Le village de Hoffenheim, avec ses 3272 habitants recensés et ses trois boulangeries, n'a rien de plus que les autres bourgades de l'Allemagne. Sauf peut-être un club de soccer en première division nationale.

Le 1899 Hoffenheim n'entretient d'ailleurs aucun complexe d'infériorité, puisqu'il occupe actuellement le deuxième rang du tableau grâce notamment à une raclée de 4-1 infligée au Borussia Dortmund au cours du week-end. Un match au cours duquel des supporteurs de Dortmund en déplacement ont déployé une banderole incitant pratiquement au meurtre du milliardaire Dietmar Hopp - le mécène du club et forcément catalyseur de succès.

 

Si l'homme d'affaires de 68 ans a cette fois porté plainte à la police, il n'y avait pas matière à le faire en début de saison quand les fans du Borussia Mönchengladbach ont chanté leur ressentiment à son endroit. Tout comme au printemps dernier quand ceux d'Aachen l'avaient traité de «fils de pute». Cette accumulation de haine ne s'explique que par les millions d'euros investis par Hopp dans l'ascension spectaculaire d'un club de campagnards.

L'ex-attaquant de Hoffenheim version amateur a décidé au tournant des années 90 de propulser son ancien club - à l'époque en huitième division - vers le sommet à l'aide d'un projet sportif axé sur les structures et la jeunesse. Sa fortune de 6,3 milliards d'euros, accumulée au fil des ses investissements en informatique et en recherche biomédicale, a bien entendu servi à appuyer ses ambitions, mais il n'était pas question pour le philanthrope du ballon de bâtir un alignement uniquement à coups de chéquier, contrairement à la tendance actuelle en Angleterre.

La progression s'est révélée normale au début de l'aventure et, avec toujours en tête l'objectif de «construire une équipe de premier plan avec des joueurs issus du club avec des racines dans la région», Hoffenheim a patiemment gravi les échelons du football régional et départemental. Jusqu'à son arrivée en troisième division en 2006, le moment même où le «Hoffe» a enclenché la vitesse supérieure. L'embauche d'un fin tacticien en Ralf Rangnick, dit le Professeur, un recrutement vers l'étranger et le lancement d'un chantier pour un stade neuf ont catapulté en l'espace de deux saisons la formation au sommet de la pyramide sportive. Au grand regret de nombreux rivaux établis depuis longtemps en première division.

Dietmar Hopp se défend d'avoir emprunté la méthode Roman Abramovitch (Chelsea) ou Dietrich Mateschitz (Red Bull Salzbourg), soit d'ouvrir les goussets et de balancer du fric sans trop réfléchir. «Je suis tout le contraire d'Abramovitch et j'ai établi des structures pour le futur», avait-il déjà argumenté au sujet de son effectif exempt de stars coûteuses. On estime à une centaine de millions d'euros son investissement au fil des 18 dernières années. De la petite monnaie en comparaison avec les richissimes patrons anglais, mais un magot inestimable pour un championnat allemand moins nanti à l'exception du Bayern Munich.

Le cofondateur du fabricant de logiciels SAP n'est pas pour autant propriétaire, pas plus qu'il n'occupe la présidence de son club chéri ou même un siège au conseil d'administration. En fait, le portefeuille de Hopp ne pourra même pas profiter des exploits sur le terrain de Hoffenheim en raison des lois sur la propriété établies par la Fédération allemande de football. Impossible techniquement de posséder ou d'acheter des équipes professionnelles, bien qu'elles soient en fait des compagnies limitées. La dévotion de Hopp - officiellement simple membre - serait-elle purement désintéressée?

Ses détracteurs n'ont cure de son plaidoyer, si bien qu'ils décrient plus que jamais le manque de «culture football» du club, récemment élu le moins populaire d'Allemagne. Un titre qui ne dérange nullement l'argentier et ses rêves de Ligue des champions. En attendant la fin de la construction, en janvier, du nouveau Rhein-Neckar Stadion de 30 000 places à Sinsheim, l'équipe dispute ses matchs de championnat en exil à Mannheim. Même l'exigu stade local n'en pouvait plus des succès du 1899 Hoffenheim.