Cela a été pénible par grands bouts, un festival de fautes flagrantes et de coups bas dignes des combats extrêmes, mais les tenants du beau jeu ont fini par triompher dans cette Coupe du monde 2010.

Déjà championne européenne, l'Espagne n'a pas seulement fait fi de la pression qui venait avec son statut de favorite pour l'emporter 1-0 en finale contre les Pays-Bas, une première dans son histoire grâce à un but d'Andrès Iniesta avec quatre minutes à faire en temps supplémentaire. Elle a aussi surmonté le jeu sournois pratiqué par son adversaire pendant la majeure partie d'un match marqué par un total record de 14 cartons, dont neuf aux Néerlandais.

«C'est incroyable», a dit Iniesta au sujet de son but, marqué sur une passe de Cesc Fabregas, entré à la 87e minute en remplacement de Xabi Alonso. «C'est simplement une petite contribution dans un match dur et pénible où toutes sortes de choses se sont produites sur le terrain. L'Espagne méritait cette victoire.»

Elle la méritait. Mais cela n'a pas été un beau match pour autant. Certes, on a évité la répétition du scénario de la finale de 2006, décidée aux penaltys à la faveur de l'Italie. Mais il a fallu attendre le surtemps pour que l'action commence réellement, après 90 minutes d'un spectacle souvent peu glorieux, entrecoupé de rares moments de brillance. Une bonne chose que Nelson Mandela, tout sourire sous sa toque noire quand il est venu saluer la foule avec sa femme Graça Machel avant le match, soit rentré chez lui avant le coup d'envoi. Pas sûr que l'icône de la lutte contre l'apartheid aurait approuvé les méthodes brutales déployées par les Oranje à Soccer City.

L'attaquant néerlandais Arjen Robben avait dit plus tôt cette semaine qu'il préférait «de loin gagner un match très laid qu'en perdre un beau». S'il n'avait pas bousillé deux occasions en or, son souhait se serait probablement réalisé.

À la 63e minute, Robben s'est fait voler par Iker Casillas, le gardien espagnol étirant la jambe pour bloquer le tir de l'attaquant du Bayern, arrivé tout seul devant lui. Vingt minutes plus tard, avec Carles Puyol sur le dos (le Catalan aurait facilement pu recevoir un carton), Robben a de nouveau été incapable de glisser le ballon à côté de Casillas, venu à sa rencontre.

«On sentait que l'équipe qui marquerait le premier but gagnerait le match, a dit l'entraîneur néerlandais Bert van Marwijk. Si Arjen avait marqué, ça aurait pu signifier la victoire. Malheureusement, il n'a pas été chanceux.»

Les Néerlandais, dont c'était la première défaite en 26 parties, ont joué de chance autrement: en évitant les expulsions jusqu'à ce que le deuxième carton jaune du défenseur John Heitinga, à la 109e minute, ne les force finalement à terminer le match à 10 joueurs.

En première demie, Nigel de Jong aurait mérité un carton rouge pour le coup de pied de karaté asséné à la poitrine de Xabi Alonso. Son partenaire de crime en milieu de terrain, Mark van Bommel, aurait très bien pu subir un sort identique pour une faute à l'endroit d'Iniesta.

L'arbitre Howard Webb avait l'air un peu trop soucieux «de ne pas affecter l'issue du match», comme ils disent au hockey. Il a choisi de multiplier les cartons jaunes, chaque fois à un joueur différent. De leur côté, les Espagnols, victimes de fautes à répétition (28 en tout), en ont souvent mis plus que le client en demandait dans l'espoir de forcer la main à l'officiel anglais.

Reconnaissant que «la meilleure équipe (avait) gagné», van Marwijk n'a pas cherché d'excuses pour l'approche très «physique» adoptée par ses joueurs. «C'est peut-être regrettable pour une finale, ce n'est pas notre style - voyez comment on a joué dans le reste du tournoi - mais on jouait pour gagner la finale de la Coupe du monde. Nous aurions adoré gagner, même avec du moins beau football.»

Le sélectionneur a fait valoir que les deux côtés avaient péché par excès de rudesse. Il n'a pas tort, même si «l'avantage» à ce chapitre allait clairement aux Pays-Bas, dont c'était la troisième défaite en finale d'un Mondial, après celles de 1974 et 1978.

Plus probantes étaient ses récriminations au sujet de la séquence ayant conduit au but d'Iniesta, marqué sur la première attaque espagnole après que les arbitres eurent erré en n'adjugeant pas un corner aux Néerlandais. «Les 84 490 spectateurs ont vu que c'était un corner, mais pas l'arbitre et ses assistants. C'était un moment crucial, juste avant la fin du match.»

Son vis-à-vis, lui, se rengorgeait. «Ce succès s'inscrit dans la continuité de notre victoire à l'Euro 2008, a dit l'entraîneur espagnol Vicente del Bosque. Nous avons tenté de préserver ce très bel héritage, en incorporant de nouveaux joueurs.»

Forlan et Müller en vedette

Parmi ceux qui étaient de l'aventure en 2008 figure l'attaquant David Villa. La nouvelle acquisition du FC Barcelone a fini le tournoi avec cinq buts, le même total que l'Allemand Thomas Müller, l'Uruguayen Diego Forlan et le Néerlandais Wesley Sneijder. Le Soulier d'or est toutefois allé à Müller, qui a réussi plus de passes décisives. Müller s'est aussi mérité le titre de meilleur jeune joueur, tandis que le Ballon d'or, remis au joueur par excellence, est allé à Forlan. Un excellent choix: sans le travail inlassable de l'attaquant de l'Atletico de Madrid, l'Uruguay n'aurait jamais atteint le dernier carré.