Le sport est parfois ironique. La France a beau se targuer de lutter contre les inégalités socioéconomiques, son championnat de soccer est probablement la ligue professionnelle la plus inégale du monde. Au point où même les entraîneurs adverses admettent qu'ils connaissent, avant même le début de la saison, l'identité du futur champion: le Paris Saint-Germain (PSG).

Le PSG a commencé sa saison avec un étonnant match nul de 2-2 contre Reims, le week-end dernier. Sur le terrain, 11 joueurs de chaque côté. Mais là s'arrêtent les comparaisons: le budget annuel du PSG est de 500 millions d'euros, contre 32 millions pour son premier adversaire de la saison. Le plus proche adversaire du PSG, l'AS Monaco, dispose de 170 millions d'euros, soit environ trois fois moins.

Résultat: il n'y a aucun suspense en ce qui concerne le prochain champion de France. «Paris va encore survoler le championnat», résume Michel Der Zakarian, entraîneur de Nantes, cité dans Le Parisien. Un constat partagé par l'économiste Christophe Lepetit, du Centre de droit et d'économie du sport de l'Université de Limoges. «Le titre de la Ligue 1 semble promis à Paris. Le PSG semble complètement au-dessus des autres clubs», a-t-il dit en entrevue à La Presse.

Pas de concurrence au pays



Le PSG n'est pas le seul club de soccer européen à disposer d'un budget annuel avoisinant le demi-milliard de dollars - dont environ 230 millions d'euros pour la masse salariale des joueurs. Mais en Angleterre, Manchester United, Arsenal, Chelsea, Liverpool et Manchester City ont tous les moyens de lutter pour la tête de la Premiership. En Espagne, le FC Barcelone et le Real Madrid ont les budgets les plus imposants de la Liga, remportée l'an dernier par l'Atlético de Madrid. Seule comparaison: la Bundesliga, en Allemagne, où le Bayern Munich a gagné les deux derniers championnats, comme le PSG en France.

À titre d'exemple, le budget annuel du PSG est 375% plus élevé que celui du club qui a le quatrième budget le plus imposant de la Ligue 1; à titre comparatif, on note un avantage de 40% pour Manchester United en Premiership, de 58% pour les Yankees de New York au baseball majeur et de 23% pour les Maple Leafs de Toronto, dans la LNH.

Comme la NFL (plafond salarial) et la NBA (taxe de luxe), la LNH possède un plafond salarial.

À long terme, la domination absolue du PSG et de ses vedettes Zlatan Ibrahimovic (Suède) et Thiago Silva (Brésil) fera-t-elle mal à la Ligue 1? «Une ligue où il n'y a plus d'incertitude sportive, ce n'est généralement pas très vendeur au plan économique, souligne l'économiste Christophe Lepetit. Mais l'incertitude ne se mesure pas qu'à couronner le champion de la ligue. En plus, 54% des revenus des équipes en France proviennent maintenant de la télé. En augmentant la visibilité internationale, le PSG et Monaco permettent à la Ligue 1 d'avoir de meilleurs revenus télé à l'international. La Ligue 1 est notamment très suivie en Suède et en Amérique du Sud, à cause des joueurs du PSG.»

Les dollars du Qatar



Comment le PSG est-il devenu aussi riche? En 2011, il a été racheté par le fonds d'investissement souverain du Qatar. Les nouveaux propriétaires ne cachent pas leur objectif: faire du PSG l'un des plus grands clubs de soccer du monde.

Trois ans plus tard, l'équipe dirigée par Laurent Blanc a beau être reine incontestée en France, elle regarde ailleurs. «La normalité pour le PSG sera d'être champion de France, indique l'économiste Christophe Lepetit. Tout autre résultat sera perçu comme un échec. Le vrai comparatif est plutôt la Ligue des champions, où le PSG a perdu en quart de finale au cours des deux dernières années contre Barcelone et Chelsea.»