Il y a longtemps que Le Cap n'est plus une colonie néerlandaise. Mais le temps d'un match, le temps de voir les Pays-Bas atteindre la troisième finale de Coupe du monde de leur histoire, la Cité mère, comme on l'appelle ici, était habillée aux couleurs de son ancien maître.

Les partisans des Oranje étaient immensément majoritaires au stade de Green Point, où les Pays-Bas ont arraché une victoire de 3-2 à l'Uruguay et se sont qualifiés pour une première finale depuis celles de 1974 et 1978, qui s'étaient soldées par des défaites aux mains de l'Allemagne de l'Ouest et de l'Argentine.

La formation la plus talentueuse a gagné, aucun doute là-dessus. Mais la victoire des Pays-Bas a été tout sauf facile, face à une équipe qui a refusé de s'avouer vaincue même si elle était privée de plusieurs éléments importants, dont le défenseur (et capitaine) Diego Lugano, blessé, et l'attaquant Luis Suarez, suspendu.

Est-ce le karma? L'Uruguay, qualifié pour la demi-finale après que Luis Suarez eut arrêté de la main un but certain du Ghana, lors du match précédent, a été victime d'une erreur d'arbitrage qui a permis aux Néerlandais d'inscrire un but crucial.

Le match s'est joué en l'espace de trois minutes, à mi-chemin en deuxième demie, quand Wesley Sneijder (70e) et Arjen Robben (73e) ont tour à tour battu le gardien Fernando Muslera pour donner les devants, 3-1, aux Pays-Bas.

Les Uruguayens étaient furieux après le but de Sneijder. Et ils avaient raison de l'être. Le tir de Sneijder, posté juste à l'intérieur de la surface de réparation, a dévié sur un défenseur avant de passer au pied de Robin van Persie, qui, à en juger par la reprise, semblait hors jeu. «L'arbitre a fait une erreur. Ce n'est pas la première fois dans cette Coupe du monde. C'est arrivé à un mauvais moment pour nous. Mais ce n'est pas le moment de pleurer et de se chercher des excuses. Nous avons essayé, mais nous n'y sommes pas parvenus», a commenté l'entraîneur de l'Uruguay, Oscar Tabarez.

Aucune controverse n'a toutefois entaché le but d'assurance des Pays-Bas, un bijou signé Arjen Robben, qui a redirigé de la tête un centre de Rafael van de Vaart juste à l'intérieur du poteau. Les Pays-Bas en avaient assez fait pour se sauver avec la victoire, malgré une furieuse poussée uruguayenne dans les arrêts de jeu, qui a résulté en un but de Maximiliano Pereira à la 92e minute.

Les Oranje ne perdent plus

Entré en poste après un Euro 2008 décevant, l'entraîneur Bert van Marwijk sait visiblement ce qu'il fait. Les Pays-Bas ont été le premier pays européen qualifié pour le Mondial, grâce à huit victoires consécutives. Ils ont gagné leurs 10 derniers matchs et sont invaincus à leurs 25 dernières parties, deux records nationaux dans un pays pourtant familier avec l'excellence footballistique depuis l'époque dorée du «football total», il y a 35 ans. «Quand je suis arrivé il y a deux ans, j'ai dit aux joueurs : nous avons une mission, il faut y croire. Nous sommes un petit pays, mais nous sommes en finale de la Coupe du monde», a dit van Marwijk.

Historiquement, la sélection néerlandaise a la réputation de s'écrouler quand ça chauffe, mais l'équipe actuelle semble capable de surmonter les obstacles qui se dressent sur son chemin. Contre le Brésil, en quarts, elle était revenue de l'arrière pour l'emporter 2-1. Mardi, elle a rebondi après que l'Uruguay, grâce au quatrième but du tournoi de l'excellent Diego Forlan, l'eut ébranlée en fin de première demie.

La question qui se pose maintenant est de savoir si les Pays-Bas ont ce qu'il faut pour vaincre l'Allemagne ou l'Espagne, qui s'affrontent aujourd'hui dans l'autre demi-finale, à Durban. Contre deux adversaires potentiels nettement supérieurs à l'Uruguay sur papier, ils font a priori figure de négligés.

Van Marwijk n'a évidemment pas voulu indiquer avec qui il préférait se mesurer lors de la finale à 100 % européenne qui aura lieu dimanche au stade de Soccer City, à Johannesburg. «C'est difficile à dire. Je pense que de tous les pays, c'est l'Espagne qui joue le meilleur football», a dit cet admirateur avoué du FC Barcelone, d'où est issu le noyau principal de la sélection espagnole. «Mais l'Allemagne est probablement la meilleure équipe depuis le début du tournoi. J'ai hâte de voir le pointage final. Nous aimons jouer comme l'Espagne le fait, mais d'un autre côté, ce serait génial de jouer contre l'Allemagne, comme en 1974.»

Arjen Robben, lui, n'a pas tenté de dissimuler sa préférence. L'attaquant rêve de se frotter à l'Allemagne, dont plusieurs des joueurs sont ses coéquipiers chez le Bayern de Munich. «Une finale contre l'Allemagne, a-t-il dit, ce serait merveilleux... enfin, seulement si nous gagnons. Dans le cas contraire, je ne rentre pas à Munich! Je serai obligé de me trouver un nouveau club!»