Le recrutement de Clint Dempsey par les Sounders de Seattle a fait grand bruit, ces dernières semaines. Non seulement parce que le capitaine de l'équipe nationale américaine revenait à la maison dans la force de l'âge, mais aussi parce qu'il touchera un salaire habituellement réservé aux grandes vedettes internationales. "Énorme pour la ligue, mais 41 millions sur quatre ans alors que des gars touchent encore le salaire minimum...», a estimé Amobi Okugo, membre de l'Union de Philadelphie, dans un tweet relayé par d'autres joueurs, dont Jordan Harvey et Andrew Wenger.

Lors de la dernière mise à jour faite par le syndicat des joueurs, le 1er août, 61 recrues empochaient le salaire minimum, soit 35 125$ par année. Entre le début d'une carrière professionnelle à faible revenu et un autre métier qui pourrait rapporter davantage, ces diplômés universitaires - pour la plupart - choisissent de réaliser leurs rêves.

Chez l'Impact, Wandrille Lefèvre personnifie cette situation. Âgé de 24 ans, le défenseur central est en passe d'obtenir son titre de comptable professionnel agréé (CPA), mais pour l'instant, seul l'Impact occupe ses pensées.

«C'est d'abord mon rêve, puis il y a un certain confort de vie de pouvoir se lever et de se dire que l'on va jouer au soccer, explique-t-il. C'est ma passion et c'est finalement un jeu plutôt que de passer huit ou neuf heures enfermé dans un bureau. Ici, je peux exprimer mes émotions, et cela reste deux heures d'entraînement. Et après, on a un peu plus de temps libre.»

Évidemment, le salaire grimpe au fur et à mesure que le joueur acquiert de l'expérience et que son rôle change. Karl W. Ouimette est ainsi passé de 33 750$ à 46 500$ en l'espace d'un an. De son côté, Jeb Brovsky, titulaire indiscutable en défense, est passé du salaire minimum en 2012 à 84 000$ cette saison. C'est aussi la trajectoire qu'espère suivre Lefèvre, quitte à faire un petit sacrifice actuellement.

«C'est un pari de dire: cette année, je suis à ce niveau-là, puis après, c'est entre mes mains. À partir du moment où j'ai mis un pied à l'intérieur de la ligue, j'ai la chance de me montrer chaque jour à l'entraînement et lors des matchs. Ensuite, le jour viendra où je pourrai aller devant les patrons et montrer ce que j'ai fait en disant que cela mérite plus. Mais je n'en suis pas encore là.»

Une nette amélioration

La MLS a fait des bonds de géant sur le plan de la rémunération de ses plus jeunes éléments. En 2006, certains joueurs (developmental players) ne gagnaient que 11 700$ par saison. L'année suivante, être repêché en première ronde ne garantissait pas non plus une fortune. John Michael Hayden, choisi au 13e rang par le Dynamo de Houston, n'a engrangé que 17 700$ lors de ses débuts.

Les vétérans se souviennent du temps où un deuxième emploi était souvent nécessaire pour joindre les deux bouts. «Je touchais un salaire mensuel de 850$ avant impôts pendant neuf mois, se souvient Troy Perkins, sourire en coin. J'ai dû faire pas mal de choses: j'entraînais et je travaillais 25 heures à côté pour payer le loyer et la nourriture.»

Plusieurs joueurs avaient même refusé de se joindre à la MLS pour mettre le cap vers l'Europe et, parfois, la USL. De son côté, Perkins avait songé à explorer d'autres avenues lors de sa deuxième année avec DC United, en 2005.

«Ma femme étudiait dans une faculté de médecine et je me disais: ce salaire n'est rien par rapport à ce que je pourrais faire en ayant un emploi régulier. Mais on fait notre métier de joueur de soccer parce qu'on l'aime et pas pour l'argent, même si cela aide.»

Comme un grand frère taquin, Perkins, 32 ans, dit «secouer la tête» quand il entend certaines recrues se plaindre de leurs premiers contrats. Plus sérieusement, il estime que le contexte va être plus favorable dans les prochaines années.

