Comme bien des intervenants, Samuel Piette, Patrice Bernier et Marie-Ève Nault ont été surpris par la décision de l'Association canadienne de soccer (ACS) de remplacer Octavio Zambrano par John Herdman à la tête de l'équipe masculine.

«C'est un choc pour nous parce qu'il a amené des résultats, que le camp d'entraînement à Montréal s'était bien passé et qu'on a eu une très bonne séquence lors de la Gold Cup. C'est dommage que ça s'arrête maintenant», a indiqué Piette en entrevue.

La nouvelle, tombée lundi soir, a mis un terme à un mandat qui n'aura duré que 10 mois. Dans le communiqué, le président de l'ACS, Steve Reed, s'est montré avare de détails concernant le départ de l'Équatorien de 59 ans. Plusieurs médias ont cependant dévoilé que Zambrano était loin de faire l'unanimité dans certaines sphères de l'Association. Une source anonyme relayée par Sportsnet a carrément estimé que son travail était un «désastre». 

Vu du terrain, le jugement est différent. «Il donnait beaucoup de confiance aux joueurs. Tu avais envie de jouer pour lui et de faire les efforts nécessaires, a expliqué Piette, milieu de terrain défensif de l'Impact et de la sélection. À la Gold Cup, les gens ont vu qu'on avait offert du football un peu plus offensif. On avait plus de liberté sur le terrain.»

En moins d'un an, le Canada est passé du 15e au 10e rang de la zone CONCACAF. Sous sa conduite, l'équipe a présenté un bilan de 3-2-2 et atteint les quarts de finale de la Gold Cup. Au passage, elle a réussi à obtenir des matchs nuls contre le Costa Rica et le Honduras. 

Contrairement à ses prédécesseurs, Zambrano a souvent été aperçu à Montréal, où la sélection a même disputé un camp préparatoire, puis un match amical, avant la Gold Cup. Il s'est appuyé sur plusieurs joueurs de l'Impact, dont Anthony Jackson-Hamel, Maxime Crépeau et Bernier, qui a effectué un ultime tour de piste en sélection. 

Le néo-retraité se rappelle les efforts déployés par Zambrano pour développer les jeunes joueurs. «Il voulait qu'ils fassent des matchs dans la CONCACAF le plus tôt possible afin d'être bien préparés avec l'équipe senior. C'était rafraîchissant de voir quelqu'un qui voulait faire avancer les choses. Son projet était intéressant. Je crois qu'il a redoré le blason de l'équipe canadienne ou, du moins, redonné un peu d'optimisme à la sélection.»

Sur son compte Twitter, le principal intéressé a promis de donner plus de détails dans le cadre d'une conférence de presse. Il a toutefois retweeté un message dans lequel une internaute soulignait que Zambrano avait été écarté en raison de sa volonté de changer les choses et de ne pas suivre la culture déjà en place.

Rappelons qu'il avait été nommé par Victor Montagliani, le prédécesseur de Reed, qui est aujourd'hui à la tête de la CONCACAF.



«Un homme attentif aux détails»

Plus que le départ de Zambrano, c'est la nomination de Herdman, jusqu'ici avec l'équipe féminine, qui est intrigante.

Sans faire la moindre prospection au Canada ou à l'étranger, l'ACS a jugé qu'elle possédait le candidat idéal dans ses propres rangs. En poste depuis 2011, il a permis à l'équipe féminine de remporter deux médailles de bronze lors des Jeux olympiques de 2012 et de 2016. Il a aussi revitalisé la relève canadienne.

«C'est un homme qui est vraiment très attentif aux détails. Il y avait beaucoup de préparation avec une ou deux réunions par jour, a raconté l'ex-joueuse Marie-Ève Nault, qui l'a côtoyé de 2011 à 2017. Il mettait beaucoup d'accent sur la préparation physique, la préparation mentale ou la nutrition. Pour lui, on était davantage des êtres humains que des joueuses. C'est l'un des très bons orateurs et motivateurs que j'ai eu la chance d'entendre.»

Herdman découvrira un nouveau volet après un long séjour avec la sélection féminine de la Nouvelle-Zélande (2006-2011), puis une parenthèse de sept ans avec les Canadiennes. Sur les réseaux sociaux, les joueuses ont d'ailleurs difficilement encaissé la nouvelle.

Christine Sinclair a indiqué être «sans mots», tandis que Diana Matheson a avoué être «triste». Toutes ont été surprises par ce changement qui est extrêmement rare dans les sports collectifs. Cela dit, cette transition trottait dans l'esprit de Herdman depuis un certain temps même s'il avait initialement ciblé 2020, c'est-à-dire après les prochains Jeux olympiques. 

Comment son inexpérience chez les hommes sera-t-elle accueillie? «Peu importe son passé, chaque entraîneur doit faire ses preuves. Qu'il ait entraîné des femmes avant, c'est peut-être différent, mais ça ne veut évidemment pas dire que c'est négatif. C'est un nouveau départ pour lui, autant que pour nous», a répondu Piette.

«John connaît vraiment beaucoup son soccer. Tactiquement, c'est un maître du jeu et je n'ai pas de doute sur sa capacité à bien préparer l'équipe, a ajouté Nault. Les gars vont devoir faire confiance à son plan à long terme parce que ça reste du soccer. Ce sera peut-être différent de livrer le message comme il le faisait avec nous. Est-ce que les gars vont autant embarquer? Ça reste à voir, mais s'ils veulent avoir du succès, pourquoi ne pas croire en lui?»

La responsabilité de Herdman, qui sera remplacé par Kenneth Heiner-Moller, s'étend au-delà de la gestion de l'équipe senior. Comme avec le volet féminin, il chapeautera toutes les sélections nationales à partir du niveau U14 et devra mieux harmoniser les groupes d'âge. 

«L'ACS connaît sa façon de faire et a confiance en lui. Elle a vu ce qu'il a fait d'un bord, alors elle se dit qu'il peut faire la même chose, a souligné Bernier. Ce serait très positif s'il pouvait relancer le programme masculin, afin que ce soit plus compétitif et plus organisé sur tous les plans.»

Photo Eugenio Savio, archives Associated Press

John Herdman