L'épidémie est encore circonscrite, mais elle a déjà fait sa part de victimes au cours des derniers mois dans les clubs de soccer européens.

L'infection se transmet par l'arrivée d'un propriétaire au nom exotique qui promet monts et merveilles à ses nouveaux joueurs et partisans. Dans les faits, les symptômes incluent plutôt des défauts de paiement et conduisent tout simplement à la relégation administrative ou au dépôt de bilan.

Le cas le plus frappant est celui de Neuchâtel Xamax, une équipe suisse fondée en 1970 affichant un palmarès marqué par deux titres de champions et quelques beaux parcours en Coupe d'Europe. En l'espace des neuf derniers mois, ces performances ont été balayées d'un revers de la main par l'arrivée du Tchétchène Bulat Chagaev.

Ses premiers gestes sont d'envergure: il congédie quatre entraîneurs en quatre mois, entraîne la démission du personnel technique, accumule les bras d'honneur en tribunes et menace même ses propres joueurs de mort à la mi-temps d'un match. La presse suisse se penche alors sur son passé pour en déterrer une carrière dans le monde du pétrole, en politique et dans l'immobilier. Le fil conducteur de son parcours? Des zones sombres qui vont aussi habiter Neuchâtel.

Car la chute est rapide. Pendant qu'il crie au complot, les poursuites judiciaires s'accumulent et les salaires tardent à être versés. Pour prouver sa solvabilité, il produit alors une attestation de la Bank of America qui sera jugée frauduleuse par la justice neuchâteloise. Chagaev est d'abord inculpé de faux dans les titres, puis poursuivi pour gestion déloyale. Après plusieurs retraits de points, le club est quant à lui exclu du championnat. Dissous par son conseil d'administration, il attend aujourd'hui un repreneur pour ressusciter en quatrième division.

Le cas du Racing Santander

Ce triste épisode illustre l'importance et la valorisation de l'arrivée des propriétaires étrangers au sein des équipes d'Europe de l'Ouest. Chaque partisan rêve de capitaux qataris ou russes pour faire basculer le club dans une autre dimension sportive et financière. Mais pour un Chelsea, un Manchester City ou un Paris Saint-Germain, combien de Neuchâtel Xamax jalonnent la route dans un vilain état?

La Liga n'échappe pas à cette dichotomie. Pendant que Malaga vise les premières places grâce à un cheik qatari, le Racing Santander doit se remettre du passage d'un homme d'affaires indien. En janvier 2011, après un échec avec les Blackburn Rovers, Ahsan Ali Syed a jeté son dévolu sur ce club modeste du nord de l'Espagne, habitué du milieu de tableau. La vente de 80% du club a été conclue entre soupçons de malversations et discours rassurants des sociétés financières tel le Crédit Suisse.

Ali Syed a promis alors d'éponger les dettes, d'investir massivement et de finalement concurrencer le FC Barcelone et le Real Madrid. Mais, comme à Neuchâtel, qutre mois plus tard, les salaires et les arriérés ne sont toujours pas versés. L'ancien propriétaire de Santander n'a pas plus vu la couleur de l'argent promis pour l'achat du club.

Un journal australien a finalement dévoilé que l'homme d'affaires est recherché par la police pour diverses escroqueries de près de 100 millions de dollars. Également recherché par Interpol, il est aujourd'hui introuvable tandis que le club lutte pour rester au sein de l'élite. Placé sous tutelle après s'être déclaré en faillite et dépourvu de conseil d'administration, le Racing risque même une rétrogradation en troisième division cet été.

Sans en faire la position officielle de l'UEFA, le président, Michel Platini, ne voit pas d'un bon oeil cette multiplication de propriétaires étrangers. Dans une entrevue au Daily Mail, il s'est notamment plaint de la perte identitaire des clubs concernés.

«Les partisans sont devenus la seule identité, car les joueurs, les entraîneurs, les propriétaires vont et viennent. Je n'adhère pas à cette tendance à multiplier les propriétaires étrangers. En Allemagne, ils ont une réglementation qui oblige les clubs à être allemands à 51% minimum.»

Après le fair-play financier, cela sera-t-il le prochain cheval de bataille de l'ancien meneur de jeu français?