«Cela progresse et je pense que la prochaine convention collective va encore améliorer les choses. Quand on voit la somme dépensée pour Dempsey, l'argent est là, et s'il y a une volonté de réinvestir dans le développement des joueurs, il y aura de meilleurs contrats.»

En attendant, Lefèvre ne se formalise pas du contrat de Dempsey, dont le salaire garanti est 143 fois plus élevé que le sien. En homme de chiffres, il comprend bien la loi de l'offre et de la demande et la nécessité de regarder sa propre situation sur une longue période.

«C'est sûr que je préfèrerais toucher 5 millions plutôt que 34 000 ou 35 000$. Mais s'il les a, c'est qu'il a fait des choses pour les mériter, selon le marché. Je ne fonctionne pas par jalousie, et c'est à moi de faire ce qu'il faut pour atteindre mon maximum.

«À l'heure actuelle, l'argent ne me préoccupe pas puisque j'ai assuré mon avenir avec un diplôme aux HEC et que je suis en train de passer mon titre de CPA. Je n'ai pas de souci pour mes 40 ans de vie active. Même si je fais un petit sacrifice pendant quelques années, je vais le rattraper sur le long terme.»

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Du terrain aux bureaux

Le stage d'expérience est une étape obligatoire dans l'obtention du titre de comptable professionnel agréé. Wandrille Lefèvre n'a pas eu à chercher bien loin pour l'effectuer, puisqu'il partage son temps entre les terrains verts et le bureau administratif de l'Impact. Il y a trouvé un cadre parfait avec des collègues qui comprennent sa réalité de joueur professionnel.

«J'ai une certaine latitude, car lorsqu'on voyage, je ne peux pas être présent dans les bureaux. Ce ne serait pas possible dans toutes les entreprises, et je suis content que l'Impact me permette de jouer sur les deux tableaux. Ce sont des gens super gentils, super compréhensifs et, quand je vais là-bas, je ne me présente pas comme un joueur, mais comme un stagiaire-comptable.»

Pas au point de porter une cravate, par contre...

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Trouver les joueurs les plus surpayés est un exercice incontournable lorsque les salaires des joueurs sont dévoilés. Sur ce plan, Digão, frère du joueur du Real Madrid Kaka, a battu tous les records puisque, malgré une rémunération de 200 000$, il n'a pas joué la moindre minute avec les Red Bulls de New York. Arrivé l'automne dernier, le défenseur central a finalement été libéré en juillet par la nouvelle direction new-yorkaise. On peut en déduire que la venue de Kaka à New York n'est plus qu'une lointaine rumeur et que l'appât de la famille n'a pas fonctionné...

220 943

Une étude réalisée par le blogue Sounderatheart, en début de saison, a encore montré que les attaquants étaient les joueurs les mieux payés dans une équipe. En moyenne, ils gagnent 220 943$ par saison, loin devant les gardiens, qui doivent se contenter de 85 504$. Fait étonnant, l'Impact a pu compter sur les deux gardiens avec les salaires les plus élevés, soit Donovan Ricketts (300 000$) et Troy Perkins (246 833$). En moyenne, en 2013, un défenseur gagne 110 661$ contre 128 631$ pour un milieu de terrain.

En plus du salaire de base, l'Association des joueurs dévoile un salaire garanti qui comprend tous les bonis reçus par le joueur pendant la durée de son contrat. Cela ne comprend toutefois pas les bonis à la performance. Marco Di Vaio est celui qui touche le boni le plus imposant: le joueur désigné de l'Impact double pratiquement son salaire, passant de 1 million à 1937 508$. Il devance Thierry Henry (Red Bulls) et Danny Koevermans (Toronto FC).

937 508

Le salaire de Clint Dempsey a donné droit à toutes sortes de spéculations, à l'image du tweet "erroné" d'Amobi Okugo, mais l'Américain touchera finalement 5 038 566$ annuellement jusqu'à la fin de la saison 2016. Il figure ainsi au quatrième rang des joueurs les mieux payés de l'histoire de la MLS, derrière David Beckham (6,5 millions), Thierry Henry (5,6 millions) et Rafael Marquez (5,5 millions). Il est toutefois en tête du classement des joueurs les mieux rémunérés en 2013.