À quel prix Joseph Blatter va-t-il obtenir son quatrième mandat de président, demain, à l'occasion du 61e Congrès de la FIFA?

Déjà critiqué pour l'opacité de sa gestion et ses méthodes troubles, l'organisme zurichois a vu son processus d'élection se transformer en une série d'accusations de corruption. Les trois derniers jours l'ont notamment plongé dans une guerre ouverte où se sont succédé les déclarations-chocs. Malgré tout, Blatter maintient le cap.

La déconnexion entre la FIFA et le terrain lui-même n'a jamais été aussi frappante que le week-end dernier. Pendant que le FC Barcelone régalait la planète entière en finale de la Ligue des champions, la FIFA vivait au rythme de sa commission d'éthique.

À l'issue d'auditions tenues dimanche, elle a décidé de suspendre le seul opposant de Blatter, Mohammed Ben Hamman, pour avoir prétendument offert 40 000 $ chacun aux délégués de 25 fédérations caribéennes. Le président de la CONCACAF, Jack Warner, a aussi été sanctionné.

Le Qatari, également à la tête de la Confédération asiatique, a fait appel de la décision, hier, après s'être retiré de la course à la présidence dès samedi. Blatter, mis préalablement au courant de ces versements, a, de son côté, été blanchi par la même commission même s'il n'a pas respecté son «devoir de divulgation».

Dans la foulée de ces deux décisions, Warner a promis qu'«un tsunami footballistique allait frapper la FIFA». Après avoir révélé que Blatter avait récemment fait un don de 1 millionà la CONCACAF, le Trinidadien à la réputation sulfureuse s'est montré particulièrement virulent à l'égard de la commission.

«Un tribunal de république bananière, c'est le terme qui convient. Ils savaient à l'avance ce qu'ils allaient décider, ils n'avaient aucune intention d'écouter, ils avaient été sélectionnés pour accomplir une mission et c'est exactement ce qu'ils ont fait.»

Il en a rajouté, hier, en rendant public un courriel dans lequel le secrétaire général et bras droit de Blatter, Jérôme Valcke, écrivait que «Ben Hamman pensait (en se présentant) acheter la FIFA comme il l'a fait avec la Coupe du monde.» Valcke s'est rapidement défendu en précisant qu'il faisait allusion aux faramineux moyens dont disposait le pays du Golfe Persique durant laquelle a il fait la promotion de sa candidature. Le gouvernement du Qatar a évidemment déploré que son nom soit sali de la sorte.

Malgré plusieurs appels en ce sens, Blatter a affirmé hier après-midi que ce scrutin ne serait pas rouvert, balayant d'un revers de main les accusations provenant de la presse anglaise. «Le comité exécutif de la FIFA a été heureux de recevoir les allégations de Lord David Triesman (l'ancien président de la fédération anglaise, qui a chargé plusieurs membres du comité exécutif de la FIFA devant une commission d'enquête parlementaire, NDLR); il n'y a pas d'éléments dans ce rapport qui amèneraient à une procédure.»

Lors d'une conférence de presse assez tendue, le président a également soutenu que son élection se déroulerait comme prévu, demain. «Une crise, qu'est-ce qu'une crise? Le soccer n'est pas en crise. Nous ne sommes pas en crise, nous avons seulement quelques difficultés», a-t-il lancé sur un ton plutôt énervé.

À la question de savoir s'il était l'homme de la situation pour remettre la FIFA sur la voie de la respectabilité, Blatter a indiqué qu'il revenait au congrès de déterminer s'il était «un candidat valide ou pas, un président valide ou pas.»

Après 12 ans au pouvoir, la perception du grand public à son endroit et à l'égard de la FIFA a rarement été aussi négative. Reprenant les propos d'un communiqué diffusé dimanche, Blatter s'est dit attristé par les récents événements et l'image que la FIFA renvoyait auprès des amateurs de soccer.

La situation était pourtant fort prévisible pour cet organisme à but non lucratif réputé pour son immobilisme et ses scandales en tout genre.

Les derniers mois n'ont fait que renforcer la perception qui veut que la FIFA travaille pour son propre intérêt et non celui du soccer. Depuis le début du processus électoral au mois de mars, Ben Hamman et Blatter n'ont fait que s'échanger des reproches sans vraiment apporter de solutions aux problèmes qui minent la FIFA depuis des années. L'occasion est belle pour mener une réforme. Trop belle pour être vraie?

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BLATTER ET LA FIFA: PARFUM DE SCANDALE

8 juin 1998

Joseph Blatter remplace João Havelange à la barre de la FIFA après voir défait le Suédois Lennart Johansson, alors président de l'UEFA. De forts soupçons de corruption pèsent sur la campagne de Blatter qui aurait offert 100 000$ à certains membres de la FIFA en échange de leur soutien.

8 décembre 2010

À la surprise générale, la Russie et le Qatar sont choisis pour obtenir les Coupes du monde 2018 et 2022. Devant les accusations de corruption émises par la presse et quelques personnalités britanniques, Blatter réplique en les accusant «d'être mauvais perdants». Des sénateurs australiens ont par la suite exigé que la FIFA rembourse les 47 millions à sa Fédération «puisque les votes s'échangeaient contre des pots-de-vin».

18 mars 2011

Mohammed Ben Hamman annonce sa candidature en vue de l'élection du 1er juin. Fortement engagé dans la candidature du Qatar, il était censé être le premier adversaire de Blatter en 13 ans. «Il n'y a pas de vision pour la FIFA, il n'y a rien, Blatter est usé», a-t-il martelé.

10 mai 2011

En tournée autour du globe, Ben Hamman s'arrête à Trinidad-et-Tobago, fief du président de la CONCACAF, Jack Warner. Deux semaines plus tard, les deux hommes sont accusés et suspendus provisoirement pendant la durée d'une enquête entourant le versement de 40 000$ à plusieurs fédérations nationales.

30 mai 2011

Les scandales fusent de tous les côtés et obligent Joseph Blatter à faire le point devant des journalistes qui se font pressants. Il indique notamment que l'élection se tiendra comme prévu, demain. Dans le cas d'une lutte à deux, les deux tiers des votes auraient été nécessaires au premier tour tandis que la majorité absolue aurait suffi au deuxième tour. Désormais sans opposition, il sera réélu par acclamation, comme en 2007.