Qu'ils aient déjà trouvé une place ailleurs ou non, d'anciens joueurs du FC Montréal consultés par La Presse critiquent la façon dont l'Impact a mis un terme à l'existence de sa filiale USL. Autant que la décision, ils déplorent l'attitude de l'état-major montréalais, qui aurait trop tardé à les mettre au parfum.

Petit retour en arrière: au mois de novembre, les joueurs du FC Montréal partent chacun de leur côté, convaincus qu'une troisième saison dans la USL les attend. C'est, après tout, ce qui leur a été officiellement annoncé quelque temps plus tôt. Mais durant cette trêve d'entraînements, des nouvelles commencent à parvenir à leurs oreilles.

«Après une semaine et demie de vacances, un agent m'a dit qu'il n'y aurait plus de FC Montréal et qu'en parlant avec d'autres clubs, il avait su que le calendrier se faisait sans notre équipe, indique le milieu de terrain Mastanabal Kacher. Comme mon nom circulait, il m'a demandé si je voulais travailler avec lui pour qu'il aille de l'avant dans les négociations. Au début, je ne le croyais pas trop et je n'en ai pas parlé à personne du FC Montréal.» 

«À la mi-novembre, je reçois un appel d'un entraîneur [d'un autre club] qui me fait une offre en conseillant de ne pas trop attendre. Selon lui, des gens de l'Impact le savaient, mais ils ne voulaient pas encore l'annoncer.»

Ses interlocuteurs se basaient-ils sur des faits ou sur des rumeurs? Il n'a pas été possible de parler au directeur technique Adam Braz, hier, mais selon l'Impact, l'issue de ce dossier ne s'est réellement réglée que dans les dernières heures de la saison du bleu-blanc-noir, à la fin du mois de novembre. Les joueurs auraient ensuite été avertis de la situation, trois ou quatre jours avant le bilan de fin de saison de Joey Saputo et de Braz, le 9 décembre.

«On a tenu pour acquis que les pros étaient en séries et que ce n'était pas le temps de tout chambouler alors qu'ils connaissaient une merveilleuse saison. C'était tout à fait vrai, mais ce qui est plus problématique, c'est la façon dont les joueurs [du FC Montréal] l'ont perçu. Les jeunes ont tout donné à l'Impact pendant cinq ou six ans. Moi, j'étais là depuis la création de l'Académie», souligne l'arrière droit Simon Lemire, qui déplore d'avoir initialement entendu la nouvelle à travers des rumeurs et le bouche-à-oreille. 

«C'est dommage qu'on l'apprenne aussi tard et qu'on nous prenne à la légère. [...] Qu'ils prennent cette décision, je n'ai aucun problème avec ça, mais au moins, qu'ils nous l'annoncent dès ce moment-là.»

Fury d'Ottawa

Dorénavant, l'Impact sera associé au Fury d'Ottawa (USL) plutôt que de compter sur sa propre équipe à domicile. Les meilleurs éléments de l'Académie passeront directement des moins de 18 ans à la première équipe sans transiter par la case USL. L'analyse de Joey Saputo est simple: il est souhaitable, selon lui, de se concentrer uniquement sur des joueurs proches de la MLS plutôt que sur un groupe complet d'une vingtaine d'éléments. Plusieurs clubs de MLS ont opté pour cette stratégie dans les dernières années.

«Ça, c'est sa mentalité à lui. Si on regarde le foot en Europe, il n'y a aucun président qui va dire ça. Ils vont rire de lui, quasiment. M. Saputo a fait énormément pour nous et j'ai un grand respect pour lui, mais le soccer n'est pas une science exacte, avance Kacher. Tu peux en avoir huit qui vont sortir, comme chez le FC Dallas ou en Europe. Le but n'est pas de former une équipe pour que 20 ou 40 joueurs viennent dans ton club. C'est de les former, les revendre, et que Montréal devienne un marché de soccer.»

Le mandat du FC Montréal était clair depuis son lancement, en 2014. Plus que la recherche de bons résultats, la jeune équipe était dans une logique de développement. La saison 2016, en USL, a permis à Ballou Jean-Yves Tabla de montrer son niveau parmi les professionnels. Louis Béland-Goyette a retrouvé une place avec l'Impact en ayant connu une nette progression dans les derniers mois. À Ottawa, il n'est pas évident que les Montréalais présents dans l'effectif seront placés dans d'aussi bonnes conditions.

«L'Impact m'a donné une solution envisageable avec le Fury, mais il n'y avait pas de temps de jeu garanti. C'était plus sous forme d'essai. Maintenant, il faut faire nos propres démarches pour trouver un nouveau club, ce qui n'est pas évident. Tu as l'intention de passer une autre saison en USL et, tout d'un coup, ton rêve prend fin et tu dois vite trouver autre chose, explique Lemire, qui réserve de bons mots à l'endroit du personnel du FC Montréal et de l'Académie. Le club a accepté de nous donner dix entraînements sur le terrain du cégep Marie-Victorin pendant deux semaines [en janvier]. Mais, à partir de maintenant, on est pas mal laissés à nous-mêmes pour de bon.»

Déjà le début des camps

Alors que les camps d'entraînement s'amorcent dans quelques jours, en USL, certains ex-pensionnaires du FC Montréal ont déjà trouvé un nouvel employeur. Le milieu défensif Marco Dominguez poursuivra sa carrière avec le FC Cincinnati tandis que Kacher a été recruté par les Switchbacks de Colorado Springs. Lemire a aussi reçu quelques propositions dans les dernières semaines. Il reste que ce ne sont pas tous les joueurs qui auront le même traitement.

«C'est vraiment une sale période pour les joueurs. Moi, j'ai eu un peu de chance, mais je me mets à la place de ceux qui cherchent encore un club et qui n'ont pas beaucoup joué en USL, indique Kacher. Il y en a qui n'ont pas eu le temps de faire leurs preuves et qui attendaient beaucoup de leur deuxième ou troisième année. [...] Si j'avais un conseil à donner aux U16 ou aux U18, ce serait de trouver une université aux États-Unis, d'essayer d'avoir accès au repêchage et de se donner des chances.»

«On a toujours eu cette illusion de dire non aux options extérieures et de viser l'Impact, ajoute Lemire, qui a énormément travaillé physiquement au cours des dernières semaines. Je n'ai jamais eu l'occasion de me dire: "Je vais tenter ma chance ailleurs", parce qu'on nous menait tranquillement vers l'Impact. Aux jeunes joueurs de l'Académie, je dirais de ne pas fermer les portes de l'extérieur et de garder des objectifs clairs. Ça peut être des universités américaines ou d'autres clubs en USL et en MLS. Par contre, il ne faut pas partir simplement pour se dire de partir.»

Photo Robert Skinner, La Presse

Joey Saputo, président de l'Impact