En l'espace de cinq ans, le portrait du soccer canadien a complètement changé. Avec l'entrée de l'Impact dans la MLS, en 2012, le Canada comptera trois équipes au plus haut niveau, dont deux qui jouent dans leur propre stade de plus de 20 000 places.

La question est maintenant de savoir si l'essor de Toronto, Vancouver et Montréal rejaillira sur les performances de la sélection canadienne, dont la dernière participation à une Coupe du monde remonte à 1986. Avec, en première ligne, le travail de fond réalisé dans leurs différentes Académies.

«Non seulement cette situation va améliorer le niveau, mais je pense que c'est quelque chose d'énorme pour notre soccer, selon le milieu de terrain Terry Dunfield. Avec Montréal dans la MLS, cela permet d'avoir une nouvelle Académie pour développer d'autres jeunes joueurs. À ce niveau, Ashtone Morgan est l'exemple parfait.»

Ce défenseur de 20 ans, récemment convoqué pour la première fois en sélection, est l'un des six joueurs de l'Académie du Toronto FC à avoir signé un contrat avec l'équipe première. Ils sont quatre autres à avoir suivi un tel chemin chez les Whitecaps, dont le Québécois Philippe Davies.

Au total, plus de 200 joueurs fréquentent les trois Académies canadiennes. Trois ans après le TFC, les Whitecaps ont récemment revu leur copie en incluant trois nouvelles catégories d'âge. L'Impact a adopté une structure identique cet automne pour le lancement de son Académie. «En tant que club, nous avons une responsabilité envers le développement des jeunes, a rappelé le directeur sportif montréalais, Nick De Santis. Même si les centres nationaux ont fait du bon travail, il faut que les joueurs soient tout de suite placés dans une ambiance professionnelle et dans un climat de compétition. Il leur faut un défi physique et mental constant avec d'autres joueurs du même niveau.»

Même si le désir de rejoindre un centre de formation plus huppé en Europe est légitime, cette nouvelle voie d'apprentissage pourrait changer les mentalités. En fait, Dunfield, formé à Manchester City, croit que le changement s'est déjà opéré.

«Il y assurément un attrait pour les ligues européennes, mais un jeune Canadien peut maintenant espérer se développer et voir les bienfaits de jouer devant plus de 20 000 personnes ici. Cela peut ensuite être un bon moyen d'aller en sélection nationale. Cette option n'existait pas quand j'étais jeune, mais je suis certain que j'aurais aimé la choisir.»

Convaincu que l'on verra bientôt d'autres joueurs québécois dans la MLS, De Santis soutient que ce processus sera un travail à long terme. Selon lui, les effets se feront d'ailleurs sentir chez les joueurs aujourd'hui âgés de 13 ou 14 ans. «Lorsque les joueurs arrivaient au club à 18 ans, on voyait qu'il était déjà trop tard et qu'ils avaient pris certaines mauvaises habitudes, difficiles à corriger. Avec les joueurs de 13 ans, on pourra juger de la différence dans 5 ou 10 ans.»

Une histoire de quotas

Si Toronto possède un bon noyau de joueurs canadiens - Dunfield, Julian De Guzman, Adrian Cann -, Vancouver ne compte que sur Alain Rochat dans son alignement régulier. Et encore, le défenseur, natif de Saint-Jean-sur-Richelieu, possède également un passeport suisse. Il a d'ailleurs déjà porté le maillot de la sélection helvète.

«Si les joueurs ne jouent pas pour leur équipe première, cela ne nous servira pas à grand-chose, a indiqué le sélectionneur Stephen Hart. À l'heure actuelle, DC United (avec Dwayne De Rosario et Dejan Jakovic) en fait davantage pour notre sélection actuelle que d'autres clubs qui ne font pas jouer de Canadiens.»

Cette situation est, en partie, attribuable à la baisse des quotas de joueurs locaux au sein de chaque équipe canadienne. Avec la perspective de trois équipes en MLS, Vancouver et Toronto ont demandé à ce que le chiffre soit ramené de huit à trois. L'Association canadienne, malgré son désaccord, et la MLS ont finalement accepté.

«C'est une situation difficile, mais c'est ce qui arrive quand on est un visiteur dans une ligue étrangère. Ils font leurs propres règles», s'est désolé Hart.

«Ce chiffre n'a pas de sens. C'est grave. Il faut former des joueurs locaux et les faire jouer. Cela devrait être huit ou neuf minimum pour pousser le soccer canadien», a de son côté préconisé l'attaquant Olivier Occean.

Une rivalité comme vitrine

Déjà bien implantée grâce au Championnat canadien, la rivalité entre Montréal et Toronto sera également une excellente vitrine pour le soccer canadien. Une vitrine qui pourrait déclencher quelques vocations et que Hart rapproche de celle du triangle «Vancouver-Portland-Seattle».

Les joueurs du Toronto FC, dont Dunfield, ont déjà hâte de vivre ses moments marquants l'an prochain.

«La rivalité entre Vancouver et Toronto est déjà forte, mais le contexte est bon pour que celle entre Montréal et Toronto soit du même niveau. Je n'aime pas parler de hockey, mais ce serait intense si elle atteignait la moitié de la rivalité entre les Maple Leafs et le Canadien».