La tourmente a rattrapé jeudi Laurent Blanc, l'ex-international Patrick Vieira jugeant scandaleux les propos du sélectionneur français, dernière touche en date d'une image désastreuse du soccer français avec une Fédération accusée d'avoir été informée dès novembre de la fameuse réunion sur les «quotas».

La pression est donc montée encore d'un cran autour de Laurent Blanc. Les auditions du sélectionneur, par la mission du ministère des Sports et par la commission interne de la Fédération qui sont dissociées depuis ce jeudi, sont toujours attendues pour la fin de semaine, vendredi ou samedi à Paris alors que Laurent Blanc est en congé dans le nord de l'Italie.

Mais les mots de Vieira, un des symboles de la génération «black-blanc-beur» championne du monde en 1988 dont faisait aussi partie Laurent Blanc, accordés au quoditien le Monde, font mal.

«Quand je lis qu'il (Blanc) a dit que "les Espagnols, ils disent: Nous, on n'a pas de problème. Des Blacks, on n'en a pas", ou "qu'est-ce qu'il y a comme grands, costauds, puissants? Des Blacks", c'est scandaleux ! Ce sont des propos graves», commente ainsi le joueur de Manchester City, né à Dakar au Sénégal, qui a joué à 107 reprises avec le maillot bleu.

«Je connais Laurent Blanc, j'ai toujours eu de bonnes relations avec lui, poursuit "Pat" Vieira. Je ne crois pas qu'il soit raciste, mais je suis surpris du degré de ses commentaires» diffusés samedi dans un verbatim rapporté par Mediapart.

«On peut me dire ce que l'on veut, mais personne n'a été piégé lors de cette réunion, poursuit le milieu de terrain. On n'a forcé personne à tenir ces propos, et pourtant ils l'ont dit, c'est un fait: ça, c'est choquant», conclut l'ex-international français.

Dugarry: «J'ai peur qu'il s'en aille»

Après la parution du verbatim, Laurent Blanc avait fait amende honorable dans un communiqué: «Que certains termes employés au cours d'une réunion de travail, sur un sujet sensible et à bâtons rompus, puissent prêter à équivoque, sortis de leur contexte, je l'admets et si, pour ce qui me concerne, j'ai heurté certaines sensibilités, je m'en excuse.»

Des excuses qui n'avaient pas satisfaits un autre champion du monde 1998, Lilian Thuram. «Tutu», guadeloupéen recordman des sélections en équipe de France (142), avait estimé sur la radio RTL lundi: «Je dirais que ses excuses n'ont pas été à la hauteur de ce qui s'est passé.»

«Bien évidemment qu'il est fragilisé par ses propos, a renchéri Thuram sur France 2 mercredi. Sinon, je connais bien Laurent Blanc et je ne pense pas qu'il soit raciste.»

Christophe Dugarry, champion du monde 1998 aujourd'hui consultant télé, avait mis en garde mercredi sur la chaîne de télévision Infosport sur une possible exaspération du sélectionneur si les critiques continuaient à pleuvoir: «J'ai peur qu'il s'en aille, qu'il en ait marre de se faire agresser de la sorte. De manière très injuste. J'espère qu'il n'est pas trop tard.»

En dehors du cas particulier Laurent Blanc, les enquêtes se poursuivaient ce jeudi, avec l'audition, entre autres de Christian Teinturier, membre du conseil fédéral, et de Francis Smerecki, l'entraîneur national des jeunes qui avait pris ses distances avec ses collègues incriminés lors de la réunion du 8 novembre.

Depuis ce jeudi, les enquêteurs du ministère et de la Fédération française cessent donc leurs auditions communes. La ministre des Sports Chantal Jouanno prendrait-elle ses distances?

«Je ne me suis pas désolidarisée de la Fédération, a assuré la ministre sur la radio Europe 1 jeudi matin. J'ai voulu qu'elles soient séparées parce que tout se retrouve dans la presse, il y a énormément de fuites qui viennent de la Fédération et je veux que la mission d'inspection (du ministère) travaille dans la sérénité.»

«Attendons la fin de la mission d'inspection qui est très courte, une semaine, pour avoir une vision claire et objective, a poursuivi Mme Jouanno. C'est un feuilleton désastreux pour le sport le foot et l'État mais nous ne sommes pas dans la chasse aux sorcières.»