Tout jeune milieu de terrain, Patrice Bernier avait profité de l'hiver 2001-2002 pour s'entraîner durant quelques mois dans le sud de la France. Au terme d'une dernière saison avec l'Impact, le futur capitaine avait ensuite mis le cap vers la Norvège avant de découvrir les championnats allemand et danois ainsi que les coupes européennes. Pour La Presse, celui qui a failli s'engager avec le club turc de Besiktas est revenu sur ses premiers mois en Europe et sur les difficultés qui attendent un joueur canadien qui veut s'y imposer.

Q: Comment s'est déroulée ta première expérience en France?

R: Je suis allé à Grabels, près de Montpellier, pour faire quelques entraînements, puis pour faire des essais à Montpellier ou au niveau national. Cela ne s'est pas produit. C'était quand même bien de voir comment c'est là-bas. Il y a pas mal de talent, en France. J'y suis resté en décembre 2001, puis de janvier à la fin avril 2002. L'objectif était que ça débouche sur un club professionnel, mais la personne qui m'avait emmené était du type à penser à son avantage plutôt qu'au mien. Je ne faisais que m'entraîner à Grabels et ça n'avançait pas. J'étais jeune et j'avais toujours l'espoir que ça aboutisse sur ce que la personne avait promis: Bordeaux, Toulouse... Finalement, je suis retourné avec l'Impact parce que je perdais mon temps, là-bas.

Q: En 2003, ta première expérience professionnelle en Europe a été au Moss FK, en deuxième division, en Norvège. Comment le contact s'est-il fait?

R: Par l'entremise d'un agent canadien, j'ai pu avoir un essai là-bas au mois de février. En une semaine, j'ai joué deux fois, même si je savais, dès la fin du premier match, qu'il voulait m'embaucher. Après, j'ai obtenu mon contrat, je suis revenu prendre quelques affaires chez moi et j'ai entamé la présaison avec eux. Comme dans la MLS, la saison s'étale de mars à octobre-novembre.

Q: Qu'as-tu ressenti au moment d'aller en Europe? C'est un gros changement pour un jeune joueur...

R: J'y suis allé avec l'appréhension de me dire qu'il fallait apprendre la langue. Je me disais que, peut-être, ils n'allaient pas me comprendre et j'espérais qu'une ou deux personnes parleraient (le français). Heureusement, tout le monde le parlait assez bien. Aller en Europe, c'était un grand départ. On parle toujours de l'Angleterre, de la France, de l'Italie, de l'Espagne ou de l'Allemagne, mais il y a d'autres pays, comme le Portugal, les Pays-Bas ou la Scandinavie. Je ne savais pas à quoi m'attendre puisque je ne connaissais pas le championnat norvégien. Cela s'est bien passé puisque, un an et demi plus tard, ils m'ont vendu à un club de première division (Tromsø).

Q: Comment est-on perçu lorsqu'on est un joueur canadien en Europe? Disons qu'il n'y a pas l'a priori positif que peuvent avoir les joueurs de certains pays...

R: C'est sûr que le mot «Canadien» n'est pas forcément associé au football. Mais dès que tu t'entraînes et que tu attires l'oeil, ton passeport ne compte plus trop. Les deux ou trois premiers jours s'étaient bien passés, et l'attaquant canadien Rob Friend était arrivé un peu avant moi. Peut-être a-t-il eu de bons mots à mon sujet. Au début, par contre, on est un étranger qui prend la place d'un joueur local. Ce n'est pas facile, mais si tu joues bien, ton nom commence à circuler. Avec le passeport canadien, tu te bats avec les Européens, les Sud-Américains, les Africains et, maintenant, beaucoup de joueurs asiatiques. Les clubs européens préfèrent aussi les joueurs d'Amérique centrale. Ce sont des pays de football, qui ont une meilleure réputation.

Q: Avec le recul, quels conseils donnerais-tu à un jeune joueur qui veut vivre l'aventure en Europe?

R: C'est bien beau de s'aventurer dans les troisième ou quatrième divisions des pays importants, mais c'est difficile de percer, sauf peut-être pour un attaquant. Si tu marques des buts, cela peut aller vite, comme l'a montré Olivier Occéan (en Allemagne). Mais si tu es milieu de terrain, défenseur ou gardien, à moins d'être très jeune, c'est mieux d'aller dans un championnat plus petit et de se faire un nom. Je pense à Atiba Hutchinson, qui est allé en Suède, au Danemark, aux Pays-Bas et maintenant en Turquie. C'est plus facile de se vendre, dans ce contexte. On a tous le rêve de partir en Europe, mais avant tout, il faut faire le bon choix de carrière.