Les quelque 93 millions d'euros (145 millions $) promis par le Real Madrid à Manchester United pour le recrutement de la star Cristiano Ronaldo ont suscité des interrogations et des inquiétudes, relançant l'idée d'un contrôle financier européen cher à Michel Platini, président de l'UEFA.

Platini, qui s'est dit «interpellé», fut le premier à s'alarmer de «l'enchaînement presque quotidien des transferts mirobolants», visant aussi celui de Kaka déjà au Real, en provenance de l'AC Milan et pour 65 millions d'euros (100 millions).

«Cet engrenage pose de nouveau et de façon aiguë la question du fair-play financier et de l'équilibre de nos compétitions, a dit le président de l'UEFA à l'AFP, précisant que la confédération européenne travaillait «d'arrache-pied avec les clubs pour mettre en place, dans les délais les plus brefs, un système et des règles qui permettront de commencer sur des bases transparentes et solides l'assainissement des fondements financiers de notre football».

«Ce sont des sommes astronomiques, a observé le ministre britannique des Sports, Gerry Sutcliffe. Si on prend du recul, ce transfert, ajouté à celui de Kaka, est une source d'inquiétude pour nous.»

«Un petit groupe de clubs»

«Ces sommes sont tout simplement au-delà de la compréhension de la plupart des supporteurs ordinaires, a estimé le ministre, par ailleurs supporteur de Manchester United. Je suis inquiet de voir un petit groupe de clubs riches devenir encore plus riches et que cela nuise à l'équilibre» du football.

Le N.2 de l'AC Milan, Adriano Galliani, a d'ailleurs fait valoir l'avantage fiscal des clubs espagnols: «J'ai calculé qu'aujourd'hui Milan, avec le système (fiscal) espagnol, aurait 42 M EUR (65 millions) de ressources en plus».

Le président du grand rival, le FC Barcelone, s'est inquiété des possibles «distorsions» que pouvait créer la campagne d'achats du Real. «Il faudrait que nous essayions tous de mettre un peu de raison, de discernement, et que nos investissements s'ajustent au marché», a préconisé Joan Laporta.

La presse espagnole critiquait aussi les conditions de ce transfert. El Mundo soulignait qu'un «important secteur de la société pense que ces sommes» sont «disproportionnées et injustifiées dans un contexte de crise économique qui a mis au chômage des millions de personnes».

«En pleine crise économique certains pensent que l'austérité impose des limites dans les dépenses des grands clubs», écrivait ABC, et Publico avançait que les 93 millions d'euros permettraient «de verser leurs indemnités chômage à 10 000 personnes pendant un an».

«Simulateur et vulgaire, mais le meilleur»

La presse catalane était encore plus virulente: le quotidien El Periodico qualifiait cette opération de «transfert scandaleux».

Les internautes espagnols, dans divers sondages express diffusés dès jeudi sur les sites des médias, ont jugé aux trois quarts ce transfert «excessif». Et quasiment tous les commentaires postés étaient critiques, sur le mode «c'est complètement démentiel».

En Angleterre, la presse s'intéressait davantage à l'aspect sportif: Manchester United a-t-il fait une bonne affaire ? Elle se montrait partagée sur le départ du joueur, à l'image du tabloïd Daily Mirror: «Poseur, diva, simulateur et vulgaire... mais c'était le meilleur».

Gordon Taylor, dirigeant du syndicat des joueurs professionnels anglais (PFA), était l'un des rares à s'alarmer du fait que «si les clubs veulent essayer de concurrencer (le Real), cela entraînera des dettes abyssales. Le football n'est pas immunisé contre les problèmes du monde, et se trouve donc très vulnérable».

Le principal intéressé, actuellement en vacances à Los Angeles, a fêté son transfert avec la starlette Paris Hilton. Il a simplement dit, sur la chaîne américaine Fox Sports: «L'accord est historique». «Un tel montant c'est une belle somme d'argent», a encore assuré Cristiano Ronaldo, ajoutant qu'il était «flatteur d'être désiré par deux des plus grandes équipes du monde».