Malgré l'éloignement des grands centres urbains, General Baldissera n'échappe pas à la grande division qui règne en Argentine. Foi d'Ignacio Piatti, le plus célèbre représentant de ce village de 2000 habitants, il y aurait les partisans de Boca Juniors d'un côté et ceux de River Plate de l'autre. Lui a rapidement rejoint le premier camp et il a surtout rapidement fait le choix de se tourner vers le soccer.

L'histoire de Piatti commence dans ce coin tranquille de la province de Cordoba, situé à 450 kilomètres à l'ouest de la capitale Buenos Aires. C'est là, dans le Club Mitre de General Baldissera, que Nacho dispute ses premiers matchs organisés sous les regards bienveillants de ses parents. Oscar et Beatriz cultivent alors le soja et le maïs, en plus de posséder des vaches.

«Depuis que je suis petit, ils m'ont toujours soutenu, explique le joueur désigné de 29 ans. Mon père m'amenait à plein de tournois à l'étranger, en Uruguay, au Chili, avec la sélection de la province de Cordoba. J'ai reçu toute l'aide nécessaire. Même à 14 ans, quand je suis parti jouer à Rosario, ils ont continué à m'appuyer.»

Piatti ne passe qu'une seule année à Rosario, dans le club de Newell's Old Boys, avant de rentrer à General Baldissera, miné par l'ennui et le mal du pays. Mais après un passage par le CA Talleres, le jeune homme est prêt à voir quelques centres de formation dans le monde.

Succession d'auditions

Première escale: l'Italie, où il rencontre son compatriote et idole Gabriel Batistuta, qui a notamment fait les délices de la Fiorentina et de la sélection argentine dans les années 90. «En 2002, je suis allé à l'AS Rome pour effectuer un essai de 15 jours grâce à une invitation de Batistuta. L'année suivante, j'ai passé deux semaines à Galatasaray (en Turquie) et, finalement, en janvier 2004, je suis allé à Nice», enchaîne Piatti. Parce qu'il ne possède pas - encore - de passeport européen ou parce qu'il ne convainc pas les évaluateurs, le jeune homme se retrouve finalement à la case départ après cette succession d'auditions.

À 18 ans, son avenir sportif s'annonce incertain, mais l'appel du pied de Chacarita Juniors, pensionnaire de la deuxième division argentine, change tout. Piatti prend le chemin de la banlieue de Buenos Aires pour y faire une rencontre marquante. «Chacun de mes entraîneurs m'a appris quelque chose, mais c'est Néstor Clausen, qui m'avait vu avec Chacarita Juniors, qui m'a permis de jouer avec l'équipe première. Sans lui, peut-être que je ne serais pas en train de jouer au soccer aujourd'hui. C'est difficile d'arriver en première division un jour si un entraîneur ne te donne pas la chance ou si ce n'est pas le bon moment. Il y a tellement de bons joueurs en Argentine qui n'y arrivent pas à cause de ça.»

Avec l'aide de Clausen, Piatti est non seulement une révélation en deuxième division, mais il gagne un billet pour l'Europe, une obsession depuis son premier essai à Rome.

Retour en Europe

C'est alors à Saint-Étienne, en 2006, qu'il vit sa première réelle expérience à l'étranger. Pour le jeune homme de 20 ans, le choc est énorme et, en une année, il ne parvient à disputer qu'un seul match de Ligue 1. Il réfute cependant l'idée d'une année perdue. «Cela reste une belle expérience malgré tout. J'étais jeune et j'ai appris à jouer un autre type de (soccer) contre des joueurs grands et très physiques. Cela jouait à une ou deux touches de balle, alors que moi, j'aimais tenir le ballon plus longtemps. J'ai appris à le lâcher plus rapidement.»

Sa deuxième expérience sera davantage une réussite, en 2010. En débarquant à Lecce, dans le sud-est de l'Italie, Piatti n'est ni le même homme ni le même joueur. Derrière lui, il possède maintenant une expérience de la première division argentine à Gimnasia LP et Independiente. Il a même failli se joindre à Boca Juniors. «Lecce était un club qui tentait de se maintenir (en première division) et l'entraîneur était très défensif. J'ai beaucoup joué la première année, mais un peu moins la saison suivante, dit-il. Mais c'était agréable de se retrouver dans les grands stades italiens à Turin, à Milan ou à Rome. Et j'ai aussi affronté les meilleurs tels Ronaldinho, Andrea Pirlo, Zlatan Ibrahimovic et Marco Di Vaio.» Il a aussi fait connaissance avec des entraîneurs à la gestion parfois étonnante. Après un mauvais choix de jeu à Naples, il a ainsi subi les foudres de Luigi De Canio et a été confiné à un rôle de spectateur pendant... de longs mois.

Photo Toru Yamanaka, archives AFP

En Italie, Ignacio Piatti a rencontré son compatriote et idole Gabriel Batistuta.

Les folles années

En matière de résultat et de passion, le plus beau chapitre de Piatti a été écrit à San Lorenzo lors des deux dernières années. Avec ses chevauchées sur le côté gauche - il a passé la majorité de sa carrière à droite ou dans l'axe - et ses coups francs spectaculaires, Nacho est rapidement entré dans l'histoire du Ciclón. Une place solidifiée par ses nombreux moments décisifs en Copa Libertadores.

«Nous avons eu deux bonnes années parce que le groupe s'est convaincu lui-même qu'il pouvait faire de grandes choses. Nous avons gagné le championnat (d'ouverture 2013), ce qui n'était plus arrivé depuis longtemps. Nous sommes aussi arrivés en finale de la Coupe d'Argentine, puis en abordant la Copa Libertadores, on était aussi convaincus que l'on pouvait la gagner. On s'est battus jusqu'au bout et le club a soulevé ce trophée pour la première fois.»

Pendant cette épopée continentale, Piatti était en contact avec divers clubs, dont l'Impact, qui lui faisaient la cour depuis de nombreux mois. Par des messages textes, l'ancien directeur sportif Nick De Santis était en communication constante et directe avec le joueur.

Dans un monde idéal, l'Impact aurait aimé l'accueillir immédiatement après la fin de saison en Argentine, le 19 mai. Mais voilà, chaque bon résultat en Copa Libertadores a retardé l'échéance jusqu'à l'extrême limite du marché des transferts, à la mi-août. «Je suis très reconnaissant, car c'étaient des matchs très importants pour ma carrière», de dire Piatti.

Il n'a cependant pas mis de temps à s'acclimater au contexte de la MLS et à ses nouveaux partenaires offensifs. «J'aime venir aux entraînements et tout le monde m'a bien accueilli: les joueurs, le personnel technique, le public, les dirigeants... Je me suis senti très à l'aise dès le début et c'est pour cela que j'ai pu faire de bons matchs et marquer des buts rapidement. Sans tout cela, cela aurait été certainement plus difficile», conclut-il.

Photo Norberto Duarte, archives AFP

Ignacio Piatti a connu de nombreux moments décisifs en Copa Libertadores, en août dernier.