Accordons une petite pause à l'Impact cette semaine. Alors que l'équipe montréalaise peine à retrouver confiance en ses moyens, j'ai décidé de me pencher sur un autre sujet qui me tient grandement à coeur: la qualité du soccer au Québec et au Canada.

On entend rarement parler de l'équipe nationale masculine dans les médias, mais les rares fois où cela se produit, on en profite habituellement pour rappeler que le Canada ne s'est pas qualifié pour la Coupe du monde depuis 1986. S'ensuit également un bref questionnement sur le niveau de jeu médiocre de notre équipe nationale par rapport au reste du monde. Pourtant, l'attention est de courte durée, le sujet se faisant rapidement supplanter par un autre qui préoccupe davantage l'écosystème «médiatico-sportif» local (dixit Sportnographe), comme la composition du quatrième trio du Canadien.

À la suite de l'élimination du Canada au premier tour de la Gold Cup et avant que débute le camp de perfectionnement des recrues dans cet autre sport, l'occasion est belle pour traiter de certains facteurs qui nuisent au développement de notre soccer.

Le Kick, ça s'arrête maintenant!

Depuis deux ans maintenant, la Fédération de soccer du Québec présente une campagne de sensibilisation nommée le «Kick, ça s'arrête maintenant». Un des buts du programme est de renforcer les convictions des entraîneurs de la province qui misent sur le développement à long terme des joueurs plutôt que de privilégier le résultat à court terme.

En envoyant ce message à ceux qui devraient agir avec les jeunes d'abord comme des éducateurs plutôt que des entraîneurs, on veut désamorcer l'enjeu des matchs pour augmenter la qualité du jeu qui laisse souvent à désirer. On vise également à diminuer l'importance de la victoire en bas âge et à rééquilibrer le rapport entre les qualités physiques (surévaluées) et techniques (négligées) des jeunes.

Avec le temps, on devra mesurer le progrès accompli en répertoriant le nombre de Québécois(es) qui feront partie des équipes nationales plutôt qu'en collectionnant des trophées et des médailles remportés dans les tournois provinciaux.

L'autre champ de bataille consiste à amener les parents à prendre conscience de la confusion créée chez les jeunes lorsqu'on les encourage à dégager, botter ou «kicker» le ballon sans réfléchir. Pendant que l'éducateur demande de contrôler, regarder et jouer, les parents hurlent: «Envoye, kick en avant». Malheur à celui qui rate une passe qui permet à l'adversaire de marquer...

Au soccer, le gouffre qui sépare Canadiens et Brésiliens, pour ne nommer que ceux-là, est énorme. Si les enfants brésiliens ont une meilleure technique que nos jeunes, ce n'est pourtant pas en vertu d'un don divin. C'est avant tout parce qu'ils touchent plus souvent au ballon! Les joueurs québécois ont tout ce qu'il faut pour en faire autant, si seulement on les incitait à le faire. Y a-t-il moyen de retenir les applaudissements lorsqu'un joueur y va d'un «beau kick!» qui donne le ballon à l'autre équipe?

Vers une culture du jeu plus sophistiquée

L'effort est de taille pour développer ici cette culture du ballon rond. Parmi les parents qui longent les lignes de touche lors des matchs de jeunes, peu ont une expérience au soccer qui leur permet d'apprécier les gestes techniques et les notions tactiques qu'on tente d'enseigner pour avoir une alternative au jeu excessivement direct. Nous pouvons être fiers de la popularité du soccer chez nous, mais le temps est venu de passer de l'ère de la quantité à celle de la qualité.

Pour rivaliser avec les meilleurs, il faut obliger les joueurs à réfléchir sur le terrain et à s'exécuter avec vitesse, constance et précision. C'est plus de travail que le simple «kick&run», mais en insistant sur un style de jeu basé sur la possession, les joueurs québécois réaliseront qu'ils sont aussi capables de jouer avec la manière quand ils s'en donnent la peine.