Une enquête d'Europol d'une ampleur sans précédent a mis au jour l'existence de plusieurs centaines de matchs truqués à travers le monde, dont des rencontres de Ligue des champions, mettant en jeu l'intégrité du soccer.

«Il nous semble clair qu'il s'agit de la plus grande enquête de tous les temps sur des matchs truqués présumés», a déclaré le directeur d'Europol Rob Wainwright lundi lors d'une conférence de presse à La Haye, où siège Europol.

Ces trucages, répertoriés à partir de 2008, étaient liés à des paris sportifs. Un cartel criminel basé à Singapour est à la tête de ces opérations. Il a réalisé plus de 8 millions d'euros (10,8 millions $) de bénéfices dans le cadre des matchs truqués, pour une mise totale de 16 millions d'euros (21,6 millions $).

C'est un «cartel criminel sophistiqué et organisé» qui «travaille avec des relais en Europe», a ajouté M. Wainwright, assurant qu'il écrirait au président de l'UEFA Michel Platini pour lui transmettre les résultats de l'enquête, dont le monde du soccer «devrait prendre bonne note», a-t-il insisté.

L'UEFA a assuré en début d'après-midi que les résultats de l'enquête seraient passés en revue par les «instances disciplinaires compétentes afin que les mesures nécessaires soient prises».

En janvier, Interpol avait mis en garde le monde du soccer sur le fait que la corruption en son sein aide à financer d'autres activités criminelles comme la prostitution ou le trafic de drogues.

380 matchs identifiés

Dans un premier temps, quelque 380 matchs truqués ont été identifiés, principalement en Europe, dans lesquels environ 425 arbitres, dirigeants de clubs et joueurs, notamment, sont impliqués, a précisé à l'AFP l'enquêteur en chef de la police de Bochum (Allemagne), Friedhelm Althans.

La plupart des matchs truqués ont été joués dans les championnats turcs, allemands et suisses, a précisé Europol, mais d'autres rencontres à travers le monde sont concernées. Sur les 425 suspects, 151 vivent en Allemagne et 66 en Turquie.

Europol a notamment montré les images d'une rencontre internationale entre les «moins de 20 ans» argentins et boliviens en 2010 lors de laquelle un arbitre hongrois avait accordé un penalty plus que litigieux en faveur de l'Argentine lors des prolongations.

Deux rencontres de Ligue des champions, dont une sur le sol britannique, ont en outre été mises en cause, a précisé M. Wainwright, sans pour autant préciser de quelles rencontres il s'agissait. Quatorze rencontres de qualification pour la Ligue Europa, sont en outre concernées.

Le bénéfice le plus large réalisé par le réseau sur un seul match, 700 000 euros (948 000 $), l'aurait été dans une rencontre du championnat de première division autrichienne opposant le Red Bull Salzbourg à Hartberg. La date n'a pas été précisée.

Hormi ces quelques cas, Europol n'a de fait pas publié la liste des rencontres concernées, restant la plupart du temps très évasif sur les équipes impliquées.

L'enquête a été menée par les autorités allemandes, finlandaises, hongroises, autrichiennes et slovènes en collaboration avec Europol et a été soutenue par huit autres pays européens. Quatorze suspects ont déjà été condamnés, pour un total de 39 ans de prison, mais une centaine d'autres doivent encore comparaître.

300 autres rencontres?

Cette première enquête, désormais close, a révélé qu'environ 300 autres matchs auraient été truqués à travers le monde. Ils font l'objet d'une enquête.

M. Althans a mis en garde contre les conséquences d'un tel phénomène: des pertes pour les sociétés de paris sportifs et une atteinte à la crédibilité des clubs, des joueurs et du soccer en général.

«Des sommes d'argent allant jusqu'à 100 000 euros (135 000 $) par match ont été payées en liquide», a assuré M. Althans.

Ralf Mutschke, ancien directeur d'Interpol devenu le M. Sécurité de la FIFA, avait averti le 16 janvier qu'aucune région du monde n'était à l'abri des matchs truqués.

La nature internationale du problème est d'ailleurs notamment illustrée par l'affaire impliquant un homme d'affaires singapourien, Wilson Raj Perumal. Son nom avait été cité dans plusieurs affaires de corruption de premier plan, notamment en Afrique du Sud et au Zimbabwe, quand il a été condamné en Finlande en 2011 pour avoir acheté des joueurs du championnat national.