Que ce soit avec le transfert record de Gareth Bale par le Real Madrid ou le milliard dépensé par les pensionnaires de la Premier League, les clubs européens ont allégrement sorti leur chéquier cet été. Alors que le fair-play financier se matérialise finalement, cette folie des grandeurs a de quoi étonner.

Lancé en 2009 par le président de l'UEFA Michel Platini, le fair-play financier oblige les équipes à ne pas dépenser plus qu'elles ne gagnent. Lors des premières années, des pertes bisannuelles de 5 millions d'euros (7 millions de dollars) seront toutefois tolérées, un chiffre pouvant s'élever à 45 millions d'euros (62 millions de dollars) si le président du club est en mesure de combler lui-même le déficit.

«Pour l'instant, le fair-play financier n'est pas respecté ou il est contourné par certains clubs, croit Frank Pons, professeur au Département de marketing à l'Université Laval et collaborateur au magazine France Football. Les clubs peuvent se dire qu'ils auront un déficit sur les transferts, mais qu'ils se rattraperont avec les revenus de marchandisage par exemple.»

Par cette grande mesure, l'UEFA souhaitait diminuer l'endettement des clubs de l'élite qui s'élevait à 8,4 milliards d'euros (11,6 milliards de dollars) en 2009-2010. Platini s'est déjà réjoui des premiers résultats montrant que les clubs européens ont diminué leurs pertes de 36% entre 2011 et 2012. Le fair-play financier est toutefois un concept aux contours mal définis avec lequel certains clubs ont déjà pu jouer. De façon peu subtile, Manchester City avait ainsi gonflé artificiellement ses revenus grâce à une commandite d'Etihad Airways s'établissant à 650 millions sur une période de 10 ans. Un montant largement au-dessus de ceux des autres grands clubs...

Détenu par un fonds d'investissement qatari, le Paris Saint-Germain s'est montré plus malin avec un nouveau modèle d'affaires. «Le PSG a augmenté son budget grâce aux 198 millions d'euros (275 millions de dollars) versés par l'Autorité de développement du tourisme du Qatar, indique Pons. Le directeur général, Jean-Claude Blanc, dit que ce n'est pas un contrat de commandite, mais un ensemble de choses. Oui, il y aura du visuel, mais il dit développer l'image du Qatar. Et développer une image sur plusieurs années, ça coûte aussi cher que ça. Cet argument est dur à détruire.»

L'autre grand flou demeure les sanctions que l'UEFA décernera aux coupables. L'Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) peut sévir par le biais d'avertissements, de gels de primes et, en dernier ressort, avec une exclusion de toutes compétitions européennes. En décembre dernier, cette instance a ainsi sévi à l'encontre de huit clubs, dont Malaga. Mais que se passera-t-il si le FC Barcelone, Chelsea ou l'AC Milan étaient concernés? La crainte de Pons est que l'UEFA ne «tapera que sur les petits ou les moyens».

«De 80 à 90% des revenus de l'UEFA viennent des droits de télédiffusion. Ils les ont grâce à Manchester United, Arsenal, le Bayern Munich, le Real Madrid ou le Barça, explique-t-il. Si tu empêches ces clubs de disputer les compétitions européennes, les revenus vont diminuer grandement. J'ai hâte de voir les sanctions données à ces gros clubs, sachant que ce sont eux qui fournissent les revenus et le spectacle.»

Loin de tout régler

Malgré ce contrôle des dépenses, l'UEFA ne réglera pas la différence de moyens entre les différents pays européens. Les clubs anglais profiteront par exemple de moyens colossaux en raison des droits télévisuels en forte hausse, cette année. La Premier League touchera 9 milliards de dollars lors de la période 2013-2016. L'UEFA ne pourra également pas assainir les comptes des équipes professionnelles sans un coup de pouce des différentes fédérations.

«Les pénalités ne seront qu'au niveau des compétitions européennes, rappelle Pons. Cela peut réguler un peu, mais cela ne réglera pas tous les problèmes des clubs qui font faillite en Espagne ou en Italie. Les instances nationales doivent faire ça.»

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LES TRANSFERTS DANS LES CINQ GRANDS CHAMPIONNATS

Angleterre

Dépenses: 1,033 milliard

Recettes: 375 millions

En dépensant plus de 1 milliard, les clubs de Premier League ont battu leur précédent record qui datait de l'été 2008 (820 millions). Il faut dire qu'ils bénéficieront d'un lucratif contrat de télévision.

Espagne

Dépenses: 550 millions

Recettes: 705 millions

Encore une fois, le Real Madrid et le FC Barcelone sont dans une catégorie à part en Liga, eux qui ont dépensé 323 millions, cet été. Gareth Bale (Real), Neymar (Barça) et Asier Illarramendi (Real) composent le podium des joueurs achetés à fort prix.

Italie

Dépenses: 550 millions

Recettes: 566 millions

Les clubs de Serie A peuvent remercier le Paris Saint-Germain qui a sorti 388 millions en 2 ans pour recruter des joueurs évoluant en Italie. Malgré les craintes initiales, Gonzalo Higuain, Carlos Tevez ou Mario Gomez évoluent désormais en Serie A.

France

Dépenses: 516 millions

Recettes: 303 millions

Le soccer «à deux vitesses» caractérise de plus en plus la Ligue 1 écrasée par la richesse du PSG et de Monaco. Cet été, ces deux clubs ont déboursé 388 millions, soit 75% de toutes les dépenses des 20 clubs.

Allemagne

Dépenses: 377 millions

Recettes: 295 millions

Les équipes de Bundesliga ont moins dépensé que celles des quatre autres championnats, même si la balance est négative de 82 millions. Le Bayern Munich (Mario Götze, Thiago Alcantara) et le Borussia Dortmund (Henrikh Mkhitaryan, Pierre-Emerick Aubameyang) ont été les plus dépensiers.

Source: Deloitte