvenue à prendre sa revanche sur son rival dans une phase finale et reste sur une défaite amère de 1-0 en quarts de finale du Mondial 2014.

Le contexte historique n'est qu'un décor pour la pièce qui va se jouer à Marseille.

Les matchs de légende, leur mythologie vintage et leur souffle romanesque, c'est ce qui rend le football si précieux pour ceux qui l'aiment. Ceux qui le pratiquent à haut niveau voient les choses de façon infiniment plus terre-à-terre.

L'Allemagne vise le doublé

Pour les Allemands, une qualification serait surtout un pas supplémentaire vers un doublé Coupe du monde-Euro.

Pour les Français, dominer les Allemands signerait avant tout le premier véritable exploit de l'Euro, après cinq matchs contre des adversaires modestes (Roumanie, Albanie, Suisse au premier tour, Eire en huitièmes puis Islande en quarts).

«Ce genre de match doit nous permettre d'écrire l'Histoire», espère le capitaine français Hugo Lloris. «On a une nouvelle page à écrire, insiste le sélectionneur Didier Deschamps. Elle est blanche aujourd'hui, les joueurs peuvent la remplir demain.»

«Il n'y a pas beaucoup de plus belles affiches. C'est pour ce genre de match qu'on s'intéresse au football et qu'on regarde un Euro», réplique en écho l'attaquant allemand Thomas Müller.

L'Allemagne a impressionné par ses performances méthodiques depuis le début de l'Euro et a écarté une autre grosse équipe en quarts, l'Italie, au bout d'ahurissants tirs au but (1-1, 6 t.a.b à 5).

Mais elle sera privée d'éléments majeurs (Hummels suspendu, Gomez et Khedira forfaits). «La peur ne fait pas partie des sentiments qu'on éprouve dans cette équipe», balaye Müller.

Les Français, eux, rêvent de rééditer à la maison leurs victoires de 1984 (Euro) et de 1998 (Mondial) mais ils manquent de certitudes.

Griezmann ou Müller?

L'équipe de France a été remodelée à la hâte par Deschamps après une cascade d'absences pour cause de blessures et d'affaires extra-sportives. Il manque ainsi cinq des titulaires du Mondial 2014 (Debuchy, Varane, Sakho, Valbuena, Benzema).

La clé côté français pourrait une nouvelle fois être Antoine Griezmann, meilleur buteur de l'Euro avec 4 réalisations, et son association avec Olivier Giroud, qui soulage tant la France depuis la deuxième période du huitième de finale face à l'Irlande (2-1). Voire la star Paul Pogba, qui semble se reprendre après un début d'Euro décevant.

L'Allemagne, elle, espère que Müller ouvrira enfin son compteur de buts.

Les deux équipes se sont affrontées en amical le 13 novembre, mais la victoire des Bleus (2-0) semble bien dérisoire puisque cette soirée tragique avait été endeuillée par les attentats perpétrés à Paris et devant le Stade de France.

Pour revenir à l'Histoire du foot, les supporters français souligneront que c'est au stade Vélodrome de Marseille que l'équipe de Michel Platini était venue à bout du Portugal en demi-finale de l'Euro-84 (3-2 a.p.), prélude au premier sacre international du football tricolore.

Les fans allemands, eux, préfèrent se souvenir que depuis 1972, la Mannschaft a affronté six fois le pays hôte en demi-finale d'une compétition internationale pour... six succès.