Le fair-play financier de l'UEFA a fait ses premières victimes d'envergure, cette année. Comment les clubs composent-ils avec cette nouvelle donne économique? Portrait de la situation en quatre questions.

Quels ont été les clubs sanctionnés en 2014?

Neuf clubs ont subi les foudres de l'UEFA depuis la conclusion de la Ligue des champions 2013-2014: Bursaspor, Trabzonspor et Galatasaray (Turquie), Anji Makhachkala, Rubin Kazan et Zenit St-Pétersbourg (Russie), Levski Sofia (Bulgarie), Manchester City (Angleterre) et le Paris Saint-Germain (France). En raison de la stature des deux clubs, ce sont les sanctions décernées aux Anglais et aux Français qui ont marqué les esprits: contrôle des transferts, encadrement de leur masse salariale, limitation du nombre de joueurs en Ligue des champions (21) et une amende de 85 millions étalée sur trois ans.

«Dans l'ensemble, j'ai été surpris de la rapidité des sanctions, mais pas par l'ampleur parce que c'est en ligne avec ce qu'ils avaient annoncé, indique Frank Pons, professeur au département de marketing à l'Université Laval et chroniqueur au magazine France Football. Au niveau du PSG (Paris Saint-Germain), le gros noeud était les 250 millions en commandite versés par l'Autorité de développement du tourisme du Qatar pour pas grand-chose en retour. J'ai trouvé que la réaction et la prise de sanctions avaient très rapides pour un dossier qui n'est pas si évident. Ce n'est pas si facile de faire la preuve que la commandite était surpayée.»

Ce mois-ci, l'UEFA a indiqué qu'elle enquêtait sur une nouvelle série de clubs: Monaco, l'AS Roma, Besiktas, l'Inter Milan, Krasnodar, Liverpool et le Sporting Portugal.

Comment les clubs peuvent-ils contourner le fair-play financier?

On l'a vu avec le cas parisien, l'UEFA a rapidement émis des balises aux contrats de commandite gonflés artificiellement qui permettent d'accroître les revenus. Depuis, Manchester City a investi dans trois équipes, notamment à New York. À tort ou à raison, le cas de Frank Lampard, prêté aux Citizens après avoir été acquis par le New York City FC, a fait sourciller quelques concurrents. Mais suivant la même logique, rien n'empêche maintenant l'une des filiales d'acquérir un joueur d'impact afin de le prêter gratuitement à Manchester.

«Il y a toujours des moyens de contourner, mais le fair-play financier est quand même assez prompt à réagir, réplique M. Pons. Je ne suis pas sûr que la tactique dans l'an 1 soit encore valable très longtemps. À part l'achat de filiales, je ne vois pas beaucoup d'autres façons de contourner le système. La meilleure tactique était les accords de commandite, qui sont difficiles à mesurer.»

Cet été, les clubs sanctionnés ont aussi dû se tourner vers des prêts avec option d'achat. Une façon de différer cet achat tout en recrutant le joueur immédiatement.

Comment les clubs ont-ils réagi aux sanctions?

Des neuf clubs récemment touchés par les sanctions, aucun n'a décidé d'en appeler devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Il y a bien eu quelques critiques, mais aucune menace concrète ou déclaration de nature à annoncer un désaccord violent entre les clubs et l'UEFA. Par contre, le PSG, qui n'a pas pu recruter Angel Di Maria en raison des sanctions, milite pour un assouplissement.

«On respecte ces règles, mais on souhaite discuter avec l'UEFA en octobre pour essayer de les faire changer un peu. Sinon, les investisseurs ne viendront plus dans le (soccer), ils iront dans d'autres sports, comme la Formule 1», indiquait récemment son président, Nasser Al-Khelaïfi, dans Le Parisien. À Manchester, ce sont les partisans qui se sont joints à une procédure lancée par un agent belge auprès de la Commission européenne et des tribunaux de Belgique. Selon eux, le fair-play est en contradiction avec les règles européennes en matière de libre concurrence. De manière générale, on constate donc un manque de réaction chez les clubs face à ces contraintes.

«Il y a des clubs comme Arsenal qui ont, depuis longtemps, considéré que le fair-play allait être la norme. Les autres n'ont pas vraiment changé ou engagé des spécialistes pour contourner le fair-play financier. Ils se sont plus conformés en acceptant les décisions», précise M. Pons.

La portée du fair-play financier est-elle limitée?

La base du fair-play est d'assainir les finances des équipes en les obligeant à ne pas dépenser plus qu'elles ne gagnent. En théorie, cela pourrait permettre l'instauration d'une parité sportive pour les équipes concernées par les Coupes européennes. Sauf que, dans les faits, l'idée est surtout porteuse d'immobilisme. Selon les partisans de Manchester City, le fair-play empêchera, par exemple, de revoir la trajectoire suivie par leur équipe ou celle du PSG.

«On a beaucoup investi... Payer en plus des amendes, cela n'aurait aucun sens», déplorait le vice-président de l'AS Monaco, Vadim Vasilyev, dans les colonnes de L'Équipe. Pour tenter de se conformer au fair-play - entre autres raisons, le club monégasque a ainsi opéré un virage à 180 degrés après plusieurs mercatos d'investissements massifs. Les clubs de second ordre n'ont désormais même plus l'ambition de pouvoir rivaliser avec les monuments européens bien connus, résume Pons. «Le fair-play ne bénéficie pas aux petits, mais plutôt à un groupe plus ou mois large de clubs. On empêche les gros d'investir beaucoup, mais on n'aide pas les petits non plus. L'UEFA aurait pu rester ouvert et accepter tous les investissements financiers en ayant des critères minimums, mais elle ferme la porte vers le haut.»

À noter que le fair-play ne prend pas en compte les dettes accumulées avant le début de son application.